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PIFFF 2023 : Godzilla Minus One, Late Night with the Devil, Vampire Humaniste…, When Evil Lurks, The Coffee Table

Le Paris International Fantastic Film Festival édition 2023 s’est clotûré ce 12 décembre, récompensant de l’Oeil d’Or (Prix du Public) et du Prix du Jury Ciné+ Frisson Vampire Humaniste cherche Suicidaire Consentant (dont nous parlons ci-dessous). Le festival était aussi l’occasion de découvrir le très attendu Godzilla Minus One ou encore River, que nous avions découvert en Suisse il y a quelques mois.

Godzilla Minus One (2023) de Takashi Yamazaki
Le PIFFF avait accueilli la première projection française de Shin Godzilla en 2017, il était donc tout naturel que le 37ème film du lézard atomique passe par l’écran du Max Linder, dans le cadre des deux jours de projection française du film dans les salles Pathé.

Et chacune de ces séances était précieuse, tant le retour du roi des kaijus se fait par la grande porte avec un film qui retourne aux origines du mythe, juste après la seconde guerre mondiale, dans un Japon endeuillé où l’on va suivre un pilote de l’armée japonaise qui n’a pas mené à bien sa mission de kamikaze, et va prendre sous son aile une femme et une orpheline pour essayer de subvenir à leurs besoins dans les ruines du pays.

Après le traitement moderne et méta de Hideaki Anno, qui vilipendait l’administration japonaise, Minus One est un retour aux fondamentaux, une énième exploration des traumas locaux après Hiroshima et les autres catastrophes du conflit, qui se veut comme un grand drame intime, très proche de ses personnages, pour comprendre leurs maux, le poids sur leurs épaules de l’honneur traditionnel japonais, de son caractère implacable, et la violence psychologique que tout ça a pu engendrer.

Reconstitution méticuleuse, photo soignée, et rythme posé, ce Minus One surprend par le sérieux indéboulonnable avec lequel il s’attelle à cette histoire, revendiquant haut et fort un classicisme à l’ancienne, et un drame souvent très appuyé, sans doute un peu trop tant il se fait explicite à l’excès, mais qui porte son histoire et ses personnages avant tout.
Et le lézard dans tout ça ? Amené comme un contrepoint d’une violence phénoménale, chaque scène avec Godzilla est un déchaînement de sauvagerie et de destruction hors-normes, présentant la bête comme un monstre préhistorique brutal, primitif, sans autre équivoque que d’atteindre son but, une véritable force de la nature que rien n’arrête, et qui défonce tout sur son passage.
Très impressionnantes, les scènes en question bénéficient d’un savant mélange d’effets spéciaux pratiques et numériques, qui donnent un poids phénoménal aux multiples bâtiments qui s’écroulent sous son poids et aux victimes qui sombrent dans les décombres.

Ça faisait un moment qu’on n’avait pas vu du destruction porn de cette ampleur, aussi tangible et réaliste malgré le look toujours un peu old school de la créature, et le tout est un formidable rappel de combien Godzilla est un catalyseur génial de la peur du nucléaire, dont le climax est évidemment l’inévitable scène du « nuclear beam », quand le bestiau puise dans ses entrailles pour balancer un laser atomique sur la ville. Une scène qui donne lieu à des images folles et iconiques, mais surtout terrifiantes tant elles saisissent avec emphase et justesse cette machine de l’horreur qu’est la bombe atomique, battant pour le coup à plate couture un certain film qui parlait de la question cette année…

Sans doute un peu long par moment, Minus One n’en reste pas moins un impressionnant blockbuster humaniste et pacifiste, qui joue merveilleusement le contraste entre son drame d’une dignité étonnante, et son spectacle démesuré qu’il distille au compte-goutte pour mieux en sublimer l’impact. Les spécialistes du monstre parlent déjà d’un des meilleurs films de la licence, et sans être aussi calé sur la question, je peux vous dire que Minus One est une très belle remise à jour du film original de 1954, aussi respectueuse que pertinente.

Late Night with the Devil (2023) de Cameron & Colin Cairnes

On avait découvert Cameron & Colin Cairnes en 2016 avec leur second film Scare Campaign, qui nous avait clairement laissé indifférent. Mais bonne nouvelle, les bougres ont persisté dans leur délire d’horreur consciente où l’image montrée est consciemment mise en scène au sein même du film, et ils viennent peut-être de trouver le filon parfait pour un tel dispositif avec Late Night with the Devil.

C’est un faux documentaire qui démarre en présentant une émission de Talk show américaine fictive des années 70, en racontant toute son histoire avec son présentateur frustré d’être l’éternel second dans les audiences derrière The Tonight Show with Johnny Carson (une émission qui a bien existé pour le coup). Dès cette intro qui mélange fiction et réalité, en imitant la patine de l’image de l’époque, les deux frères réalisateurs et scénaristes posent les bases solides de leur film, qui consiste en un enregistrement complet de la dernière émission du programme, où l’animateur en manque de reconnaissance décida avec son producteur de jouer un grand coup pour secouer les spectateurs en direct le soir d’Halloween 1977, en amenant sur le plateau plusieurs invités atypiques, dont une jeune fille souvent possédée par un démon.

Evitant le piège de la mise en scène impossible puisque le film se plie aux codes des late shows, tout en montrant des images en noir et blanc des coulisses durant les coupures pubs, Late Night with the Devil est l’exemple du film concept bien mené, qui respecte scrupuleusement les règles qu’il a établi pour délimiter un terrain de jeu complice avec le public, et rendre plus perméable la suspension d’incrédulité. Très vite, on a la sensation d’être bel et bien devant une émission de télé, le travail sur la direction artistique étant impeccable, et c’est assez plaisant de voir le programme se dérouler et se gripper petit à petit, jouant sur nos attentes tout en dépeignant une image peu reluisante du milieu de la télévision, surtout à cette époque où tout était permis, ce qui a donné lieu à bien des moments étranges. Les frères Cairnes se complaisent à merveille là-dedans, et offre un film dont les rouages narratifs sont somme toute très classiques, mais dans un écrin original, bien senti, tout aussi bien exécuté, et offrant au passage un bon premier rôle à David Dastmalchian et son charisme atypique, lui qui est habitué à camper les seconds rôles comme dans les récents The Suicide Squad, The Boogeyman ou Le Dernier Voyage du Demeter.

Bref, après avoir repris bêtement les codes les plus éculés du found footage avec Scare Campaign, les frères Cairnes apportent clairement un peu de fraîcheur sur le genre, et même si le film s’offre quelques écarts sur la fin, voilà une œuvre qui tire son épingle du jeu et le fait avec malice.

Vampire Humaniste cherche Suicidaire Consentant, de Ariane Louis-Seize – Sortie en salles le 24 mars 2024

Si le cinéma québécois nous a toujours fait marrer à la seule force de son accent local, force est de constater qu’il est aussi qualitatif en raison de nouvelles voix originales et douées.
Monia Chokri s’en est fait l’étendard avec Babysitter ou le tout récent Simple comme Sylvain, et il y a fort à parier qu’elle a dû croiser le chemin d’Ariane Louis-Seize, qui réalise ici son premier long-métrage en empruntant plusieurs comédiens déjà vus chez sa comparse, en l’occurrence les géniaux Steve Laplante ou Patrick Hivon. Et si la comparaison peut continuer sur le plan qualitatif et un goût prononcé pour le genre, le film d’Ariane Louis-Seize tire son épingle du jeu en abordant la figure du vampire, avec ici une adolescente (de plus de 60 ans mais les vampires et le temps, c’est tout un délire) qui réfute le mantra familial et naturel en refusant catégoriquement de croquer quelque humain que ce soit.
En pleine quête personnelle, elle va tenter de trouver sa voix alors qu’elle a pourtant besoin de sang pour vivre, et croiser un soir un jeune garçon bien humain, mal dans sa peau et clairement sur le point de se foutre en l’air…

Une rencontre qui va évidemment faire des étincelles, dans un mélange de teen movie et de fantastique qui a d’abord le mérite de détourner les codes du vampire avec amour et drôlerie, reprenant à sa sauce la formule de What We Do in the Shadows en confrontant les règles de la créature aux dents longues face aux banalités du monde réel, les parents parlant par exemple d’aller chasser des humains comme d’aller faire des courses ! Avec son look proche d’une Mercredi Addams, l’héroïne vogue entre rebelle ténébreuse et âme à fleur de peau, campée à merveille par Sara Montpetit qu’on avait pu découvrir dans Falcon Lake. La jeune comédienne met tout son talent au service d’une écriture sensible et délicate, qui parvient merveilleusement à passer du rire à la sensibilité, sans jamais rien sacrifier, et en peignant un portrait de jeune femme touchant auquel on s’identifie très vite, et qui tire merveilleusement partie du mythe vampiresque pour tisser une fable plus universelle sur l’identité, le rapport au monde et la recherche de soi.

Joli visuellement, se déroulant sans aucun temps mort et offrant même des seconds rôles hilarants, comme un certain JP qui n’en rate pas une, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant parvient à la foi à faire honneur à son pays d’origine en perpétuant la très bonne forme de ses comédies, mais aussi à s’imposer comme le meilleur film de vampires qu’on ait vu depuis la farce de Taïka Waititi. Une très attachante réussite, qui sortira en mars chez nous.


When Evil Lurks (2023) de Demian Rugna

Tout festival fantastique qui se respecte met un point d’honneur chaque année à présenter un film choc, revendiqué comme tel, qui promet de scotcher le spectateur à son siège et de lui en coller plein la poire, pourvu qu’il ressorte de la séance la tête pleine d’images dérangeantes et de concepts scénaristiques auxquels il n’aurait pas préféré penser.
Tout droit venu d’Argentine, When Evil Lurks porte fièrement cette réputation cette année, en montrant deux frères vivant dans le fin fond du pays qui vont découvrir que leurs voisins hébergent un homme possédé par le diable, et qui vont libérer le mal en essayant de s’en débarrasser…

Et quand on dit libérer le mal, c’est-à-dire que soudainement n’importe qui est capable de péter un câble et de commettre les pires atrocités, sans pour autant présenter une tronche de démon ou quoi : les gens deviennent juste fous, prolifèrent éventuellement une menace ou deux et roule ma peau, vas-y que je décarre la tronche à coup de hache, que le chien se jette soudainement fou de rage sur la gamine ou qu’il ne vaut mieux pas croiser papa au volant.

Avec sa photo et son esthétique ultra réalistes, qui ne mettent aucun effet spécial en avant pour la possession, When Evil Lurks peut surprendre et troubler par ses élans soudains de violence, qui sortent de nulle part façon The Crazies ou Vincent doit Mourir pour créer des électrochocs.
Surtout que le film se veut politique, car si tout ça part d’un délire religieux, cette idée d’une population contaminée par une violence déraisonnée et inarrêtable peut facilement être mise en écho avec la situation argentine, dont le peuple vient d’élire une président d’extrême droite victime d’hallucinations…

Une plongée dans le chaos donc, mais dont les quelques scènes chocs sont finalement peu nombreuses et décevantes en vue de ce que le pitch promettait, d’autant que When Evil Lurks croûle sous les scènes de dialogues où les personnages gueulent tout azimut pour essayer d’expliquer les évènements en cours, en y apposant même des règles précises alors même que tout ça est totalement irrationnel, sortant même des histoires d’exorcistes complètement inutiles au milieu du bordel ambiant. Alors qu’il enchaîne quand même les scènes où les personnages agissent de manière erratique, pour ne pas dire débiles, comme lorsque le héros tente de raisonner au téléphone l’esprit qui a pris possession du corps mort avec lequel il appelle (?!), When Evil Lurks se prend majoritairement trop au sérieux, et semble trop absurde ou criard pour vraiment convaincre, alors qu’on comprend vite sa logique et ses envies. Sur un créneau similaire, le récent The Sadness était beaucoup plus marquant malgré bien des défauts, tout simplement parce que la sensation de chute de la civilisation y était autrement plus prégnante, grâce à certaines séquences d’une sauvagerie tout bonnement hallucinante (qui a parlé de métro ?!).

Alors certes, When Evil Lurks est fait dans une toute autre culture et économie, mais la comparaison a lieu d’être, et il rame beaucoup trop entre ses quelques passages gores pour vraiment convaincre.

The Coffee Table (2022) de Caye Casas
Dans un magasin de meubles lambda, un couple s’engueule autour d’une table basse qu’ils finissent par acheter malgré les plaintes de madame. Sauf qu’en rentrant à la maison, et alors que le premier bébé de la famille dort à côté, monsieur se rend compte qu’il manque une vis pour finir de monter la table, ce qui va être le début d’emmerdes colossales…

Amis du malaise, de l’immoral et la gêne extrême, prenez place et installez-vous confortablement car The Coffee Table va se lancer dans un calvaire d’une heure et demi pour notre possesseur d’une table moche. En partant d’un postulat banal, le film va vite révéler un humour noir d’une profondeur vertigineuse, et tourner autour d’un enjeu unique que nous ne révélerons pas ici, tant la surprise risque de vous faire rire autant qu’elle vous mettra mal à l’aise.
Des réactions tout à fait tangibles chez les spectateurs durant la projection, dont les rires jaunes et les râles de confusion se faisaient entendre, et si The Coffee Table n’évite pas quelques coups de mou en raison de son dispositif restreint (quasiment tout le film se passe dans un appartement) qui ressemble à s’y méprendre à un concept de court-métrage gonflé, il parvient pourtant à retomber sur ses pattes et à faire monter crescendo la sauce autour de la question qui le taraude.

Certains aspects narratifs sont un peu grossiers, il est vrai. La photo n’est pas toujours très jolie, aussi. Mais dans sa volonté de pousser le bouchon le plus loin possible, le film de Caye Casas finit par devenir d’une insolence délirante tant il ne recule devant rien et accompagne le désespoir de son héros au plus près, se repentant presque de sa souffrance, et cherchant l’exutoire par tous les moyens pourvu que la chute soit la plus longue et douloureuse possible, et tant pis si vous êtes à bout de nerfs.

Un vrai film de sadiques, et l’une des comédies les plus carnassières et détraquées qu’on ait vu depuis un moment, ce qui lui permet de passer outre la sensation assez fréquente de remplissage tant le résultat risque de rester en tête un long moment.

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