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Recontre avec Clémence Madeleine-Perdrillat, scénariste et réalisatrice

Fin 2018, nous évoquions son métier au quotidien avec Grant Alexander, chara designer chez Pixar. De cet entretien est née l’envie de parler animation avec ceux qui la font au quotidien et d’expliquer simplement leur métier.

Après celui qui a designé des personnages pour le prochain En Avant, nous sommes allés à la rencontre de Clémence Madeleine-Perdrillat, scénariste et co-réalisatrice de La Vie de Château, un film d’animation de 26 minutes destiné à la télévision. Comment se monte ce genre de projet en France ? Qu’est-ce qui inspire Clémence pour écrire et comment s’est-elle partagée la réalisation avec son camarade Nathaniel H’limi ?

La Vie de Château est présenté en compétition au Festival d’Annecy.

 

Quel est ton parcours pour devenir scénariste ?
J’ai fait des études de lettres modernes à Paris III et en parallèle des études de cinéma. Pendant mon master, j’ai rencontré des gens du monde du cinéma, qui faisaient des courts… A cette époque-là, j’écrivais pas mal de nouvelles, j’avais même gagné un prix. C’est là que l’idée est venue, quand les gens du concours m’ont dit que l’histoire pour laquelle j’ai eu le prix pouvait faire un bon scénario.
Ca s’est mis en place progressivement. J’ai d’abord bossé sur des courts métrages fauchés, et je me suis rendu compte que c’était ce qui me plaisait, bien plus que l’enseignement.
Sur La Vie de Château, je suis scénariste et coréalisatrice mais dans la vie c’est le scénario qui me permet de vivre.

La Vie de Château est née comment ?
En tant que scénariste, je suis autant appelée pour des projets que j’en propose. Ici, France Télévisions a lancé un appel à projet pour produire trois films de 26 minutes consacrés à des héroïnes modernes. Moi je voulais travailler avec Nathaniel H’limi, le coréalisateur, qui est un ami. Ca nous a donc mis le pied à l’étrier, ça plutôt que de travailler à deux sur quelque chose qu’on n’arriverait jamais à financer. Je voulais aussi raconter depuis longtemps une histoire avec une petite fille, une orpheline, tournant autour du 13 Novembre. On en a discuté avec Nathaniel, j’ai écrit, il a dessiné, et on a eu l’appel à projet.

Comment tu écris ?
Ce que je voulais depuis le début, c’était de parler d’une relation brisée, de deux personnes qui ne se connaissent pas (plus, puisque le personnage de Régis était brouillé avec la famille de Violette). Et je voulais qu’il fasse leur deuil ensemble, les films qui me touchent le plus sont des histoires de deuil justement. Il fallait aussi un contexte contemporain, puisqu’elle devait être une héroïne moderne. Et qu’y a-t-il de plus contemporain que le monde post-attentats dans lequel on vit ?
Il fallait aussi contrebalancer la noirceur des attentats par quelque chose, un lieu, qui ramène du rêve, avec l’imaginaire détourné du château et de la princesse. Arrive donc Versaille et son « ogre ».  Ce sont des idées comme ça qui s’emboitent, façon logique d’escalier.

Le travail d’écriture, je le fais soit chez moi soit dans des cafés. J’aime bien y entendre les gens discuter. Souvent aussi, les productions mettent des bureaux à disposition pour avoir des scénaristes sous la main, pour pouvoir discuter plus facilement.
En terme d’écriture, je commence par le résumé. Je suis plus organisé qu’au début où je dialoguais beaucoup et me retrouvais avec une matière trop foisonnante. Ici j’ai fait un résumé d’une dizaine de lignes, puis un séquencier (ce qui va se passer par séquence) et une fois qu’on était d’accord avec la production j’ai écrit un dialogué de 30 pages, qui donnait l’ensemble du film.

Et la suite ? France Télévisions vous a financé mais vous n’aviez pas de studio d’animation…
Il y a d’abord eu une phase assez longue de sélection. On a passé deux oraux avec nos producteurs Lionel Massol et Pauline Seigland dans lesquels Pierre Siracusa et Joseph Jacquet, qui s’occupent de l’animation chez France Télé, nous ont mis sur le grill. Ils convaincus par le 13/11 mais dubitatif sur son traitement. A la base les attentats étaient bien plus évoqués et moi j’avais joué sur des éléments de langage. J’avais entendu que certains enfants comprenaient « des haches » pour « Daesch », idée que j’avais reprise dans le film avec des haches représentées dans le ciel. C’était trop cru. Le film a donc évolué. Un enfant y verra un contexte sans comprendre. Un adulte tiltera sur le Canal Saint Martin, les tags, la Place de la République…

Une fois que le scénario était validé, qu’on avait le financement, il a fallu qu’on trouve plus d’argent quand même. On a été aidé par deux régions, qui ont décidé pour nous des studios avec lesquels on allait bosser. On a donc fait l’animation à Valence, et l’aide de la région Charente nous a permis de faire la colorisation à Angoulême. Puis l’annonce du projet retenu a été faite à Annecy.

Mais on a commencé par faire tout le storyboard, clef de voute du projet, à Paris avec un mec incroyable, Jean-Christophe Roger, une sorte de génie du storyboard qui a travaillé sur Ernest et Célestine. On a bossé à trois jusqu’à la validation par France Télé tout en continuant à chercher des sous. Puis on est parti à Valence où une dizaine d’animateurs ont été embauchés ainsi qu’un formidable directeur de l’animation, Nicolas Hu. Quand l’animation a démarré, on a enchainé avec la colorisation. On a produit en très peu de temps, ce qui nous a imposé de nous organiser pour que tout s’emboite.

[Au moment où on enregistre cette interview, fin mai] il nous reste à faire une partie de la colorisation, tout le montage sonore dont je vais m’occuper, ainsi que le mixage et l’étalonnage. Sur le planning, on termine le 3 juin pour Annecy qui démarre le 10 juin. Ça devrait aller.

Tu es coréalisatrice sur le film. Comment ça se traduit ? Est-ce que ce n’est pas finalement un rôle de chef de projet ?
Je considère qu’on est vraiment les réalisateurs avec Nathaniel parce que j’ai écrit seule toute l’histoire et qu’il a fait toute la bible graphique. Le choix des plans au storyboard s’est fait à deux.
Après, dans l’animation, il y a des gens qui sont à des postes beaucoup plus clefs qu’en fiction comme le directeur de l’animation ou le storyboarder, qui sont très proches de la mise en scène. Ils font un boulot de fou, je suis très admirative. Ce qui est aussi étrange c’est que tout ce petit monde est très autonome et avance très vite

Quand tu écris pour de l’animation, tu écris de la même manière que pour du « live » ?
Comme je ne viens pas de l’animation, j’ai écrit comme si c’était de la fiction. J’ai eu des retours de gens qui trouvaient ça très écrits, sans expérimentation graphique. Je voulais juste une histoire très structurée. Mais sinon, j’ai travaillé de la même manière, sur le minutage, la caractérisation des personnages.
Mais ce qui est génial avec l’animation, c’est qu’on peut à peu près tout se permettre. Si on veut un aéroport avec 200 figurants, c’est possible. A ceci prêt qu’une scène avec des dizaines de personnages va quand même couter cher à animer, et que comme en fiction il faut donc parfois réduire. Et que contrairement au live, la matière n’est jamais mouvante. Dès qu’on a le storyboard, on ne peut plus improviser.

Quels sont tes bons et mauvais souvenirs sur La Vie de Château ?
J’ai adoré l’enregistrement des voix et de la musique, ainsi que la première fois qu’on a vu quelque chose d’animé. Coté flop, c’est surtout le temps. Tout est long à faire. On a passé trois ans sur le projet, et ça peut être décourageant quand on revoit les mêmes plans pour la 60e fois… Nathaniel en a beaucoup souffert, plus que moi. Il était à toutes les étapes, tout le temps, pour accompagner tous les membres de l’équipe, répondre aux questions, aux hésitations, corriger, ajuster…

Tu réécriras pour de l’animation ?
Si je peux retravailler dans l’animation, je le referais. On discute avec France Télé d’une suite, parce que l’histoire peut continuer. Et je continuerais à écrire comme j’écris de la fiction.
Je pense qu’il ne faut pas avoir de mépris pour le scénario sous prétexte que c’est de l’animation. Les enfants ne sont pas moins exigeants, ils aiment les bonnes histoires. Les bonnes histoires sont très écrites. Un des scénario que je préfère, c’est Vice Versa de Pixar que je trouve brillantissime. Le scénario de Pete Docter et
et ses collaborateurs [Michael Arndt, Josh Cooley et Meg LeFauve] est formidable, très beau, profond, structuré, super dur à écrire.

Quelques petites questions sur tes gouts en matière d’animation… Quel est ton premier souvenir ?
Je m’en souviens très bien ! Ca s’appelait Le Hérisson dans le Brouillard, un court métrage russe de Youri Norstein. Je pense que ma mère m’a amené découvrir un programme de courts à la Cinémathèque.
Je me souviens aussi que la Mairie de Paris organisait des projections au Grand Rex pour montrer le Disney de Noël. J’y ai vu le Roi Lion et la mort de Mufasa m’a traumatisée !

Quel est ton dessin animé préféré ?
Totoro !

Est-ce qu’il y a un personnage de dessin animé auquel tu t’es déjà identifié ?
Andy, le petit garçon, de Toy Story

Quel est le dessin animé idéal du dimanche matin ?
Actuellement, Bojack Horseman.

Quel est le dessin animé sur lequel tu aurais aimé travailler ?
Vice Versa

Quel est ton dernier coup de cœur ?
Les Indestructibles 2.

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