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Le Chant de la Mer : Rencontre avec Tomm Moore

Nous suivons le parcours du Chant de la Mer depuis plus d’un an puisque nous avions eu la chance de visiter les studios irlandais de Cartoon Saloon dans la charmante bourgade de Kilkenny et rencontré son réalisateur pour une interview réalisée en cours de production.

Il était donc tout naturel pour nous de nous retrouver un an plus tard pour faire le point sur la fin de la réalisation et pour évoquer le film terminé, le travail d’écriture, l’influence de Hayao Miyazaki et les projets. Tomm Moore nous a notamment confié travailler sur un troisième film tournant autour des légendes irlandaises. Il s’appellera The Wolf Walkers.

Le Chant de la Mer sera visible dans les salles le 10 décembre.

 


Interview en version originale non sous-titrée. Retranscription française ci-dessous

 

On s’est rencontré il y a un peu plus d’un an à Kilkenny. Comment ce sont passés ces quatorze derniers mois ?
Tomm Moore : On a fini l’animation, le son, la musique et le compositing. Un dernier rush pour faire en sorte que le film soit terminé.

Tu n’as pas écrit ce film. Will Collins est le scénariste mais c’est ton idée. Comment avez-vous collaboré ?
J’avais des idées pour une histoire, j’avais songé à des personnages, à des thèmes que je voulais explorer, des idées à propos du folklore. On a contacté l’Irish Film Board pour leur demander s’ils pouvaient nous recommander un scénariste avec lequel travailler sur l’histoire. Will m’a alors contacté. On a tellement en commun qu’on s’est vite bien entendu, on a le même âge, le même genre de parcours. En plus il a écrit un film qui se passe la nuit d’Halloween en 1987 [My Brothers, réalisé par Paul Fraser].
On a commencé à travailler ensemble pendant qu’on cherchait le financement pour faire le film. On a construit l’histoire à partir de mes idées très simples et il en a fait le scénario.

Tu lui as donc donné une seule idée ou tu l’as aidé pendant l’écriture ?
On s’est rencontré plusieurs fois et on a écrit ensemble des brouillons. Mais avant cela, on s’est réunit dans le studio. Je faisais des dessins, il donnait des idées, je revenais à mes croquis, etc… Et Will s’est très impliqué tout du long. On n’avait pas fini d’écrire une fois le scénario terminé, on a continué pendant qu’on faisait les storyboards. Nora Twomey [co-réalisatrice de Brendan et le Secret de Kells] nous a rejoint en tant que directrice chargée de l’histoire, on a monté une équipe de storyboarders. Will travaillait avec nous et si quelqu’un de l’équipe apportait une bonne idée, Will la prenait. Au final, le script et le storyboard se sont fait en même temps.

L’histoire se déroule en 1987 parce que tu avais dix ans comme Ben. Le héros te ressemble-t-il ?
Oui, absolument. Le personnage principal est un mélange entre mon fils à dix ans et moi au même âge. Sa personnalité, son caractère, ses intérêts sont totalement basé sur moi.

J’avais trouvé sur Internet des dessins conceptuels quand j’ai préparé l’interview à Kilkenny. Je me souviens d’une image de la mère dans la chambre avec ses deux enfants…
Au début, on avait pensé que la scène pourrait être dans le film. On avait réalisé une bande-annonce conceptuelle qui est toujours sur Internet avec des scènes que j’imaginais être dans le film avant que Will ne soit impliqué.
Une des premières choses qu’il a fait en arrivant sur le projet a été de couper cette scène. Il pensait que le film serait plus puissant si la mère était partie depuis le début et si Saoirse ne l’avait jamais connue. Ca a changé toute l’histoire. C’est un bon exemple de ce que Will a apporté à l’histoire.
Ma première idée était de faire disparaitre la mère une nuit après qu’elle ait présenté Saoirse aux phoques. Will trouvait que ça aurait plus de sens dramatique de faire disparaitre la mère depuis le début et de faire que Saoirse n’ait pas du tout connu sa mère. On a du coup été obligé de jeter des séquences animées déjà réalisées !

Mais l’idée de départ a bien été conservée jusqu’au résultat final ?
Oui, le cœur de l’intrigue, l’histoire toute simple que j’avais écrite, est restée jusqu’à la fin. Le début et la fin sont identiques mais le milieu est vraiment la partie que nous avons retravaillée. Nous avons écrit un brouillon appelé « the fat baby » dans lequel nous avions mis toutes nos idées pour retravailler ça. Le bébé a maigri puisqu’on est passé de 120 pages de scénario à 80 pages environ. Même s’il y avait des idées très cools, on a dû couper, faire des choix, pour renforcer le parcours et l’histoire de Ben, pour ne pas s’en éloigner.

Beaucoup de personnages viennent de la mythologie irlandaise. En as-tu créé certains ou viennent-ils tous du folklore ?
C’est un mélange. C’est un peu comme si on avait fait du shopping dans la mythologie. On a pris tous les ingrédients dont on avait besoin pour raconter l’histoire. Mais c’est d’abord une histoire sur la perte d’une mère, dont l’univers fantastique n’est que le reflet. C’est comme Le Magicien d’Oz ou Peter Pan où chaque personnage féérique est une exagération de ce qui se passe dans le monde réel.
Après avoir travaillé sur plusieurs brouillon, nous nous sommes rendus compte que les personnages n’avaient pas besoin d’être basé sur du folklore officiel mais plutôt sculpté pour raconter l’histoire. C’est aussi un peu la tradition des conteurs irlandais.
Par exemple, le Chanaki est un personnage qu’on a créé. Il est basé sur Eddie Lenihan, qui est un conteur irlandais qui a une barbe incroyable ! Eddie raconte que chaque fois qu’un conteur évoque une histoire, il l’adapte à son public. Et c’est une tradition orale, qui fait l’histoire -même si elle est toujours la même- peut être différente d’un conteur à l’autre. C’est ce qu’on a fait avec Le Chant de La Mer, on a pris tous ces éléments, ces thèmes et on en a fait notre histoire.

La sorcière, Macha, et la grand-mère sont un peu le même personnage. Même voix, même apparence. C’est fait exprès ?
Absolument ! Macha est une exagération cartoonesque de la grand-mère. La grand-mère prend des cachets pour contrôler ses émotions, la sorcière les enferme dans des pots. Les deux cherchent à contrôler les enfants…

Parlons du Chant à proprement parlé. Qui a écrit les paroles ? Comment ça s’est mis en place ?
La chanson est très importante, c’est pourquoi on a impliqué Bruno [Coulais] et Kila depuis le début. La musique a évolué en même temps que l’histoire et le script. On a fait quelques sessions en Irlande avant même d’avoir un storyboard complet, parce qu’on avait besoin de la chanson pour l’animation. Colm Ó Snodaigh de Kila a écrit les paroles, Bruno a écrit la mélodie. Pendant un long moment, on n’a eu qu’un squelette de chanson avec juste la voix de Lisa Hannigan. Puis, finalement, on a dû revoir les storyboards et l’animation parce que Bruno en avait fait quelque chose de plus imposant, ajoutant un orchestre et tous les instruments de Kila. Ca a beaucoup changé quand on a fait le film.

Parlons d’Adrien Merigeau. Il a beaucoup travaillé avec vous. Quel était son rôle exactement ?
Il a travaillé avec moi sur l’aspect visuel, pas vraiment sur l’histoire et la musique. Il était chargé de la direction artistique et du production design. C’est quelqu’un de très talentueux, j’ai donc écouté ses conseils sur tous les aspects du film. Mais je pense que, pour un réalisateur, c’est important de prendre des conseils de tout le monde et de choisir ceux que tu veux utiliser.
Il a fait énormément pour le visuel du film, beaucoup de choses sont son style à lui. Il a touché à tous les éléments d’arrière plan. Même si on avait une équipe chargés des décors, il a mis la touche finale sur chacun d’eux.
Quand j’ai eu les layouts, le compositing et le storyboard de terminés, j’ai vraiment fait confiance à Adrien pour terminer. On a travaillé ensemble surtout en Belgique où on a passé du temps sur le rendu final du film.

Es-tu d’accord si je dis que Le Chant de la Mer est le « Mon Voisin Totoro » irlandais ?
J’espère, ce serait un énorme compliment.

Le Secret de Kells était pas mal comparé à Princesse Mononoke et celui-ci à Totoro…
Oui, un peu plus jeune, plus gentil, plus « conte de fées »

Hayao Miyazaki a une grande influence sur ton travail ?
Oui. C’est amusant parce que j’ai découvert Miyazaki assez tard, ses films n’étant pas distribué en Irlande. Je l’ai donc découvert alors que j’étais déjà animateur et j’ai réalisé à quel point il y avait quelque chose de spécial dans son travail.

A propos d’influences, quels sont les films d’animations qui ont fait que tu as choisi ce métier ?
Le premier film d’animation dont je me souvienne, je l’ai vu à une fête d’anniversaire, j’avais environ huit ans. Ils ont mis une cassette pour les plus petits, c’était Brisby et le Secret de Nihm. Je me suis assis avec des petits de 3-4 ans pour le regarder. J’ai trouvé ça extraordinaire. Puis je me suis rendu compte que mes amis, tous plus âgés, se moquaient de moi.
Je l’ai donc découvert sur une petite télé, à une fête bruyante mais j’ai été happé tellement c’est un film riche. C’était un film indépendant, un projet fait avec passion, pas du tout contrôlé par un comité, des producteurs qui pensaient à ce que les fabricants de jouets voulaient. Ça m’a parlé.

Un mot sur le Prophète. Le film est terminé ?
Oui, on a montré le film entier à Toronto. On a couru là bas d’une avant-première à une autre. Le Prophète, je l’ai co-réalisé avec Ross Stewart, qui était directeur artistique sur le Secret de Kells, parce que j’étais trop occupé sur Song of the Sea. Je suis chanceux : j’avais Ross et une équipe passionnée au studio. Je m’occupais donc du Prophète le matin puis je passais le reste de mes journées sur Song of the Sea, vérifiant juste de temps en temps l’animation. On n’a fait que cinq minutes mais je suis très content du résultat.

Je suis sûr que tu as plein d’idées pour un troisième film. Que peux-tu me dire ?
Le prochain film sur lequel je vais travailler n’est pas le mien, il sera réalisé par Nora Twomey et s’appelle The Breadwinner. C’est l’histoire d’une petite fille en Afghanistan et ce sera notre prochaine production.
Mais je travaille aussi avec Ross Stewart sur un film basé une nouvelle fois sur le folklore irlandais. Ce sera sans doute le dernier que je fais sur ce genre de thème.

De quoi ça parlera ?
Ca s’appelle provisoirement The Woof Walkers et ce sera basé sur des légendes de la région de Kilkenny, où j’ai grandi.

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