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Un Dimanche, Une Critique : La Fille de Ryan

Paris est souvent surnommée capitale du cinéma pour sa programmation démentiellement riche. Il faut dire que la capitale regorge de petits cinémas -principalement situés autour de la Rue Champollion et de la Rue des Ecoles dans le 5e arrondissement- qui n’hésitent pas à programmer de vieux films.

C’est dans l’une de ses salles que j’ai pu découvrir en avant-première la très belle restauration de la Fille de Ryan, le film de David Lean, que Lost Films ressortira dans quelques salles le 14 août prochain. La sortie devrait être suivie d’un blu-ray.

Et ce n’est pas parce que le film est moins connu que Le Pont de la Rivière Kwai, Docteur Jivago ou Lawrence d’Arabie qu’il faut passer à coté.

La Fille de Ryan fait partie de cette catégorie qu’on pourrait appeler « les films cultes maudits », ceux dont la production et l’accueil sont des catastrophes mais qui se révèlent en réalité de haute tenue. Il faudrait d’ailleurs 14 ans à David Lean pour reprendre les chemins des plateaux de cinéma (La Route des Indes, 1984).
A l’origine, il y a l’envie du scénariste Robert Bolt d’adapter Madame Bovary de Flaubert. L’idée de base ne plait pas à Lean qui suggère des changements. La Fille de Ryan n’est en réalité qu’une adaptation vague, transposée en Irlande en pleine 1er Guerre Mondiale.
Le tournage sera un calvaire, notamment à cause des conditions météo en Irlande (d’ailleurs certaines scènes de plage finiront par être tournée en Afrique du Sud). Leo McKern (qui incarne le fameux Ryan) sera gravement blessé dans une incroyable scène de tempête, Lean ayant gardé ses chutes au montage. Robert Mitchum s’embrouillera avec le réalisateur. Et au milieu de cette joyeuse pagaille, Sharon Tate, la femme de Roman Polanski sera assassinée par Charles Manson. Elle était proche de Christopher Jones, qui incarne l’amant anglais. Sa mort le dévastera et marquera profondément le tournage. A sa sortie, le film sera défoncé par les critiques.

Et pourtant, malgré tout, La Fille de Ryan est un film incroyable par bien des aspects.

D’une durée de 3h20, le film est particulièrement lent et contemplatif. Et pourtant, alors que beaucoup de réalisateurs contemporains prennent leur pied et nous emmerdent en filmant un champs de blé, un couloir ou une flaque d’eau, Lean magnifie ses images. La beauté naturelle de l’Irlande et de la région de Dingle en particulier ainsi que la photo de Freddie Young, récompensé aux Oscars pour son travail, permettent des plans absolument sublimes.
Lean profite au maximum des paysages n’hésitant pas à filmer de nombreux acteurs dans une tempête (et au mépris du danger, comme je l’expliquais plus haut) et était capable de repousser des prises de vues juste pour que l’environnement soit exactement comme il en avait envie.
Comme dans Lawrence d’Arabie où il pouvait poser sa caméra à des centaines de mètres de ses acteurs pour mieux filmer des plans d’une envergure incroyable, David Lean offre aussi à la fille de Ryan son lot de paysages surnaturels. Le film s’ouvre notamment sur un plan de son héroïne marchant au bord d’une falaise filmé de tellement loin qu’on se demande comment il a pu coordonner ce genre de scènes.

L’héroïne en question est Rosy Ryan, la fille de Tom Ryan le tenancier du bar du petit village de Kirarry dans le Comté de Dingle. Alors qu’il revient en ville, elle déclare sa flamme à Charles Shaughnessy, l’instituteur local qui accepte de la marier malgré leur différence d’âge. Elle va vite se rendre compte de la monotonie de sa vie quand va débarquer un beau militaire anglais sur lequel elle va se jeter. Il faut dire qu’au delà du train train quotidien, son époux bien qu’aimant, gentil et attentionné ne la comble pas sexuellement. Et elle devra attendre sa première fois avec le Major Randolph Doryan pour connaitre le plaisir. Bien entendu, dans un petit village, cet adultère ne passera pas inaperçu.
Il faut ajouter à cela une sous intrigue historique puisque nous sommes en 1916 et que se prépare l’Insurrection de Pâques, rébellion de la population irlandais contre les Anglais sur fond de Guerre Mondiale. Et Kirarry, village nationaliste s’il en est, ne voit pas d’un bon œil la présence des militaires anglais. Et de fait encore moins la relation entre une jeune et jolie locale et un ennemi du peuple.

L’unique problème de la Fille de Ryan, c’est malheureusement le fait de mélanger ces sous intrigues. Le film est particulièrement drôle, surtout dans sa première partie, et notamment grâce à un personnage muet incarné John Mills (qui sera oscarisé), sorte de bouffon local qui en prend plein la tronche mais ressort avec le sourire à la manière des clowns tristes. Le film est chargé en humour, en moments décalés et en ironie. A cela il faut donc ajouter un drame romanesque porté par un Robert Mitchum très (trop) monolithique et l’histoire en marche de l’Irlande. Même si les différents éléments du scénario, qui peut paraitre décousu au départ, finissent par bien se tenir, le film a le cul entre trois chaises en matière de tonalité. Et de fait finit par manquer d’émotions à certains moments.

Au final, La Fille de Ryan veut peut être trop en dire et a du mal se choisir une tonalité mais c’est un film d’une beauté rare qu’il ne faut pas manquer.

 

La Fille de Ryan – Sortie originale en 1970 – Version restaurée en salles le 14 août 2013
Réalisé par David Lean
Avec Robert Mitchum, Trevor Howard, Sarah Miles
Irlande. 1916. Sarah Ryan épouse le maître d’école du village de quinze ans son aîné. Déçue par cette union, elle tombe amoureuse du major anglais venu prendre le commandement de la garnison voisine…

La fille de Ryan from film on Vimeo.

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