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CEFF2014 : le cinéma sur les Champs Elysées #1

Annecy n’est pas la seule ville à accueillir dans un beau décor un festival de cinéma d’envergure. Paris l’est également.

En effet, le Champs Elysées Film Festival a démarré ce mercredi sur la plus belle avenue du monde et Alexis y a déjà passé de nombreuses heures, selon le bon vouloir de la SNCF. Au programme de ces premiers jours, le plaisir de revoir de grands classiques das les meilleurs conditions possibles mais aussi celle de la découverte d’un documentaire inédit consacré au cinéma de Judd Apatow réalisé par le journaliste Jacky Golberg.

Et si la grève des trains se tassent, on parlera prochainement de fictions en avant-première.

 

LE PRÊTEUR SUR GAGES
de Sidney Lumet (1964)
Un rescapé des camps de concentration nazis devenu propriétaire d’un magasin de prêt sur gage doit à la fois affronter les cauchemars de son passé et l’environnement hostile du ghetto newyorkais dans lequel il vit.

Quand l’on pense à Sidney Lumet, on retient surtout de grands films comme Douze hommes en colère ou Le Crime de l’Orient-Express. Cependant, dans une filmographie de 45 long-métrages, allant de Serpico à The Wiz, on trouve de véritables perles oubliées comme Le Prêteur sur gages, sorti en 1964. Avec son septième film, Sidney Lumet s’attaque à un sujet sensible, et cela sans que l’on s’y attende dès l’ouverture. Avec son personnage principal, ce vieux juif aigri prêteur sur gages en plein Harlem, le long-métrage répond à la question : comment survit-on après avoir été dans un camp de concentration (ou d’extermination) ? Des flashs cauchemardesques qui lui reviennent dans son quotidien (avec un montage exemplaire qui ne tombe jamais dans la surenchère) au souvenir doux amer des dernières secondes de sa vie d’avant (Lars Von Trier a dû voir plus d’une fois Le Prêteur sur gages, ça ne fait aucun doute), la réponse ne laisse aucun doute. On ne peut survivre après la Shoah. On en meurt un peu plus chaque jour. La performance contenue de Rod Steiger est absolument bouleversante incarnant cette culpabilité du survivant. A sa sortie, Le Prêteur sur gages fut aussi bien attaqué par les associations de bienséance, que juives, qu’afro-américaines. Lorsqu’il faut explorer la nature humaine poussée dans ses retranchements, il faut savoir dépasser les codes et le communautarisme et cela ne plait pas à tout le monde. Le Prêteur sur gages est un choc dont on ne ressort pas indemne, terriblement efficace et dont certains réalisateurs contemporains devraient (re)découvrir pour savoir comment aborder la Shoah avec justesse et honnêteté.

 

LE JOUR LE PLUS LONG
de Darryl F. Zanuck (1962)
L’évènement militaire qui va mettre fin à la seconde guerre mondiale: le débarquement en Normandie par l’armée américaine.

Après la célébration des 70 ans du débarquement en Normandie, quoi de mieux que de se refaire LE film référence sur l’opération Overlord ? Référence, car depuis Il faut sauver le soldat Ryan, l’arrivée des soldats américains ne se résume qu’à l’horreur d’Omaha Beach. Or cette scène, si violente soit elle, n’est qu’une ouverture à un film de 2h30. Même chose chez Samuel Fuller qui l’avait réduite à une seule mais belle séquence dans Au-delà de la gloire en 1980. Or chez Zanuck, on fait les choses en GRAND ! C’est Hollywood, goddamit ! Donc on a les parachutistes américains, les planeurs anglais, les cinq plages du débarquement, le point de vue des Allemands, des Français, 42 stars internationales et 3 heures de film ! Le Jour le plus long mérite d’être revu encore et encore, car beaucoup le considèrent encore à défaut comme pro-américain, caricatural, manichéen, lisse, vieillot. Bien sûr, les corps n’explosent pas, il n’y a pas du sang partout, il faut faire sans effets visuels qui démultiplient numériquement les forces en présence, c’est du noir et blanc sans le mixage en 5.1. Bon. Mais quand vous êtes face à un film où lorsque le réalisateur crie « ACTION » et qu’il a dans son cadre plus de 2000 figurants qui se déplacent comme un seul homme sur des kilomètres de plage avec tanks et explosions, ça calme. Même chose en ce qui concerne les travellings ou les caméras portées à l’assaut des dunes comme ce long plan à l’hélicoptère de l’assaut de Ouistream par le commando Kieffer. Il en faut aussi de l’audace pour tourner chaque faction dans sa langue natale sans tomber dans le cliché et que tous les acteurs aient chacun son moment de gloire en cinémascope. Impossible de revoir un long-métrage d’une telle envergure aujourd’hui. Le film de guerre classique à son apogée, Le Jour le plus long est un trésor du cinéma qu’il faut chérir et revoir encore et encore.

 

MEAN STREETS
de Martin Scorsese (1973)
Dans le quartier des immigrés italiens, la mafia a pris ses marques. Johnny Boy, tête brulée et bagarreur, a emprunté de l’argent à un parrain, sans intention de rembourser. Son ami Charlie, jeune mafioso ambitieux, tente de le protéger de ses créanciers. Mais Johnny Boy est incontrôlable.

Le deuxième jour du Champs Élysées Film Festival s’ouvre avec un retour à la base de la filmographie du grand Martin Scorsese. Troisième film du cinéaste, Mean Streets est considéré à tort comme le premier long-métrage du cinéaste, alors qu’il en avait réalisé deux précédemment (Who’s Knocking at my Door et Boxcar Bertha). La confusion est facile car Mean Streets est cela dit la première œuvre personnelle de Scorsese, sur ces histoires de gangs et de petite mafia dans le quartier de Little Italy mêlées au poids culturel que représente de la religion chrétienne catholique. En plus d’être la première des 8 collaborations avec Robert DeNiro, Mean Streets pose les codes et le style que développera Scorsese au travers de sa carrière. « You don’t make up for your sins in church. You do it in the streets. You do it at home. The rest is bullshit and you know it ». Dès son ouverture, Martin Scorsese pose les enjeux qui vont tirailler le personnage principal interprété par Harvey Keitel. Charlie se retrouve coincé entre ses amis, ses amours et son ascension dans le quartier, le tout supervisé par le poids de sa conscience et le regard culpabilisant de Dieu. De l’improvisation dans les dialogues, un sens inné du cadre, une sélection musicale allant des Ronnettes aux Rolling Stones, Mean Streets étonne toujours quarante ans après par sa fraîcheur et son inventivité.

 

LE SOLEIL BRILLE POUR TOUT LE MONDE
de John Ford (1953)

Un petit John Ford qui va bien dans cette sélection des Incontournables TCM Cinéma du festival, qui plus est introduit par le grand Bertrand Tavernier, président de cette édition. Le contexte de ce film de John Ford lui donne son importance toute particulière dans le parcours du cinéaste. Produit par Republic Pictures, Le Soleil brille pout tout le monde (The Sun Shines Bright en version originale) est une chronique d’un village du Kentucky, plusieurs années après la fin de la guerre de session, et tenue par un casting d’acteurs et actrices parfaitement inconnus. Deux années auparavant sortait Un homme tranquille pour les mêmes studios. Plus grand succès de Ford et récompensé de deux oscars dont celui du meilleur réalisateur. Dans ces conditions, le cinéaste a pu s’atteler à ce projet qui lui tenait à cœur, cette adaptation d’histoires courtes rédigées par Irvin S. Cobb. Ce long-métrage est également connecté au film tiré de Cobb en 1934, Judge Priest. Cependant, Le Soleil brille pout tout le monde présente le lynchage d’un afro-américain évité de justesse par le juge Priest, scène qui avait été coupée par la 20th Century Fox dans Judge Priest. Or, ce compromis cédé à Zanuck considérant la scène possiblement gênante pour le grand public est resté en travers de la gorge de John Ford. Ainsi, Le Soleil brille pour tout le monde témoigne de la volonté du cinéaste aussi bien à la lente réconciliation entre les anciens nordistes et les sudistes, mais aussi à dénoncer le racisme et les préjugés sociaux, souvent véhiculés par les gens prétendument respectables. La scène des funérailles d’une prostituée, revenue dans son village pour y être enterrée est d’une puissance et d’une efficacité chirurgicale. Un pur moment de cinéma.

 

THIS IS COMEDY
de Jacky Goldberg (2014)

Depuis plus d’une dizaine d’années, Judd Apatow a activement participé au changement de visage de la comédie américaine. Tombant parfois dans le trivial et le trash, Apatow n’en oublie pas de créer un vrai lien entre ses personnages et son spectateur. Ainsi, 40 ans toujours puceau, SuperGrave, Funny People, sont devenue de nouvelles références dans le genre de la comédie, se trouvant de nouveaux moyens de communiquer de l’émotion qui lui est propre dans des univers réalistes, ponctués des situations incongrues en empruntées de vécu. Journaliste aux Inrockuptibles, qui ont consacré en septembre 2013 un hors série spécial sur ce renouveau de la comédie américaine, Jacky Goldberg est donc parti à Los Angeles interroger Judd Apatow et son équipe (sauf James Franco et Seth Rogen qui étaient en train de tourner à l’époque The Interview). Prenant une mise en place chronologique, This is Comedy nous replace bien dans quelles circonstances Judd Apatow est devenu un agent incontournable d’Hollywood aujourd’hui. Bien que le succès de ses comédies reste très mitigé en France, les États-Unis l’ont rapidement consacré. En un peu moins d’une heure, Jacky Goldberg a cependant du mal à donner un regard critique sur l’univers Apatow. Ne sombrant pas non plus dans l’hagiographie, ce documentaire manque d’avis extérieurs (potentiellement critiques). On évite de froisser le grand maître. Quelques concepts nous sont lancés de ci de là (comme celui du burlesque intériorisé représenté par Steve Carrell), mais rester en surface ne nous aide pas à mieux comprendre ce qui rend si exceptionnelle ce style Apatow. Restera de This is Comedy un créateur comique intelligent et modeste, aux références solides, dont l’intervention aura bouleversé (en bien) tout un genre cinématographique hollywoodien.

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