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Critique : Selma

Dans la course aux Oscars 2015, on s’attendait à voir Selma.

Le film sur Martin Luther King avait tous les attributs pour séduire le jury : un biopic d’une personnalité, de grands acteurs et un sujet historique. Bien que nommé seulement en tant que Meilleur Film, il ne repartira finalement qu’avec la statuette de la Meilleure Chanson (pour Glory, par Common et John Legend).

Contrairement à nombre de ses concurrents en salles depuis avant la cérémonie, Selma sera en salles le 11 prochain, espérant sans doute surfer sur la vague d’un succès désormais bien relatif.

 

LA CRITIQUE

Le 4 avril 1968, peu après 18h, devant la chambre 306 à l’étage du Lorraine Motel de Memphis, Martin Luther King Jr. disparaissait, assassiné. Il avait été l’un des représentants les plus influents de la lutte pour la reconnaissance des droits civiques pour les personnes de couleurs aux États-Unis et un symbole pour le monde entier du combat constant contre le racisme et les discriminations. Luther King aura marqué son temps comme des générations après lui par son message de paix et d’harmonie préludé par cet « I have a dream » résonnant pour l’éternité. Mais qu’en est-il de sa présence sur le grand écran ?

Cette figure mythique de l’histoire contemporaine américaine existe, mais passée dans à l’arrière plan de films, comme le Ali de Michael Mann ou Le Majordome de Lee Daniels. Alors que le plus radical Malcolm X avait eut droit à son biopic signé par Spike Lee en 1992, Martin Luther King Jr. n’avait pas encore été situé en personnage principal d’un long-métrage. Ces films étaient restés à l’état de projet jusqu’à Selma.
Avant que la réalisation ne soit attribuée à Ava DuVernay, il était prévu que Lee Daniels le mette en scène avant que le réalisateur ne quitte l’aventure pour le long-métrage avec Forest Whitaker. La réalisatrice, elle, en est à son troisième film, après avoir fait ses premières armes dans le cinéma indépendant américain.

Cependant, Selma n’est pas un biopic au sens que beaucoup l’entendent et risque de déchainer (à nouveau) les passions de ceux qui confondent cinéma et réalité.

Le long-métrage ne retrace pas le parcours complet de Martin Luther King. A l’instar du Lincoln de Steven Spielberg (ou l’on retrouve David Oyelowo dans un second rôle), Selma se concentre sur les quelques mois qu’a compté son combat dans la ville d’Alabama du même nom et qui aura été un tournant dans son mouvement pour les droits civiques. Le film s’ouvre néanmoins avec une mise en parallèle de la réception du prix Nobel de la paix par Luther King à Oslo et l’explosion d’une bombe dans une église afro-américaine de Selma, tuant quatre petites filles (ces événements étant distants de plus d’une année). Cet attentat amorcera les débuts de manifestations dans la région qui aboutiront à l’implication de MLK.

Si l’incarnation d’un personnage (réel ou fictif) dans un biopic permet bien souvent une nomination à l’Oscar, il fut triste de constater que cela n’ait pas été le cas pour Selma. La performance déployée par David Oyelowo méritait largement une nomination, ne serait-ce qu’en reconnaissance du travail d’interprétation accompli. Car, aussi improbable que cela soit, aucune des déclarations publiques de Martin Luther King dans le long-métrage d’Ava DuVernay n’est historiquement correcte. Cette situation ubuesque est due au fait que les discours de MLK sont sous copyrights et ont été achetées par un autre studio ayant un film le concernant en projet. Ainsi, Ava DuVernay et son scénariste Paul Webb auront élaboré des variations à ces textes, sans pour autant dénaturer leur message ou trahir le sens de la lutte de Luther King.

Dommage que l’abnégation de la réalisatrice ne se retrouve pas dans sa mise en scène. Si les scènes intimistes, élaborées avec de simples champ-contre-champs dignes d’un mauvais téléfilm, reposent essentiellement sur la juste interprétation du casting, les scènes clés où se démontre la violence des autorités blanches à l’égard des citoyens de couleur en rajoutent plus que nécessaire. Ainsi, pour présenter l’horreur de la première marche pacifiste depuis Selma qui s’était terminée dans une violence extrême sur le Pettus Bridge, nous aurons droit à des plans au ralenti sur les policiers à cheval chargeant la foule, montés en parallèle avec les réactions horrifiées des téléspectateurs américains regardant le drame en direct. Cette réalisation tire-larme qui en fait des caisses dessert au final le propos du film. Ava DuVernay aurait mieux fait d’adopter la même position que l’interprétation humble et tout en sobriété de David Oyelowo.

 

Selma – Sortie le 11 mars 2015
Réalisé par Ava DuVernay
Avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo
Selma retrace la lutte historique du Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Une dangereuse et terrifiante campagne qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et qui a conduit le président Jonhson à signer la loi sur le droit de vote en 1965.

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