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Etrange Festival : Sick of Myself, Inu-Oh, Hunt, The Roundup

Sick of Myself de Kristoffer Borgli – Sortie en salles le 30 mai 2023
En 2017, on découvrait à SXSW le drôle de faux documentaire DRIB, qui tirait sur le monde ultra factice des réseaux sociaux et des récits bidons qu’ils cultivent pour vendre n’importe quoi.
Son réalisateur Kristoffer Borgli semble ne pas avoir perdu la hargne concernant notre belle société puisque son nouveau film Sick of Myself met en scène une jeune femme dont les désirs de reconnaissance sont grandissants, et pas forcément compatibles avec son copain, un artiste plastique dont la notoriété décolle enfin.

Un semblant de toxicité va donc s’installer dans ce couple, et notre héroïne va alors avoir une idée saugrenue pour tirer la couverture vers elle : s’infliger du mal.
Elle se rend compte en effet que les malheurs de santé poussent les gens à se soucier d’elle, et ce qui démarre doucement, en simulant par exemple une allergie au restaurant, va vite prendre des proportions délirantes quand elle découvre un médicament interdit en Russie qui provoque des tâches étranges sur la peau…
S’intéressant une fois de plus au narcissisme en puissance qui émerge partout par la mise en scène de soit qu’induit nos modes de communication, Kristoffer Borgli enfonce le clou, tout en citant à vrai dire très peu Instagram, TikTok et consorts.
Entièrement focalisé sur son personnage détestable qui pousse le syndrome de la victime à des degrés vertigineux juste pour faire parler d’elle, Sick of Myself exploite son concept à fond et s’avère tout aussi inventif que crédible dans sa descente aux enfers, tout en peignant en toile de fond une société complice de tels débordements, aussi malades soient-ils, qui est prête à se précipiter sur n’importe quel fait sordide pourvu que ce soit vendeur.

Jusqu’au boutiste dans sa démarche, le film subit comme contrecoup une identification qui sera sans doute difficile pour certain.e.s, avec une personne qui fait tous les mauvais choix possibles pour nourrir son égo, le tout sur fond de dépression carabinée et jamais traitée. Mais c’est aussi ce qui rend la chose aussi cohérente scénaristiquement, offrant une comédie ultra acerbe et drôlement malaisante, ou « malaisantement » drôle.

Inu-Oh de Masaaki Yuasa – Sortie en salles le 23 novembre 2022
Figure montante de la nouvelle génération de l’animation japonaise, Masaaki Yuasa s’était fait remarqué avec Mind Game, Lou et l’île aux sirènes ou encore Ride Your Wave et Devilman Crybaby.
Avec Inu-Oh, sa renommée va à coup sûr monter d’un cran, et la sélection en compétition du film à Venise l’an dernier en est un indice certain, voir même une confirmation d’autant plus réjouissante que ce Inu-Oh prendrait presque des attraits méta. On y suit en plein Japon médiéval un troubadour difforme et étrange dont la rencontre avec un musicien va donner lieu à un bouillon créatif hors du commun, avec un style musical original et des récits folkloriques qu’ils portent de ville en ville pour petit à petit conquérir le peuple tout entier.

Dans un pays dont le territoire est divisé en 2 empires qui menacent perpétuellement de se mettre sur la tronche, l’art d’Inu-Oh prend vite une résonance politique, avec des chansons qui donnent l’impression au peuple qu’il est maître de son destin et qu’il peut s’unir à travers la musique. Un succès qui déplaît forcément aux autorités, pour qui l’art devient transgressif par les réflexions qu’il suscite, amenant les puissants à mettre leur grain de sel dans les compagnies itinérantes de musiciens pour essayer d’enrayer le phénomène…
Ça, c’est pour le fond, et il est déjà passionnant pour sa déclaration d’amour absolue à la beauté et à la puissance des arts et de la narration, rappelant haut et fort combien ils sont loin d’être futiles dans nos sociétés, alors que bien des gouvernements ont tendance à les reléguer au second plan.
Et cerise sur le gâteau, Inu-Oh est avant tout une expérience visuelle et sensorielle, mélangeant les techniques d’animation, entre dessin traditionnel au crayon, aquarelle, estampes japonaises ou 3D plus classique pour mener à bien ses ambitions, utilisant chaque outil à bon escient, pour suggérer telle sensation ou émotion. Une démarche qui se retrouve dans les genres évoqués par le film, qui remixe pêle-mêle opéra, comédie musicale, théâtre Sarugaku Noh, film historique et chronique sociale sur fond de rock’n roll, les musiciens à l’écran utilisant certes des biwas et autres instruments folkloriques locaux, pendant que le son global du film donne à fond dans des orchestrations rock, qui citent Queen à tout va, ou encore Prince, Michael Jackson, Bowie et j’en passe.

Une proposition inclassable, aussi surprenante que fascinante, même s’il faut bien avouer que ses compositions sont quelques peu répétitives et qu’on aurait aimé pousser le bouchon plus loin encore sur le psychédélisme et l’ésotérisme de certains passages, comme si ses idées géniales avaient été quelque peu bridées en court de route de peur de submerger le spectateur par sa folie.
En l’état, c’est déjà faire la fine bouche tant Inu-Oh s’avère détonnant, en plus d’être salutaire dans sa célébration de l’art sous toutes ses formes.

Hunt, de Lee Jung-jae – Sortie en VOD le 7 juin 2023
Comme à peu près tous les spectateurs de cette planète, vous avez sûrement pris part au phénomène Squid Game l’an dernier.
Et bien sachez que son acteur principal Lee Jung-jae avait déjà une filmographie riche, et ne comptait pas s’en arrêter là puisqu’il est passé à la réalisation avec Hunt, un thriller politique sur la sempiternelle et triste fracture entre les 2 Corées, où il officie aussi devant la caméra.

Dans les années 80, la Corée du Sud est sortie d’un régime totalitaire via un coup d’état se soldant avec un militaire à la tête du pays, repartant ainsi pour un petit tour de dictature puisque personne n’a eu le temps de voter pour qui que ce soit.
Les Etats-Unis tentèrent malgré ça de renforcer le lien avec le pays, ce qui n’était pas vu d’un bon œil par le Nord, et une tentative d’assassinat du président sudiste lors d’un déplacement à Washington va mettre sans dessus-dessous les services spéciaux coréens, qui cherchent la taupe venue du Nord.
Bon, vous le voyez venir vite, Hunt est une chasse à l’homme sur fond de clivage politique, plongeant dans une guerre intestine dans la Corée du Sud pour vilipender le traître, et offrant un récit à tiroirs pas toujours simple à suivre par sa densité narrative certaine, son goût du twist et une opulence pas toujours justifiée.
Au milieu de ce vaste programme, le film parvient étonnamment à créer plusieurs effets chocs dans son récit, explorant les nuances de gris dans les motivations de tels agents pour en découvrir les justifications humaines, qui ne sont pas toujours aussi simples que prévu. A ce titre, Hunt échappe plusieurs fois au manichéisme que sa toile historique peut amener, et marche autant dans cette plongée en eaux troubles qu’il rate le coche à d’autres moments à force de retournements, finissant par perdre quelque peu le spectateur.
Heureusement pour lui, Lee Jung-jae tient aussi à offrir quelques scènes d’actions tendues à souhait, en s’inspirant grandement du travail de Michael Mann sur le traitement de la physique et des dégâts de la balistique, pour un résultat sec et nerveux, sans génie de mise en scène certes, et restant dans les traces de ses modèles, sans jamais faillir pour autant grâce à une tenue d’ensemble honorable.

Ses quelques scènes, qui ponctuent le film de part et d’autres, ne suffisent pas à le rendre divertissant de bout en bout, mais s’avèrent suffisamment efficaces pour que Hunt soit recommandable, à défaut d’être vraiment mémorable.

The Roundup, de Lee Sang-yong – Sortie en blu-ray le 9 décembre 2022
Par Marc – Si le film n’avait pas été présenté comme tel à l’Etrange Festival, rien n’aurait laissé paraitre que The Roundup est le second volet de ce qui sera une trilogie. A l’origine, un film inédit en France : The Outlaws dans lequel Ma Dong-seok, vu notamment dans Le Dernier Train pour Busan (et les Eternels), incarne un flic pendant «l’Incident de Heuksapa », une histoire vraie mêlant deux gangs rivaux en Corée en 2007.
Le comédien également producteur a voulu rempiler dans un rôle qui lui va comme un gant pour un second volet.

The Roundup commence au Vietnam. On nous montre comment des touristes coréen s’y font plumer par des escrocs. Mais certaines arnaques finissent dans le sang et un voyageur venu de Corée en fait les frais. En mission là-bas pour récupérer le défunt, le personnage de Ma Dong-seok va se mêler de l’enquête. Il ne sera pas le seul puisque le père de la victime a envoyé quelques gros bras aux fesses du tueur.

Le scénario est sage pour une enquête policière. L’action est linéaire et tous les évènements s’enchainent sans surprise. Sans que ça ne soit pas déplaisant, The Roundup ne révolutionne pas le genre. Mais il surprend. Il surprend d’abord parce que de ce coté-ci du globe, on n’imagine pas qu’une comédie policière de ce genre puisse mêler humour et violence. Le film est gore et brutal, tous les protagonistes ayant troqué l’arme à feu contre couteaux et autres haches. Et le réalisateur Lee Sang-yong soigne sa mise en scène pour nous en mettre plein les yeux.
Le film surprend aussi pour son personnage principal. Haut en couleurs et plus qu’imposant, il rappelle Bud Spencer et sa passion pour les distributions de mandales. Le mec aime distribuer des bourre-pifs et franchir la ligne jaune pour le faire. C’est jouissif et dans la lignée des comédies policières italiennes où Spencer se partageait l’affiche avec Terrence Hill. Ou quand The Roundup finit par ressemble aux Super-Flics de Miami niveau bagarre, une bonne dose d’hémoglobine en plus.

Classique mais divertissant, The Roundup est un parfait film du dimanche soir, qui donne envie de voir son prequel et d’avoir un oeil sur sa future suite.

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