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Djinns : Rencontre avec Stéphane Debac

Je vous parle beaucoup de Djinns en ce moment et ce n’est pas prêt de s’arrêter (voir ma critique du film, les avis de Jean Victor et Arkaron au NIFFF et la bande annonce).

En effet, le film mérite d’être soutenu comme on a soutenu 8th Wonderland il y a quelques semaines. D’ailleurs, si vous êtes allé voir l’un en salle en suivant mon conseil, vous irez forcément voir l’autre.
Dans ce cadre, nous allons vous proposer plusieurs interviews, notamment des réalisateurs Hugues et Sandra Martin. Mais on commence d’abord par l’une des têtes d’affiche (et de peloton) de Djinns : Stéphane Debac.

Le comédien, que vous avez vu dans le téléfilm sur l’affaire Villemin ou encore dans le Rose et le Noir de Gérard Jugnot et qui sera bientôt à l’affiche de La Proie d’Eric Vallette, répond à nos questions. Il évoque son parcours, son travail sur le film mais aussi ses projets et ses attentes. Et on parle même de comics !
Voici son interview.

Peux-tu simplement te présenter aux lecteurs qui ne te connaissent pas forcément ?
Je n’aime pas beaucoup me présenter. Alors tes lecteurs chercheront d’eux même [Ici par exemple]. C’est un peu ennuyeux de dérouler de son CV…

Tu as commencé par beaucoup de comédie. C’était une envie de commencer par là ?
Mon désir d’être acteur remonte a longtemps. J’ai commencé par faire du théâtre à 17 ans dans une compagnie qui s’appelait Skénée et on ne proposait pas franchement un spectacle comique.
En arrivant à Paris ensuite et en commençant à travailler, j’ai fais des choses un peu différentes. Quand tu es jeune acteur, tu te crées ton propre boulot. Donc j’ai écrit des sketchs, j’ai joué dans un café-théatre qui n’existe plus, le Carré Blanc, j’ai travaillé avec Bouvard quand il a recréé sur la 3 un Petit Théâtre pour remplacer Mr Bean à l’antenne en 1996-97. Puis j’ai fais des émissions à sketchs sur Canal+ notamment une qui s’appelait C.Net avec Philippe Spitéri notamment et d’autres que j’oublie…
Pour te répondre donc plus précisément, non, ce n’était pas un choix. Je voulais juste être acteur, jouer. Après, c’est au hasard des rencontres, des castings… Quand tu as un tempérament, un rythme, qui collent plus à la comédie, on t’emploi pour ça.
Avec le temps, j’ai eu la chance de traverser des choses plus variées…

Comme ton rôle du Juge dans le téléfilm sur l’Affaire Villemin… Dans les biographies, c’est décrit comme le rôle qui t’a révélé au grand public.
C’était en tout cas un rôle important pour moi car c’était la première fois qu’un metteur en scène, ici Raoul Peck, m’employait pour ce que je pouvais faire et pas pour ce que j’avais fait. Il m’a donc employé parce qu’il estimait que je pouvais remplir le cahier des charges pour le rôle.
J’étais heureux aussi parce que c’était la première fois que je traversais un rôle sur la longueur. L’Affaire Villemin s’est déclinée en 6 x 52 minutes.
Effectivement, c’est le rôle qui m’a crédité en tant qu’acteur auprès des « professionnels de la profession » et auprès du public puisque le personnage était déjà connu, déjà dans les mémoires collectives. Et pour le coup, ce n’était pas un personnage comique même si certains actes qu’il a pu commettre sont plutôt risibles.

Un peu touche à tout alors ? Il y a L’Affaire Villemin, Canal, la minisérie avec Arsène Mosca, le film de Jugnot en costumes…
Il y a des acteurs qui ont un emploi précis. Moi on ne savait pas dans quelle case me mettre. Je n’étais ni le gendre idéal ni le méchant dealer. Il fallait trouver ma voie. Je considère que mon métier, c’est faire exister un autre que moi. Au plus c’est loin de moi au plus je suis heureux. J’étais donc content de me retrouver dans un rôle un peu farfelu dans une comédie comme Rose et Noir ou la série avec Arsène, Palizzi.
Après, j’ai eu la chance grâce à Jean Dujardin [créateur de la série Palizzi] de réaliser une partie de la 2e saison. On s’était partagé la tâche avec Serge Hazanavicius.
Je suis très content de passer du coq à l’âne, c’est comme ça que je vois ma carrière

Tu es crédité au générique de Phénomènes, de M. Night Shyamalan. Tu apparais à quel moment exactement ? Dans la scène à la fin ?
Oui c’est ça. On s’est rencontré avec M. Night. C’était le hasard total ce film. J’ai fais un casting, ils cherchaient deux Français. On a travaillé un jour et demi ensemble. Ce n’est pas le rôle le plus marquant et intéressant. Mais c’était quand même sympa de croiser ce monsieur pour lequel j’ai beaucoup d’admiration.
C’était aussi étonnant de voir la disproportion que ça a pris : tu peux avoir un grand rôle qui passe inaperçu dans un film français et tu dis trois phrases dans un film américain et ça devient un déferlement presque ridicule. Ce métier est ainsi fait.

Parlons de Djinns. Comment es-tu arrivé sur le projet ? C’est Hugues et Sandra Martin qui t’ont contacté ? L’inverse ?
Non c’est mon agent qui a fait son travail. J’ai donc rencontré Hugues et Sandra, on a fait des essais sur le personnage de Durieux et tout s’est fait très naturellement, très simplement. J’avais adoré le scénario à la lecture, très étonné aussi qu’un film comme ça se monte en France et donc très excité.

Qu’est ce qui t’a séduit le plus dans le scénario ? Plus le coté humain ou le coté fantastique ?
L’ensemble. Je trouve le scénario très habile. On n’est pas dans le film de genre décervelé pour ado. Il y a une intelligence, un propos -même historique comme c’est révélé à la fin du film, beaucoup d’humanité comme tu le dis aussi. Ca m’intéressait donc de traverser ce lieutenant qui n’est pas vraiment à sa place, qui a du mal à assoir sur autorité tout en devant donner le change. Ca m’intéressait de faire un mec qui cherche sa place dans une situation d’urgence.

Tu n’as pas eu de réticence à tourner un premier film ? J’entends par là qu’en général, un premier film de genre français, ça peut être un peu casse gueule…
Non, pas du tout. Je me suis dit que si ce duo a réussi à écrire un scénario aussi bon, il n’y a pas de raisons que le tournage ne se passe pas bien. Hugues et Sandra ont des natures très complémentaires, donc c’était très facile. Et au contraire, j’aime le coté aventureux de certains premiers films. Il y a des réalisateurs qui ont fait douze films et on se dit en regardant leur filmo que l’ensemble n’est pas terrible…

Parle-moi du tournage au Maroc dans le désert. On imagine ça un peu épique.
Oui, c’était épique mais il y avait une vraie énergie sur le tournage. On n’avait pas tant de temps que ça pour tourner, il fallait aller très vite. Ca a imposé une cohésion de groupe très forte entre les acteurs. On s’est tous très bien entendus, on s’est vite soudés les uns aux autres dans le travail mais aussi en dehors des prises de vue. On a gardé une amitié forte d’ailleurs. Ca a été une vraie rencontre de travail mais aussi amicale. Ce qui n’est pas toujours le cas.
Les conditions étaient celles du désert : 40° la journée, -10° à 18-19 heures donc il a fallu s’adapter. Ca aide, parce qu’on n’avait pas à jouer autre chose que ce que nous montrait le décor. Quand on était dans une tempête de sable, on y était vraiment ! On n’était pas en studio en train de tricher, de s’imaginer un contexte…

Tu as un souvenir particulier, une anecdote qui te revient de ce tournage au Maroc ?
Beaucoup de fous rires en dehors du tournage avec Matthias [Van Khache], Thierry [Frémont], Aurélien [Wiik]. O s’est beaucoup amusé, beaucoup marré.
Il y a aussi des scènes du film qui marquent aussi, comme celle de Thierry en Indochine, la scène avec les scorpions aussi, qu’on a hésite à tourner avec des vrais, des faux… Et au final, je ne révèlerai pas les secrets du magicien du plateau !

Moi je les ai soupçonnés faux, ces scorpions. Le virtuel est parfois plus simple.
Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y avait de vrais scorpions sur le plateau.

Comment as-tu bossé ton rôle de militaire ? Ca a demandé un entrainement particulier ?
On a suivi un entrainement très court en arrivant au Maroc pour avoir quelques rudiments militaires mais ce n’étais pas l’essentiel.
Après, ce qui compte, c’est l’aspect humain du rôle plus que la technicité. On n’est pas dans un reportage sur l’armée. Il faut donc habiter les scènes, trouver le ton juste.
Pour ce mec là, il suffisait juste de lui donner une existence morale, hiérarchique par rapport à ses hommes puis de trouver ses failles, puisque ce sont ses failles, sa jeunesse, son inexpérience qui font qu’il n’est pas à la hauteur dans les situations d’urgences.

Ca veut dire que tu ne t’es pas spécialement visionné des films de guerre pour t’en inspirer ?
J’en avais vu beaucoup parce que j’aime bien ce registre mais je fais plus confiance à l’imaginaire… Etre acteur, ce n’est pas chercher à faire quelque chose qu’on a déjà vu. Il faut modestement essayer de réinventer, sinon on s’ennuie et on ennuie le spectateur.
J’ai donc fait confiance à mon imaginaire et puis aussi à mes partenaires. Jouer, ça se fait à deux, sinon c’est un one man show et ce n’est pas mon truc. Ce qui compte aussi, c’est l’échange, ce qui se passe dans le regard, dans la voix, dans le physique. On s’est tous heureusement bien entendus, particulièrement d’ailleurs avec Thierry parce qu’on est souvent en binôme dans le film. Il joue un peu l’opposé de Durieux. Son personnage est un homme de terrain, fort face à l’adversité alors que Durieux fait un peu jeune sorti de l’école.

Dans le film, il y a des créatures virtuelles. Même s’il n’y a pas d’interaction particulière, est ce que travailler avec de virtuel demandait quelque chose de particulier ?
Les créatures n’étaient pas virtuelles ! Elles ont été retravaillées en post production pour retoucher, effacer, etc mais il y avait bien quelqu’un dans une sorte de « costume » qui habitait les djinns dans ces scènes. Après, il n’y avait pas d’interaction parce que les djinns étaient là pour prendre possession de ton esprit et de te mettre face à tes peurs, tes angoisses les plus intimes.
C’était donc un travail psychologique sur chacun des personnages pour paraitre le plus crédible possible.

Maintenant que le film est fini et qu’il arrive, que penses-tu du résultat final à l’écran ?
Je le trouve formidable. C’est un divertissement, un film d’aventure, intelligent, qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile. On en a pour son argent ! Je suis très heureux, très fier d’être dedans.
J’espère qu’il aura suffisamment de copies pour qu’un maximum de gens puisse le voir et que la France saura connaitre ce petit bijou.

Djinns est catalogué comme un film de genre. Est-ce que tu suis un peu le « genre français » ?
Y a pas vraiment de genre français. Y a des idées, des metteurs en scène, des scénarios. C’est plutôt l’argent qui ne suit pas. Ce qui fait la différence, c’est l’argent mis au service de ces idées et en France le système de production et de distribution est encore un peu frileux.
Et puis le genre, c’est une notion très vaste : le polar, le western, les films de zombies. Djinns est un film d’aventure fantastique.
J’ai quand même l’impression que la France est un pays de suiveurs. Si demain, il y a un film un peu différent qui cartonne à l’étranger, qui rafle quelques prix, ca suivra derrière. Mais je pense que parfois ca manque un peu d’audace et de testostérone pour ne pas dire autre chose. Le cinéma doit être audacieux. Dans tous les registres, faut avoir l’audace de créer ce qu’on veut sans obéir au dictat, aux bien-pensants. Mais je ne suis qu’acteur, pas producteur.

En tant qu’acteur justement, tu tournes en ce moment La Proie d’Eric Valette, qui a réalisé Une Affaire d’Etat. Que peux-tu m’en dire ?
Je peux déjà te dire que le tournage se passe merveilleusement bien. Eric Valette est incroyable, il a une équipe formidable, on tourne vite. J’ai la chance de tourner avec des gens comme Albert Dupontel, Alice Taglioni, Natacha Régnier, Sergi Lopez.
Ca se déroule très bien. On a fait à peu près la moitié du tournage. Eric m’a confié un rôle de composition très intéressant à développer.

Tu peux m’en dire plus sur le rôle ?
C’est un type qui clame son innocence et le film révélera s’il l’est ou non. C’est une sorte de course poursuite très haletante, dans l’esprit du Fugitif. Albert Dupontel déploie une énergie phénoménale pour échapper à ses poursuivants. Alice est dans le même état d’énergie. Mon personnage, lui, est faussement tranquille.
On a plusieurs univers qui se mélangent. L’ensemble est vraiment formidable.

Et après La Proie … ?
Après, je fais un film de Pascale Pouzadoux, qui avait réalisé De l’Autre Coté du Lit. Ce sera une comédie sur un bateau de croisière, une comédie très haute en couleur mais avec des personnages décalés, un peu délirants, dans un esprit un peu à la Tati. Elle a une idée précise de ce qu’elle veut rendre.
Moi je suis content, après la Proie, de revenir à la comédie. Je n’aime pas faire deux fois la même chose et là je suis servi.

Une dernière question un peu rituelle : un gros coup de cœur récent au cinéma ou en DVD ?
J’ai vu un film formidable il y a quelques temps, je ne sais pas s’il est encore à l’affiche. Ca s’appelle Les Invités de Mon Père, c’est un bijou dont on a peu parlé.
En DVD, je suis très DVDvore mais je revois des vieux films. J’ai un rapport au cinéma comme à la musique : je peux revoir un film 300 fois comme je réécoute un disque. Dans l’année, je peux revoir quatre fois Un Jour Sans Fin avec Bill Murray…

Et une attente en salles ?
Je suis un gros fan de comics, je les collectionne. Je suis donc très attentif à ce qui va sortir, notamment Captain America. J’ai été déçu par Iron Man 2, je n’aimais pas trop le coté « gueule de bois après la victoire » mais j’ai hâte de voir les prochaines adaptations !
C’est d’ailleurs très regrettable parce que quand tu es acteur français tu dois t’assoir sur certains désirs. Je sais que je ne jouerai jamais dans un film de super-héros ni dans un western. C’est donc très compliqué que le plaisir de spectateur rejoigne le désir d’acteur. Mais tout est possible : la preuve, Djinns est là !

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Photos (c) Djinns / SND FilmsEddy Briere

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