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Un Dimanche, Une Critique : Brazil

On continue 2010 comme on a fini 2009 : avec de vrais morceaux de Terry Gilliam dedans. Du coup, ce Dimanche, Une Critique est consacrée à l’un de ses films les plus cultes : Brazil.

Brazil – Sortie le 20 février 1985
Réalisé par Terry Gilliam, avec Jonathan Pryce, Robert De Niro, Katherine Helmond
Sam Lowry est un petit fonctionnaire sans ambition ni vie sociale qui se réfugie dans son imaginaire à la première occasion. Cependant, sa vie bascule le jour où il se retrouve pris dans un engrenage bureaucratique infernal en essayant de réparer une erreur administrative…

 

Certains auteurs ont le don de publier des œuvres quasi-prophétiques. Des œuvres d’anticipation qui deviennent au final une source d’inspiration pour les artistes à venir. Le paysage culturel actuel semble nous indiquer que George Orwell était de ceux là, nous en voulons pour preuve l’adaptation de son roman 1984, par Michael Radford, ou bien la publication partielle d’une bande dessinée, « V Pour Vendetta », scénarisée par un certain Alan Moore. Il était aisé de parier que les Monty Python allaient eux aussi monter au créneau. Pari perdu, puisque c’est Terry Gilliam en solo qui s’y colle, avec une œuvre d’envergure: Brazil.

Ne vous méprenez pas, l’américain du Flying Circus ne s’est pas égaré en Amérique du Sud, il y a simplement fait escale dans son imagination pour accoucher ses idées de génie.

Gilliam en solo au cinéma, on le connait surtout pour Bandits, Bandits, film d’aventure bien plus riche qu’il n’y paraît, et gros succès au box office américain. Alors qu’en est-il de cette nouvelle fantaisie loufoque et pleine de sens?

La première chose qui vient à l’esprit en sortant du cinéma, c’est que Brazil est un film dense. Ainsi, chaque scène, chaque plan même, a son importance tant dans l’intrigue que dans le déroulement de la problématique. L’esthétique participe elle aussi de la richesse visuelle du métrage, grâce à son style rétro-futuriste qui sert à mettre en avant (toujours avec humour) les non-sens d’un système bureaucratique totalitaire.

Les deux forces principales du film résident cependant dans deux personnes: Gilliam bien sûr, qui insuffle au métrage une dynamique à laquelle il ne nous avait plus habitué depuis ses courtes séquences d’animations, et Jonathan Pryce, qui porte le film sur ses épaules alors que son personnage s’engouffre peu à peu. Ainsi, le tandem fait évoluer Sam Lowry dans une machinerie presque organique (l’intérieur des choses en devient même drôlement terrifiant) qui ne laisse aucun espace de liberté (les couleurs ternes, l’oppression d’une cacophonie électro-mécanique quasi-constante), aucun répit à sa victime qui n’avait d’ailleurs rien demandé (« Non, je ne veux pas de promotion, je ne veux rien! »). En cela, Lowry est aussi coupable que le système cauchemardesque et tentaculaire qu’il affronte tant bien que mal. La passivité face à la tyrannie n’est pas synonyme d’innocence.

Dans cet enfer, une seule solution s’offre au héros: l’évasion dans un monde imaginaire. Sam cesse de rêver sa vie et commence à devenir acteur lorsqu’il rencontre -littéralement- la femme de ses rêves. Mais alors qu’il s’imagine preux chevalier affrontant ses démons pour libérer sa belle, la réalité lui rappelle bien trop souvent qu’il ne peut en être ainsi. Bien au delà d’une comédie satirique teintée de romance (ce que les studios veulent vendre en démontant le film à leur guise -oubliait-on que le spectateur préfère ne pas trop réfléchir à notre époque), Brazil est le combat d’un homme impuissant face à une société-monde toute puissante et totalement illogique. Le déchirement interne que subit le personnage (entre rêve et réalité, entre oisiveté et désir d’exister), se retrouve dans le cadre même du film (complexifications bureaucratiques inutiles face à la simplicité d’une situation), dans ses scènes (magistrale séquence d’évasion finale), et jusque dans l’élément déclencheur absurde de toute cette histoire (un cafard -ou bug- entrainant des évènements aux proportions démesurées). Malgré tout, Gilliam n’oublie ni l’espoir ni l’humour et nous offre, grâce à un Robert De Niro fidèle à lui-même, un plombier-terroriste des plus romanesques.

Brazil, c’est ce petit coin de paradis présent dans nos esprits, un hymne à l’exotisme qui sauve d’une mort totale (prêtez à cet égard attention aux variations de Michael Kamen sur la chanson-titre). Le Brazil de Terry Gilliam est-il, quant à lui, une réussite? Assurément. Sera-t-il de ces œuvres quasi-prophétiques qui restent pertinentes des dizaines d’années plus tard? Nous le saurons le jour où commander un steak au restaurant ou remplir un formulaire administratif deviendra une aventure épique…

-Dennis Cooper

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1 commentaire

  • par Seb
    Posté dimanche 24 janvier 2010 12 h 19 min 0Likes

    Excellente critique, comme d’habitude ! Excellent film également, que vous m’avez donné envie de revoir (ce que je vais m’empresser de faire dès ce soir !)

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