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La saga Rambo, 2e partie : La Mission

Homefront, écrit par Sylvester Stallone, est en salles depuis mercredi. Peut-être êtes vous allé le voir suite à notre critique ?

Pour l’occasion, Arkaron continue à explorer le mythe Rambo à travers le 2e film (First Blood Part 2 en version originale et La Mission en français). Le long métrage est sorti dans les salles américaines en mai 1985 dans une société en pleine mutation. C’est donc à travers l’évolution de ces mentalités américaines que le film de George Pan Cosmatos est évoqué.

On conclura la semaine prochaine avec les deux derniers volets de la saga. Si vous avez raté la première partie, elle est accessible ici.

 

La saga Rambo : articulation d’une dialectique américaine de la puissance héroïque nationale – 2e partie

Forts de leur premier succès, les producteurs de First Blood engagent le jeune James Cameron pour écrire le scénario de la suite à leur nouveau phénomène cinématographique. Plus tard interrogé à ce sujet, Cameron révélera que de son travail sont principalement restées les scènes d’action pures (elles étaient même initialement plus violentes et plus nombreuses) et que Stallone, qu’il n’a rencontré qu’une fois, s’est chargé de modifier le script pour y « insérer l’aspect politique », transférant également le point de départ de l’histoire d’un asile psychiatrique à un camp de travail forcé. Revenant probablement sur une position avec laquelle il se trouve désormais en désaccord, Stallone se défend d’avoir jamais voulu faire de Rambo un emblème reaganien, tel qu’il a été qualifié. On peut certes se prendre à imaginer ce que serait devenu le mythe de Rambo dans les pleines mains de Cameron, cependant, les décisions de Stallone ont permis de façonner un mythe on ne peut plus révélateur de la reconstruction des icônes américaines.

Il faudra trois ans au personnage brisé de Rambo pour réapparaître sur les écrans. Trois années pendant lesquelles la mémoire du vétéran va évoluer dans la culture américaine. Durant ce temps d’incubation nécessaire à l’acceptation de leur défaite, les états-uniens regardent leur président enterrer le soldat inconnu du Vietnam au cimetière national d’Arlington à l’occasion du Memorial Day de 1984. Là, le premier homme du pays déclare que l’anonymat du soldat mort pour sa patrie n’atténue en rien son courage : le viet-vet est officiellement réaccepté dans la société. En avril 1985, un mois avant la sortie de Rambo: First Blood part II, Time Magazine conclut que le soldat revenu du bout du monde a enfin acquis, au prix d’efforts considérables, le respect des siens.

Reclus, condamné au travail forcé pour expier sa faute, Rambo reçoit à nouveau la visite du colonel Trautman, son ancien commandant. Cette fois, cependant, celui-ci se présente avec la promesse d’un pardon présidentiel accordé au terme d’une mission visant à localiser un groupe de prisonniers de guerre retenus dans un camp vietnamien. Débriefé, Rambo pose la seule question d’importance au colonel : « Do we get to win this time? » et ce dernier de répondre que cette fois, la victoire dépend entièrement du soldat, cette fois, il n’appartient qu’à lui d’exorciser le passé pour reconstruire son identité.

Ainsi, Rambo II tend vers le principe de régénération de la figure héroïque. Pour illustrer cette renaissance, le film accompagne son protagoniste de l’emprisonnement physique et culturel dans lequel il se trouve jusqu’à son salut aux yeux de la société, en passant bien entendu par une série d’obstacles ayant pour but de réaffirmer la portée du héros américain.
Envoyé en mission pour retrouver des soldats MIA (Missing in Action), Rambo retrouve la jungle vietnamienne qu’il avouera préférer à son pays natal. S’il ne souhaite pas rentrer chez lui à la fin de l’aventure, c’est que la nature étrange du Vietnam lui a permis de redonner un sens à sa vie : là-bas, dans le paysage sud-asiatique, il peut exercer le seul métier qu’il connaît, il peut regagner confiance en soi et vivre sans que ses semblables le jugent comme fautif, avant de reconquérir cette plénitude qui sera illustrée dans la première partie de Rambo III par l’intermédiaire des traditions bouddhistes adoptées par le protagoniste.

Pour l’heure néanmoins, l’aptitude du héros à se reconstruire est mise à l’épreuve par les bureaucrates militaires bien plus que par l’infanterie vietnamienne, qui n’acquière guère de véritable visage emblématique (elle est sous l’influence des Soviétiques), contrairement à la corruption et à la lâcheté des décisionnaires américains tels que Murdock, qui illustre la volonté du gouvernement à sacrifier quelques soldats si cela peut permettre de boucler un dossier dérangeant. Lorsque Trautman confronte Murdock, l’accusant de laisser des hommes mourir pour ses intérêts personnels, le bureaucrate rétorque qu’il le fait pour les intérêts de la nation, qui n’aurait aucune envie de voir réémerger des « fantômes » plutôt gênants.

La mission elle-même est également symbolique pour le vétéran : bien que présentée comme simple moyen de rassembler des informations, elle est officielle et autorise donc celui-là à entreprendre son parcours vers la rédemption. La libération de prisonniers de guerre s’apparente vite à une forme de revanche, une opportunité de gagner une nouvelle « guerre du Vietnam ». Cette fois, Rambo tue. Il se bat comme il s’était battu pendant la guerre pour regagner son honneur et celui de ses amis tombés des années plus tôt. En prévalant sur ses adversaires, Rambo effectue donc une double catharsis : il gagne une guerre physique au nom de ses frères d’arme et une guerre morale contre un establishment qui peine à reconnaître ses torts.

La féminisation qu’avait subi Rambo à la fin du premier opus est provisoirement prolongée dans la relation qu’il développe avec son contact local, Co, dont il s’éprend vite et à qui il promet de ramener avec lui aux États-Unis. Cependant, aussitôt cette promesse faite, sa seule idylle est rendue impossible lorsque Co est tuée et que Rambo se voit de ce fait retirer tout espoir d’une vie normale. On revient là au vieux concept de l’impossibilité de sédentarisation du héros, qui ne peut être contraint à accepter une vie familiale banale sous peine de perdre son statut (l’acceptation de ce dernier étant souvent signe de conclusion à l’aventure, or Rambo, le héros américain, ne pourrait alors pleinement regagner le statut qu’il a tant convoité). Au-delà du simple mécanisme mélodramatique donc, la mort de Co s’inscrit elle aussi dans une logique de reconstruction de la figure héroïque du guerrier qui ne peut être autorisé à trouver le repos.

La pertinence que revêt le deuxième film vis-à-vis de l’évolution des mentalités qui lui sont contemporaines est par ailleurs illustrée à travers les insertions impromptues du personnage de Rambo dans certaines actualités bien réelles. Par exemple, Ronald Reagan n’hésite pas à invoquer le mythe ramboesque à plusieurs reprises, comme lors de son discours pour la fête du travail de 1985, où il déclare qu’il projette de réformer le système fédéral des impôts « comme le ferait Rambo » ; l’événement se répète suite à la crise des otages de Beyrouth la même année, lorsque le président lance qu’ « après avoir regardé Rambo II hier soir, je sais comment gérer la prochaine crise du genre ».

Si First Blood victimisait, sa suite s’attache à panser les plaies d’une société qui se remet lentement du trauma national. C’est sans surprise, donc, que la conclusion de la trilogie sera consacrée au rétablissement absolu du mythe lui-même, avant que l’inespéré John Rambo vienne, vingt ans plus tard, proposer une relecture inattendue du héros de guerre…

A suivre Rambo 3 et John Rambo…

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