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L’origine des Éternels remonte au légendaire Jack Kirby au milieu des années 70. Mais c’est Neil Gaiman qui, avec l’aide de John Romita Jr, a réactualisé la série en 2006 et 2007. Et c’est aussi le seul souvenir de lecture de l’auteur de ces lignes. Le film de Chloé Zhao était donc, à l’image de Shang Chi, pratiquement une découverte. Contrairement à Iron Man ou Spider-Man dont j’avais déjà vu ou lu d’autres versions, mon approche était ici complètement différente. Pas question de juger une adaptation mais bien de découvrir des personnages. Et qui plus est un groupe de superhéros cosmiques, mis en images par la réalisatrice de Nomadland.
Pendant plus de 2h30, Les Éternels le film va expliquer ses personnages. Envoyés par des êtres cosmiques surpuissant, les Célestiels, les Éternels arrivent sur Terre bien avant notre ère. Leur seule mission est de nous protéger d’autres créatures, les Déviants. Bien que ne prenant jamais part aux conflits terrestres, ils ont parcouru le monde et sont devenus des divinités. De nos jours, ils doivent se réunir à nouveau car les Déviants sont de retour.

Toute la question était de savoir si Chloé Zhao allait pouvoir s’imposer. On sait que Kevin Feige a l’habitude d’embaucher des réalisateurs et réalisatrices de films indépendants pour, au final, ne proposer que des films Marvel Studios plus ou moins génériques. On se souvient du raté Captain Marvel ou plus récemment de Shang Chi qui, tout divertissant qu’il était, ne montrait en rien la patte de Destin Daniel Creton. C’est en cela que Les Éternels surprend : la réalisatrice a su marquer le résultat de son univers.
Tourné majoritairement en décors réels, Les Éternels est un film visuellement très réussi. On le doit aux grands espaces filmés par la réalisatrice comme dans ses précédents travaux mais aussi au travail de Ben Davis à la photo très naturelle. Exit les fonds verts à outrance et les décors de carton-pâte. Certains effets spéciaux donnaient même l’impression d’avoir été réalisés « en vrai », un petit miracle quand on sait que Marvel fait tout faire en post-production. Et c’est fort agréable de voir des personnages dans ce contexte, et pas seulement Salma Hayek à cheval façon The Rider.
Les personnages, justement sont nombreux, mais la très longue durée du film leur permet de se poser. La réalisatrice leur insuffle beaucoup d’humanité, en insistant sur le sentiment amoureux et leur passion pour la Terre et ses habitants, qu’ils parcourent depuis des millénaires. En faisant des Éternels des amoureux de notre planète, Zhao rappelle l’optimisme de l’héroïne de Nomadland, le niveau d’échelle est simplement différent. Pour autant, ils sont pour la plupart peu définis et une partie de leur sympathique repose sur le casting. L’idée est de vous faire apprécier immédiatement Ikaris non pas pour ce qu’il est (qu’est-il dans le film à part un super-héros à la Superman ?) mais parce que vous avez apprécié Richard Madden par le passé. C’est quand même une facilité dont on se serait passé.

Mais le talent de Chloé Zhao ne suffit pas, le film s’effondrant petit à petit. D’abord les longues (mais belles) scènes vont souvent se révéler trop étirées. Certes, il y a beaucoup de contenu et la réalisatrice a un joli sens de la narration mais ce n’est pas suffisant, d’autant pas que les scènes d’actions sont très brouillonnes. Difficile de comprendre qui est où et qui affronte quoi. Pourquoi ce personnage fait-il cela ? Comment sont-ils arrivés là ? Malgré tout le talent de Weta et d’ILM aux effets spéciaux, rattrapant souvent le coup, on ne comprend pas bien ce qui se passe à l’écran dès que les héros s’affrontent.
Le film se casse d’autant plus la gueule quand il redevient un Marvel pur jus, avec un grand final impressionnant et des rebondissements comme vous en avez vu désormais des dizaines. La bataille finale et son épilogue sont une catastrophe à tous les points de vue, cherchant à introduire au forceps des idées pour une suite obligatoire. La première scène post-générique, se voulant humoristique, est un bel exemple du foirage final : elle est en total décalage avec le reste du long-métrage (la seconde moins, mais elle n’est pas pour autant plus compréhensible).
Pendant une heure, Les Éternels laisse penser que Chloé Zhao a eu les coudées franches pour faire ce qu’elle veut, pour insuffler sa vision et son talent pour donner vie à l’œuvre de Jack Kirby. Elle y parvient partiellement, rendant ses personnages sympathiques, Gemma Chan en tête. Mais on va vite se rendre compte que l’équilibre entre ses envies et les besoins de la production est précaire, voire carrément instable. On pourrait conclure sur « on verra ce que la suite nous réserve » mais en réalité on aurait aimé que les Eternels soit un film au dessus de la mêlée, à l’image de ses personnages. Ce n’est pas le cas.
Les Eternels, de Chloé Zhao – Sortie le 3 novembre 2021