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Critique : The Substance

« Laissez rentrer les monstres ». C’est ainsi que Julia Ducourneau concluait son discours de victoire au Festival de Cannes après sa récompense pour Titane. Sa consœur Coralie Fargeat l’a prise au mot avec The Substance, lui-aussi présenté et récompensé sur la Croisette. Après le très efficace Revenge où la réalisatrice s’appropriait le « rape & revenge », elle s’attaque désormais au « body horror » avec rien de moins que la désormais trop rare Demi Moore dans le rôle-titre.

Ca vous tenterait une « meilleure version de vous-même » ? Plus jeune, plus en forme, vous mais sans vos problèmes actuels. Pour cela, il faudrait vous injecter une substance et signer un pacte avec le diable : vous continuerez à vivre votre vie une semaine sur deux, pendant que votre nouvelle moitié kiffera la life la seconde. C’est le pitch du film, le tout dans l’univers de la télévision avec en fond un producteur d’émission libineux, incarné par Dennis Quaid en grande forme.

Avec son ambiance ultra-colorée et son écriture faussement simpliste, The Substance fait penser à un conte moderne, sorte de Blanche Neige poussé à son paroxysme. Demi Moore y sera la sorcière vieillissante et Margaret Qualley l’héroïne blanche comme neige, jeune, belle et sexy. A ceci près que l’une serait le double de l’autre. Une scène de cuisine bien sale rappelle d’ailleurs la sorcière en train de prépare quelques maléfices. Et les quatre murs de son superbe appartement font un palais impeccable.

A travers cela, Coralie Fargeat s’intéresse au vieillissement des corps, aux regards des autres et à l’injonction de rester belle et fraiche. Demi Moore y incarne une actrice dont l’étoile sur Hollywood Boulevard s’effrite avec le temps. Finissant sa carrière dans une émission de gym, elle se fera virer car le producteur veut quelqu’un de jeune et sexy – et il embauchera sans le savoir sa « meilleure version ».
Et on peut forcément voir en filigrane le parcours de l’actrice qui, à soixante ans passés, tourne bien moins qu’avant.

Fargeat cite Stanley Kubrick, Cronenberg, ou le Peter Jackson des débuts. Les cadres sont impeccables, la photo soignée, et les acteurs et actrices parfaitement dirigés. Plus le récit avance, plus les deux versions de l’héroïne vont s’opposer et s’affronter à distance. La caméra va alors s’accélérer, bouger, trembler. La réalisateur n’a que deux longs à son palmarès mais elle sait faire.

La narration est aussi propre que les corps sont malmenés, déchirés, détruits et pas seulement par le temps qui passe. L’auteur de ses lignes en a rêvé la nuit suivant la projection. Il y a quelque chose d’intense dans The Substance, de jusqu’au-boutiste jusque dans un dernier acte fou (que, par ici, on aime un peu moins, avec la sensation que l’intrigue, coincée par un pitch de base qui n’avait pas beaucoup d’issues, ne pouvait aller que par là).

Féministe à fond de balle, assumant complètement ce qu’il a à raconter, The Substance a pour lui l’originalité (une denrée rare) et le talent de sa metteuse en scène. Revenge était déjà solide mais, ici, Coralie Fargeat déploie l’étendue de son talent. Peut-être le trouverez-vous grotesque par moments, facile par d’autres mais c’est une expérience cinématographique à tenter. Continuons à laisser entrer les monstres.

The Substance, de Coralie Fargeat – Sortie en salles le 6 novembre 2024

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