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Le Film Culte : Sorcerer
Ce dimanche se termine à la Cinémathèque Française le festival du film restauré « Toute la Mémoire du Monde ». Et après avoir accueilli Omar Sharif l’année dernière pour nous permettre de redécouvrir Lawrence d’Arabie, les organisateurs nous ont montré rien de moins que la version fraichement restaurée du film dit maudit de William Friedkin, le Convoi de la Peur.
Le réalisateur de French Connection, L’Exorciste et plus récemment de Killer Joe était venu introduire celui qu’il espérait être son chef d’oeuvre devant un public conquis d’avance et a ensuite donné une incroyable masterclass. Débordant d’humilité et d’amour pour son public, aussi passionné que passionnant, il est revenu sur le film, son tournage chaotique et sa restauration récente. Avant que vous puissiez vous-même redécouvrir Bruno Cremer et Roy Scheider dans leurs camions (le film est prévu pour une ressortie salle et un blu-ray), il nous semblait logique de l’évoquer aujourd’hui.
Un Dimanche Une Critique est donc consacré à Sorcerer. En bonus, découvrez -en anglais- le speech de William Friedkin filmé il y a quelques jours à Paris.
Article initialement paru en décembre 2013, réactualisé pour la sortie de Sorcerer en salles le 15 juillet 2015
LA CRITIQUE
Certains films sont qualifiés de maudits dès leur sortie dans les salles. Tournage apocalyptique, critiques désastreuses, public qui passe à coté. Pourtant, dans bien des cas, ces films finissent pas retrouver leurs lettres de noblesses avec le temps, quand on prend le temps, justement, de les regarder d’un peu plus près et au delà de ce qu’ils représentaient au moment de leur sortie. Sorcerer, ou Le Convoi de la Peur en français, fait partie de ses films-là.
Pour le public, son erreur a été de sortir une semaine avant un film qui allait révolutionner le cinéma moderne à la fin des années 70. Quand un jeune garçon blondinet décidait d’accompagner un vieux monsieur armée d’une épée magique. Ensemble, et avec l’aide d’un pilote, ils partaient délivrer une princesse d’un affreux chevalier noir. Nous étions en 1977 et le monde découvrait Star Wars.
Mais pour William Friedkin, les galères ont commencé bien plus tôt. Le réalisateur, auréolé du succès de L’Exorciste, avait convaincu Paramount et Universal de travailler main dans la main pour mettre en image une nouvelle version du film de Henri-Georges Clouzot sorti en 1953 : le Salaire de la Peur.
Après avoir convaincu Steve McQueen et Lino Ventura de figurer au générique, ceux-ci se désistent. Friedkin les remplace par Roy Scheider et Bruno Cremer et s’en va tourner dans la jungle de République Dominicaine (Sorcerer se déroule en fait dans un pays d’Amérique du Sud). C’est là-bas que tout partira en vrille, entre un réalisateur qu’on dit tyrannique, de démentiels problèmes de tournage, des maladies qui se répandent (la gangrène !) et des scènes à tourner qui n’en finissent plus.
A l’écran, tout commence plus paisiblement. On va suivre plusieurs hommes dans différents pays : sur une île d’Amérique Centrale, aux USA, en Israël et à Paris. Chacun d’eux se retrouve dans une situation impliquant la mort de quelqu’un et se retrouve contraint de fuir au bout du monde pour se faire oublier. Leurs destins vont se croiser dans un petit village où un ancien général nazi tient le bar du coin quand ils vont être recrutés pour une mission suicide : conduire un camion chargé en nitroglycérine sur 300 km à travers les étroits chemins d’une dense jungle pour l’apporter à un puit de pétrole en feu. Une mission qu’ils acceptent n’ayant plus rien à perdre et pour l’argent qui leur permettrait un hypothétique retour chez eux.
Mais redescendons un instant le film de son piédestal. William Friedkin, lors de son passage à Paris, qualifiait Sorcerer de particulièrement déprimant et il n’avait pas tort. Il faisait aussi remarquer la longueur. Même si le réalisateur lui-même le dit… L’exposition des personnages est en effet interminable et il faut attendre une heure entière pour que les protagonistes prennent place à bords des camions pour leur fameuse mission. On comprend néanmoins où Friedkin a voulu en venir : il a mis en place des personnages dans des conditions de tournage faciles pour se focaliser sur les véhicules et le suspens dans la seconde partie, où ils interagissent assez peu. De plus, cette immense introduction renforce le sentiment d’horreur quand ceux-ci meurent (ce n’est pas un spoiler de dévoiler, si vous n’avez jamais vu le film, que dans ce genre d’histoire, ils n’arrivent pas tous à bon port).
Une fois les 4 protagonistes embarqués à bord de leurs deux camions, dont le Sorcerer, c’est une autre paire de manche puisque le suspens va monter au fur et à mesure de leur avancée sur des routes juste bonnes à laisser passer un âne ou dans des jungles truffées d’embuches. La fameuse scène du pont est en la matière un monument de tension et de réalisme. Si Friedkin fait un boulot incroyable de mise en scène et si son monteur est très bon, il faut bien avouer qu’elle est particulièrement réussie parce que tournée dans des conditions réelles, sur un vrai pont suspendu menaçant de s’effondrer à chaque mouvements des roues.
Dans la réalité, les camions sont tombés plusieurs fois et le pont a dû être reconstruit. Mais la prise de risque -on ne doute pas que les comédiens étaient en vrai danger de mort- paye à l’écran, tout autant que dans un Apocalypse Now ou dans la scène de tempête de La Fille de Ryan.
Disparu de la circulation pendant de nombreuses années, très difficile à voir, Le Convoi de la Peur a hérité du statut de film à la fois maudit et culte. Malgré la longueur de sa mise en place, le réalisme des scènes et la puissance des comédiens justifient pleinement l’aura du long-métrage. Un long-métrage qu’il sera bientôt possible de voir en salles dans une version restaurée. Comme en 1977 mais sans personne en face.
Le Convoi de la Peur (1977)
Réalisé par William Friedkin
Avec Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal
Trois hommes de nationalités différentes, chacun recherché par la police de son pays, s’associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine…
1 commentaire
par Marc
Cool