Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Rencontre avec Julien Maury et Alexandre Bustillo

Dernière interview réalisée par David lors du Festival de Gerardmer : Julien Maury et Alexandre Bustillo. Les deux réalisateurs étaient là eux-aussi pour le plaisir de voir des films qu’ils affectionnent.

Ils ont eu la gentillesse de prendre le temps de répondre à nos questions et on les en remercie d’autant plus que l’interview s’est déroulée à plus de minuit dans le salon d’un hôtel, après une longue journée de films. Mais les deux compères sont passionnés et ont pris le temps nécessaire pour évoquer A L’Intérieur mais aussi leur prochain projet, Livide. Ils reviennent également sur ce qu’aurait pu être Halloween II puisqu’ils avaient été à un moment rattachés au projet qu’a finalement mis en scène Rob Zombie.

Une passionnante et longue interview qui vire parfois à la conversation à lire dans la suite…

CloneWeb : On s’est déjà croisé à Gérardmer il y a quelques années, vous aimez ce festival ?
Alexandre Bustillo : Moi je suis souvent venu en tant que journaliste (pour Mad Movies) et maintenant avec Julien on vient juste pour le plaisir. Ça fait quand même deux ans qu’on n’était pas venus parce qu’on bossait sur notre deuxième film « Livide ».

Cette année, vous avez vu de bons films ?
Julien Maury : Non (rires) !

Alexandre Bustillo : Si, ce soir, on a vu « The Loved Ones » qui est une putain de tuerie ! Et « Dream Home » était vraiment bien.

Julien Maury : Il y a de bonnes surprises. On a vu « Proie » que j’ai trouvé vraiment pas mal. « Troll Hunter » aussi, même si Alexandre ne l’a pas trop aimé. Mais il y a aussi de grosses purges !

Et dernièrement, en dehors du festival, qu’est ce qui vous a plu ?
Alexandre : La dernière grosse claque qu’on se soit prise, c’est « Black Swan ». C’était une telle déculottée, j’en cherche d’autres… mais je ne vois pas. J’ai beaucoup aimé « Rare Exports » avec des pères Noël, c’est vachement bien ! Mais à part ça, un putain de choc comme « Black Swan » je ne vois vraiment pas.

Julien : Récemment, moi j’ai vachement aimé « Harry Brown », un « vigilante movie ».

J’ai aussi beaucoup aimé « Harry Brown » et j’ai eu beaucoup de mal à comprendre pourquoi il a été critiqué comme ça !
Julien : C’est le coup classique, on le traite de film de facho. Un film de revanche, ça se fait toujours attaquer sur les même points.

Alexandre : Et toi qu’est ce que tu as vu de bien ?

J’ai vu plusieurs très bons films à la dernière édition du festival de Sitges. Je suis surpris que certains films vus là-bas ne soient pas sélectionnés à Gérardmer, comme « Super » de James Gunn.

Julien : Et le Carpenter ?

Ah non, c’est une purge ! (pour du Carpenter…)

Julien : Ah bon ?! A ce point là ?

Oui, j’ai trouvé que le niveau est assez faible. Il a beaucoup de « tics » des productions actuelles, avec certains effets spéciaux loupés, et un ramassis de clichés. Venant d’un nouveau réalisateur, ça ne m’aurait pas dérangé mais venant de Carpenter…
Parlons des membres du jury de Gérardmer. Il y a Dario Argento cette année, que représente-t-il pour vous ?

Alexandre : Les autres membres du jury, à part Argento et Aja, même si on les aime beaucoup… (soupir)… Cavayé, je n’ai pas vu ces films…
Argento, on est ultra fan. Comme tout le monde on aime les mêmes films et on rigole devant les mêmes. C’est un putain de réal qu’on idolâtre et « A l’Intérieur » c’était déjà pour nous un moyen de lui rendre hommage. Certaines scènes renvoient directement à « Ténèbres », comme une scène où on voulait que le sang de la mère du personnage d’Alysson Paradis gicle sur un mur monochrome.
Sur notre nouveau film « Livide », on voulait aller vers un univers à la « Suspiria », un peu baroque, à la à la limite du rêve avec des références très appuyées avec un personnage formé à l’école des sorcières de Fribourg. C’est le genre de petit détail, c’est pas grand chose dans le film, juste un petit clin d’oeil.

Dans « A L’Intérieur », je me souviens aussi de cette scène avec Béatrice Dalle au fond du jardin…
Alexandre : Exactement ! Et puis elle est vraiment dans le plan, ce n’est pas truqué. C’est comme dans « le Sang des Innocents» quand on voit la mort de Max Von Sydow, avec le tueur en arrière plan qui manipule. C’est pour ça qu’on adore Dario ! S’il fait des films pas toujours égaux qualitativement, c’est un mec honnête, un réalisateur qui ne triche pas.

Alexandre Aja et les autres membres du jury ?
Julien : Je vais faire le reste du jury alors ! Moi j’ai vu les deux films de Cavayé et je trouve ça très bien. C’est un réalisateur que je trouve généreux, qui fait un cinéma très viscéral.
Avec Aja, on se croise régulièrement mais on se connait assez peu même si on partage le même monteur (Baxter). On a donc un peu l’impression de se connaitre alors que ce n’est pas le cas.
Aja c’est quelqu’un d’important pour nous, car il est de notre génération, et son « Haute Tension » est un film à la fois positif et encourageant. C’est donc quelqu’un d’admirable qui a relancé le genre en France. Il a montré que c’était possible de faire un bon film de genre sans trop de budget. Comme Argento, c’est quelqu’un d’honnête. On est super fans du bonhomme.

Vous avez aimé « Piranha 3D » ?
Alexandre : Bizarrement, non…

Julien : Non, c’est très sympa mais on a été déçu car on idolâtre sans doute trop Aja, on s’attendait à un truc encore plus fou.

Alexandre : Et puis on a envie de le voir faire autre chose. « La Colline a des Yeux, » c’est fort, c’est viscéral et là c’est l’antithèse… c’est un métier la comédie et je trouve que « Piranha 3D » n’est pas très drôle.

« A l’Intérieur » est un film ultra-référencé. C’était un peu le but de montrer et partager vos références ?
Julien : C’est pas un but. Mais faire du cinéma, c’est avant tout une histoire de passion. On a la chance d’en faire mais on est avant tout des cinéphiles. Du coup, dès l’écriture, on est tenté de faire comme d’autres. On est pétris d’influences, il y a plein d’images qui nous viennent et c’est compliqué de s’affranchir de tout ça.
On a complétement assumé notre coté « fanboy ». Il y a plein de films qui ont fait notre avis de fans de ciné et qu’on retrouvent donc par petites touches dans « A l’intérieur ». C’est pas toujours très fin, plus ou moins digéré mais surtout c’est assumé.
Sur « Livide », c’est plus digéré, on est plus dans le clin d’oeil que la grosse référence.

On reconnait vos influences mais l’histoire d’« A l’Intérieur » est complétement originale
Julien : Avoir vu plein de films cela nous a aussi incité à sortir des poncifs. Sans prétention, on a essayé d’éviter les clichés. On a essayé de contourner les attentes d’un spectateur habitué, de faire des contrepieds.

Alexandre : Mais dans le fond ça reste un slasher basique, avec un tueur et des victimes. Ce qui en fait son originalité, c’est la motivation du tueur qui ne tue pas juste pour tuer. Il tue pour assouvir son désir, son besoin de maternité. En plus, c’est un désir répandu chez les femmes d’un certain âge qui ne peuvent pas avoir d’enfants.

Jaume Balaguero doit toujours réaliser le remake US, c’est toujours d’actualité ?
Alexandre : On nous a appelé alors qu’on était dans le train pour Gérardmer pour signer les contrats. On a un peu parlé à Balaguero mais il a été un peu dépassé par le succès de « REC ». Maintenant ils bossent sur les suites parce que ça a bien marché. Ce qu’il veut faire avec le remake d’ »A l’intérieur » est vachement bien en plus, c’est donc toujours d’actu.

Vous l’avez pris comme un compliment, qu’il veuille faire un remake ?
Alexandre : Evidemment, on est super fans de lui en plus.

Julien : Ca nous a éclaté car les remakes sont en général fait par des petits jeunes qui font des trucs de « Maitre de l’Horreur ». Nous, c’est l’inverse.

Parlons du casting d’ « A l’Intérieur ». Il y a Alysson Paradis et Béatrice Dalle mais également Tahar Rahim qui a ensuite « explosé » dans « Un Prophète » d’Audiard.
Alexandre : Tahar, on est ravi pour lui. C’est Dominique Besnéard qui nous a parlé de lui, il le sentait bien. On l’a donc casté, il était super. Dominique avec le nez fin vu les récompenses qu’il a eu.
Concernant les actrices, on ne voit plus trop Alysson mais on est toujours très amis avec Béatrice Dalle. Ce sont de bons souvenirs, elles se sont vraiment données à fond pour le film.

Béatrice Dalle a un rôle important dans « Livide » ?
Alexandre : Elle n’a pas beaucoup de temps à l’écran mais c’est un rôle important, oui. Ce n’est pas juste un cameo, elle est vraiment au coeur du film.

Alysson Paradis, je lui trouve une palette d’émotions assez impressionnante dans « A l’Intérieur ». Elle a montré un potentiel énorme et après elle se retrouve dans des films comme « Camping 2 »…
Alexandre : Pour « A l’Intérieur », elle nous a fait confiance et s’est totalement lâchée, elle a tout donné. On a eu la chance de l’avoir pour un premier film.

Julien : Effectivement, on a été un peu déçu de voir qu’elle ne tournait pas plus que ça après. Mais peut-être qu’elle souffre un peu aussi de l’étiquette de son premier film, vu qu’en France on met bien les gens dans des cases. Mais nous on aimerait que les gens se rendent compte de son potentiel.

LA question : vous deviez réaliser « Halloween II ». A quoi aurait ressemblé votre version ?
Alexandre : Très différente du film de Rob Zombie, même si on adore ce qu’il fait. On s’est un peu brouillé avec les frères Weinstein pour « Hellraiser ». On s’est barrés, on a cassé notre contrat et ils sont revenus gentiment nous proposer « Halloween II » : les enculés (rire) ! On est fans hardcore de Michael Myers, c’est notre tueur préféré, plus que Jason, Freddy et compagnie, on a d’ailleurs refusé le remake « des Griffes de la nuit » !
Notre version aurait repris la structure narrative du premier « Halloween » de Rob Zombie. Donc deux parties bien distinctes, la première de 45 minutes qui racontait les quinze années d’internement de Michel Myers misent en parallèle à la vie de Loomis qui se gangrénait au fil de leur relation évoluant vers celle d’un père et de son fils. On se serait arrêtés là puis on reprenait à l’hôpital, Michael Myers une balle dans la tête mais pas mort. Les médecins l’opèrent, retirent la balle puis il se réveille sur la table d’opération et nique dix infirmières d’un coup et après 45 minutes de slasher intensif. Ça se terminait un peu comme dans le film à Zombie où Laurie devenait à son tour folle et se masquait, le gène Myers, et Michel devenant LA légende urbaine.

Julien : Zombie avait montré comment un enfant devient un tueur en série et nous on aurait montré comment un tueur en série devient une légende, un mythe.

Alexandre : On nous a aussi parlé d’ « Halloween 3 »… Ils voulaient une suite, en 3D, rebootant à nouveau la franchise alors que ça venait d’être fait. C’était trop compliqué, même si les origines auraient été notre histoire.

Julien : Et puis ce que voulait faire le studio ne ressemblait vraiment pas à ce que nous avions envie de faire.

Vous avez travaillé longtemps sur « Halloween 2 » ?
Alexandre : on n’avait pas écrit le scénario, juste un long traitement. C’est au moment d’écrire le scénario qu’on est revenus en France. En tout, on a du bosser deux bons mois.

Où en est le projet collectif « Paris I’ll Kill You » ?
Julien : Il est en train d’être finalisé par les producteurs pour être tourné au printemps. C’est un gros truc à coordonner avec chaque réalisateur (Joe Dante, Xavier Gens, Vincenzo Natali, Paco Plaza, Christopher Smith) et les agents. Chacun fait son scénario puisqu’on a tous carte blanche. Du coup, ça prend un peu de retard.

Alexandre : On nous a dit qu’on avait carte blanche, on a donc écrit un premier scénario qui s’appelait « Madame la Mouche » avec un bateau-mouche, des touristes qui montent à bord et qui finissent par être pris dans une toile sous un pont, attaqués et déchiquetés par une araignée géante qui vit dans la Seine. Mais ça coutait une fortune, on a dû revoir notre copie. Donc on a carte blanche mais pas tant que ça.

Et « Livide » ? Que pouvez-vous nous en dire ?
Julien : Le tournage est terminé, le montage aussi. Il manque le son, les effets spéciaux, l’étalonnage. On voudrait le sortir début novembre.

Alexandre : On doit le livrer pour fin mars, il nous reste encore deux gros mois de boulot de post-prod.

Vous avez déjà pris des contacts pour le montrer dans des festivals ?
Julien : Oui, qu’on soit pris ou pas. Nos vendeurs internationaux vont le présenter à Toronto, pour le marché américain, ensuite à Venise pour le marché européen et enfin à Sitges pour s’amuser, parce qu’on adore ce festival.

Les producteurs qui ont évoqué une histoire de vampire n’ont pas un peu spoilé ?
Alexandre : Si, ça devait être un secret, on était pas censé le savoir. Mais ça ira parce que ne ce n’est pas un vampire classique comme on a l’habitude d’en voir. Pas d’ail, de croix, ce genre de trucs…

Dernière question : vos références pour « Livide »?
Alexandre : C’est pas si évident… « Suspiria » d’Argento, mais surtout « Malataverne », le roman de Bernard Clavel qui nous a pas mal inspiré pour l’histoire de base de « Livide » : trois gamins qui vont cambrioler une vieille sourde et aveugle. Mais la vieille n’est pas ce qu’elle prétend être…

– Propos recueillis par David Cagliesi à Gerardmer

Voir les commentairesFermer

Laisser un commentaire