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Rencontre avec Neil McCormick
Neil Mc Cormick est le héros du film Killing Bono (voir notre critique), en salles le 3 août prochain. Puisqu’il s’agit d’une histoire vraie, il nous semblait intéressant d’aller poser des questions non pas à l’interprète du personnage ni même au réalisateur du film mais directement à l’interessé : le vrai Neil Mc Cormick.
Aujourd’hui l’un des critiques musicaux les plus célèbres d’Angleterre, Neil Mc Cormick évoque pour nous le livre qu’il a écrit sur sa vie et qui a servi d’inspiration au film, film sur lequel il revient bien sûr pour dénouer le vrai du romancé.
Et puisqu’il est question de Bono, nous n’avons pas résisté à lui poser quelques questions sur l’un des plus grands groupes de rock du monde dont il a failli faire partie : U2.
On parle donc cinéma, mais aussi un peu (bonne) musique.
D’abord, pouvez-vous nous dire qui vous êtes pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Mon nom est Neil McCormick. Je suis un journaliste musical, je travaille principalement pour le Daily Telegraph, l’un des plus grands journaux d’Angleterre.
Mais dans une autre vie, je suis allé à l’école avec U2 à Dublin dans les années 70, où nous avions formé tous les deux des groupes, voulant conquérir le monde. En fait, je n’ai même pas conquis mon propre jardin. J’ai écrit un livre amusant sur mes mésaventures de l’industrie de la musique, « I Was Bono’s Doppelganger ».
Que pensez-vous du casting, en particulier de Ben Barnes qui joue votre rôle et de Robert Sheehan qui incarne votre frère ?
Ce sont de beaux mecs. Mais tout le monde est plus beau au cinéma. Ben incarne le Prince Caspian dans les Chroniques de Narnia, ce qui est à peu près comme je me vois. Quand il a été casté, j’ai dit au réalisateur « avec son regard et mon talent, nous aurions pu aller loin ! » Mais je pense que Ben et Robert ont fait du bon boulot à capter notre mélange de passion, d’enthousiasme, d’égoïsme et de naïveté. Ca m’a donné envie de me cacher de les voir. Je n’arrête pas de me demander : est-ce que j’étais tant un idiot ?

Ivan McCormick, Robert Sheehan, Ben Barnes, Neil McCormick
Il semble que l’histoire ne soit pas totalement vraie. Qu’est ce qui est exact et qu’est ce qui est « pour le film » ?
Le livre est, de plusieurs façons, à propos d’un voyage psychologique. Le film a dû trouver des métaphores visuelles. Donc ils ont pris beaucoup de thèmes et d’incidents de mon histoire et les ont utilisés pour construire des portions de leur propre histoire, réarrangeant certaines dramatiquement. C’est vrai que mon frère Ivan et moi sommes allés à l’école avec U2, nous étions amis. C’est vrai qu’Ivan a failli faire partie du groupe. Mais au fur et à mesure du film, c’est devenu de moins en moins précis avec des scènes compressées ou inventées. Ce sont des différences liées à la manière de raconter des histoires de manières différentes. Un jour, le réalisateur m’a appelé pour me reprocher qu’il n’y avait pas de troisième acte dans ma vie. Je lui ai fais remarquer que c’était parce que c’est une vie, pas une histoire. « Ne t’inquiète pas, m’a-t-il dit, on va trouver quelque chose. Et ils l’ont fait. Et c’est beaucoup plus dramatique que ce qui s’est réellement passé.
Le film est par contre très juste à propos de U2…
L’histoire de U2 fait partie du domaine public et nous avons voulu honorer cela, et être le plus proche possible de la réalité. Mais personne ne connait l’histoire d’Ivan et moi (à part quelques fans et mes lecteurs les plus fidèles) dont le réalisateur se sont sentis libres de faire ce qu’ils voulaient. Nos échecs sont utilisées pour représenter de véritables échecs dans le monde du rock and roll.
Avez-vous vraiment mangé des fish & chips avec Bono à Howth tout en parlant du futur de vos groupes ?
Nous étions amis. On se voyait pour parler comme les jeunes le faisaient de la musique rock, du fait de devenir une star et de nos plans pour le futur. Et d’autres choses aussi : Dieu et les filles. La scène du film représente une des centaines de conversation qu’on a eu, que ce soit à l’école, en soirée ou marchant au bord de mer à Howth.
J’imagine que vous n’avez jamais vraiment voulu tuer Bono mais étiez-vous au moins jaloux ?
Je n’ai jamais voulu tuer Bono. C’était son idée. Je me suis plaint à lui une fois qu’il ait vécu ma vie et il m’a dit : « C’est parce que je suis ton double, et si tu veux reprendre ta vie, tu vas devoir me tuer ». J’ai pensé que je devais écrire un livre à propos de ça plutôt que de le faire. Je pense que c’est un grand homme, qu’il est une grande rock star et nous sommes toujours amis. Mais il y a eu une période dans les années 80 où c’était devenu difficile pour moi de le connaitre car son image était devenue indéniable, et il donnait l’impression d’avoir du succès dans tout ce que je comptais faire moi. Je suis passé au dessus sinon je n’aurai jamais pu écrire le livre.

Et maintenant, après toutes ces années, que pensez-vous de tout cette histoire ?
C’est ma vie, ou une version de ma vie. J’ai appris beaucoup de choses en chemin. Je pense que l’échec est un meilleur prof que le succès, bien que plus cruel. L’écriture du livre m’a permis de mettre un terme à mes propres échecs, j’ai pu revenir sur l’égo que j’avais quand j’étais jeune mais j’ai aussi rendu hommage à ce jeune moi, sa passion et ses ambitions. Et je suis peut-être un peu revenu sur la définition du succès, ce qui est important. Notre société est trop obsédée par les gagnants et les perdants.
Ce chemin est vraiment ce qu’il aurait dû être. Je me sentais en échec, autant comme musicien que comme écrivain mais en fait j’ai réalisé que j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire et à jouer de la musique. Les récompenses que j’en ai eu sont suffisantes, elles font ce que je suis vraiment.
Comment avez-vous collaboré au film ? Avez-vous eu un œil sur le casting ? Donné des conseils ?
J’ai mis le feu aux poudres et je me suis écarté. Pour être honnête, je me suis retrouvé mêlé à mon propre succès trop souvent, j’ai donc pensé qu’il valait mieux laisser faire l’équipe du film sans leur dire quoi faire. J’ai parlé avec les scénaristes et le réalisateur, j’ai donné mon avis et je me suis rendu disponible s’ils avaient des questions. Au fur et à mesure que les brouillons se rapprochaient du produit fini, je suis devenu plus impliqué pour les aider à resserrer tout ça. Mais, surtout, je me suis focalisé sur les scènes avec U2, pour qu’elles soient le plus proche possible de la réalité. Quand à moi, et mon propre personnage, je n’étais pas sûr d’avoir l’objectivité requise pour donner une opinion utile. Je n’aime pas tout ce qu’ils font de mon personnage mais tant que le scénario me fait rire, je me dis que ça doit fonctionner.
Quand au casting, j’ai suggéré de prendre quelqu’un de petit, gros et chauve pour jouer Bono. Danny DeVito peut-être ? Ça aurait dû être mon ultime revanche.
Avez-vous des regrets ? Si vous deviez tout refaire, est ce que vous feriez des choix différents ?
Ce n’est pas possible de revenir en arrière, donc pas de regrets. Jusqu’à ce que quelqu’un invente la machine à voyager dans le temps, je penserai que les regrets sont inutiles. Mais, évidemment, j’aurai fait les choses différemment, avec du recul… Mais même si je revenais sur mes erreurs, j’en ferai surement de nouvelles.
Vous n’êtes pas devenu musicien comme vous le vouliez. Mais considérez-vous quand même que vous avez une vie réussie ?
Je suis écrivain, et c’est une vie intéressante dans laquelle j’ai la possibilité de m’exprimer. Donc j’imagine que c’est une forme de succès quand même. Quelques fois, la vie est bien mais d’autres fois elles est mauvaise, comme pour tout le monde. Je suis toujours avec Gloria, ma partenaire depuis maintenant 23 ans. Et nous avons élevé trois enfants. J’ai un fils de 7 ans, Finn, et quand je le vois, je me dis que j’ai bien fait les choses.

On est obligé de parler un peu de U2. Est-ce que vous avez un album favori ? Une chanson préférée ?
J’aime U2. C’est un groupe avec lequel j’ai grandi. Je les ai vu se transformer, des héros de l’école à un énorme groupe de rock de science-fiction. J’ai toujours tendance à aimer les dernières choses qu’ils ont faites. C’est toujours du bon travail. Mais Achtung Baby est probablement leur meilleure création, formant un tout parfait. C’est sombre, futuriste et chargé en émotions.
J’aime trop de chansons de U2 pour en choisir une seule, mais une pépite un peu obscure est Playboy Mansions de l’album Pop. C’est une très jolie chanson, et le thème fait un écho fort à mon livre, donc j’y ai cité les paroles.
Que pensez-vous du dernier album qui est, selon moi, le meilleur qu’ils aient fait depuis Achtung Baby ?
No Line On the Horizon est un grand album, et Moment of Surrender est une de plus belles chansons qu’ils aient jamais enregistré. Une chose bien avec U2, c’est qu’ils continuent à faire des efforts, à aller de l’avant, à donner leur meilleur d’eux-mêmes.
Que pensez-vous de la tournée actuelle et gigantesque, le U2360 Tour ?
C’est hallucinant ! Le soir, devant son public, U2 est le plus grand spectacle du monde.
En dehors de U2, quels sont les groupes que vous aimez écouter ?
Je suis critique de musique, donc j’écoute toutes sortes de choses. C’est important pour moi d’être ouvert. Mes favoris du moments sont notamment The Duke & The King, Arctic Monkeys, Rival Sons, Kanye West (qui est le génie du moment selon moi), The National (dont High Violet était mon album favori l’année dernière), Nick Cave and Grinderman, Tinie Tempah (qui est le hip hop le plus futuriste qu’on puisse imaginer), Villagers est aussi un grand chanteur et parolier irlandais. Ils sont trop nombreux. Mais ceux dont provient mon obsession pour la musique, ceux vers qui je reviens toujours sont les Beatles et Bob Dylan.
Quel est le dernier et très bon album que vous avez acheté ?
Je suis un des critiques les plus connus d’Angleterre, je n’achète pas de musique ! Tout m’est envoyé à l’avance. Mais When England Shakes de PJ Harvey est un chef d’œuvre. J’attends aussi beaucoup de la collaboration entre Jay Z et Kanye West ainsi que le nouvel album de Laura Marling. Plein de bonnes choses !
Est-ce que vous jouer encore de la musique, même pour vous-même ?
La musique, c’est pour la vie. C’est une part de ce qui nous rend humain. Il m’a fallu un moment pour m’en rendre compte mais je prends autant de plaisir maintenant à écrire une chanson et à la jouer à la guitare accoustique pour quelques amis que j’en prenais dans un groupe. Mes amis m’emmènent à l’occasion et me font chanter dans un groupe d’incroyables musiciens vétérans appelé Groovy Dad, où on joue de gros riffs de guitare des années 70. Jetez un oeil sur www.groovydad.co.uk.
Votre musique est omniprésente dans le film. Pensez-vous que vous pourriez sortir un disque après le succès du film ?
J’adorerai faire un nouvel album un jour, mais je n’ai plus ni la volonté ni l’énergie pour forcer la chose et prendre un public qui n’en voudrait pas par la gorge. Je vais donc plutôt les sortir sur Internet. La meilleure chose que j’ai faite, musicalement, est mon album solo Mortal Coil que j’ai sorti sous le nom de The Ghost Who Walks. Il est disponible sur iTunes et sur Spotify. Mel Gibson est fan et a utilisé une des chansons dans son album « Chansons inspirée par La Passion du Christ » où je me trouve entre Elvis Presley et Nick Cave, avec Bob Dylan et Leonard Cohen juste derrière. C’est d’ailleurs justement là que j’ai toujours pensé que je devais me trouver.
Dernière question : avez-vous finalement joué sur scène avec U2 ?
J’ai fais beaucoup de petits concerts avec U2 quand j’étais jeune, mais seulement pour les soutenir. Sur la tournée Vertigo, Bono a repris des paroles d’une de mes chansons, People I Don’t Know Are Trying To Kill Me, en snippet de The Electric Co. Ils se débrouillent bien sans moi.

U2 sur scène pendant la tournée U2360
1 commentaire
par Mr.Aka
ACHTUUUNNNGGG BAAAAABBYYYYYYYYYYYYYYYYYY!!!!!
THE chef d’oeuvre de U2!!!
20 ans cette année, bon anniversaire Larry, Adam, The Edge et Bono!!