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Critique : Revenge

Le film de genre bouge en France et ça fait bien plaisir.

Dans un monde d’hommes et de slashers bas du front, ça fait plaisir de voir des idées novatrices émerger (avec La Nuit a Dévoré le Monde ou Dans la Brume par exemple) mais aussi des femmes prendre les commandes. Après Grave de Julia Ducournau, voici donc Revenge de Coralie Fargeat.

 

LA CRITIQUE

Après la sensation Grave en 2017, qui continue sa course jusqu’aux Césars pour bien affirmer son importance, on serait en droit de penser que ça y est, enfin, le cinéma de genre va pouvoir se refaire une santé dans des conditions décentes dans la production française. Revenge arrive à point nommé avec une poignée d’autres films, et il se démarque là encore par la touche féminine avec une réalisatrice qui n’a pas froid aux yeux, puisqu’elle s’attaque au genre sulfureux du Rape and Revenge.

Et par les temps qui courent, à grand coup de #MeToo et #BalanceTonPorc, il faut dire que ça tombe plutôt bien…

L’avantage de Revenge, et du genre qu’il investit, c’est que le pitch est très simple puisqu’à peu de chose près, il a toujours été le même. Voici donc un monsieur très riche qui part avec sa maîtresse en vacances dans une villa paumée au beau milieu du désert, histoire de s’adonner aux joies de la chair en toute tranquillité. Sauf que ses deux copains chasseurs un rien bovins débarquent plus tôt que prévu, et par une matinée en son absence, la demoiselle va se faire violer par l’un deux. Si vous trouvez ça déjà sympa, la situation va s’envenimer, et après une tentative de fuite, voilà qu’elle se retrouvera laissée pour morte dans la pampa… Sympa le week-end !

Bon, c’est une façon un peu complexe de dire que c’est l’histoire d’une nana qui se fait violer et qui se venge, car c’est bien là le plat de résistance : les bougres vont en prendre pour leur grade.
Au sein d’un carcan aussi codifié, la réalisatrice Coralie Fargeat ne prétend pas une seconde révolutionner le schmilblick. Ainsi Revenge applique à la lettre les étapes inhérentes à ce schéma, qu’elle honore avec déférence manifestement. Il est d’ailleurs amusant de voir une réalisatrice foncer tête baissée dans son intro dans une imagerie très cul et voyeuriste, l’actrice Matilda Lutz étant filmée absolument sous tous les angles, à croire que c’est le cadreur qui était venu se rincer l’œil en premier lieu. Mais quitte à brosser ces messieurs dans le sens du poil, c’est pour mieux le mettre la tête dans le sable par la suite.

Au détour d’un détail scénaristique présenté rapidement durant l’exposition (une drogue), Revenge se veut être une poussée d’adrénaline totale, où la vengeance de l’héroïne aura l’effet d’un électrochoc laissant le spectateur K.O à la fin. L’idée est que le récit prenne des attraits quasi psychédéliques par moment, et que son personnage principal se transforme en figure vengeresse iconique transformant ces 3 messieurs en proie, pour ne pas dire en chair à canon.
Pour ça, la photo ultra léchée ne lésinant pas sur les couleurs et les cadrages soignés forment en effet un écrin presque luxueux serait-on tenté de dire pour le genre, qui a souvent été l’affaire de micros budgets cheapos. Et quand il s’agit de se salir les mains, c’est peu dire que le film n’y va pas avec le dos de la cuillère tant oui, Revenge est gore, ne lésine pas sur la chair torturée, les effusions de sang à gogo et les coups qui font mal. En tant que film frontal, le pari est réussi.

En revanche, l’ensemble peine à dépasser son cadre très strict malgré les bonnes intentions de le dynamiser par une narration plus pêchue. Certains détails scénaristiques paraissent complètement absurdes, l’héroïne passant une bonne partie du film avec un bout de bois faisant la moitié de son ventre planté dans celui-ci, et s’en remettant quasi miraculeusement après une chirurgie express. Ça peut paraître con dit comme ça, ou un peu trop pointilleux, mais en retardant ce qui devait donner une dimension hallucinée au film, la suspension d’incrédulité explose au passage.
Et quand à cet aspect plus visuel sous LSD, Revenge s’y limite à une scène et reste somme toute très terre à terre, là où il avait tout à gagner à y aller franchement dans une direction plus folle, fantasque et trouble, afin de tirer son épingle du jeu. Sans parler du jeu très approximatif des acteurs masculins, mais à la limite ça les rend encore plus insupportables, et c’est en faveur du film…

Embrasser un genre aussi strict que le Rape and revenge implique de le plier à sa vision pour se démarquer de la masse, et en l’état le film ne le fait que partiellement. Parsemé d’excellentes intentions qui s’avèrent plus frustrantes qu’autre chose quand son récit ne se démarque jamais de son modèle, Revenge n’en reste pas moins une série B très bien fabriquée qui remplit avec passion son cahier des charges. Et par les temps qui courent, voir une demoiselle rendre par 3 fois la monnaie de sa pièce à une belle brochette de connards, ça pourrait presque avoir des vertus thérapeutiques.

Revenge, de Coralie Fargeat – Sortie le 7 février 2018

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