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Critique : The Neon Demon

Ce dimanche soir, le jury de l’édition 2016 du Festival de Cannes présidé par George Miller remettra son verdict et la Palme d’Or à un grand gagnant. Qui remportera quoi parmi la douzaine de films chroniqués ici-même (et il reste quelques papiers à vous faire lire) ?

Est-ce que le film de Nicolas Winding Refn avec Elle Fanning dans le rôle principal aura les faveurs du Jury … ?

 

LA CRITIQUE

2013, 66e Festival de Cannes, le réalisateur danois Nicolas Winding Refn revenait au sein de la compétition officielle de l’événement cinématographique, après avoir remporté le Prix de la mise en scène pour son Drive, deux ans plus tôt. Antithèse de ce dernier, Only God Forgives et son style très radical avait divisé la critique et le public à l’extrême. 2016, 69e Festival de Cannes, c’est à peu près le même sort qui attendait son nouveau The Neon Demon, également en lice pour la Palme d’or.

Il est difficile d’aborder simplement ce long-métrage tant il cherche à se démarquer des codes traditionnels du cinéma classique. Avec Only God Forgives, Refn avait décidé de rompre totalement avec son succès populaire de Drive pour plonger dans un visuel plus intense, marqué de sa griffe particulière. Une griffe stylistique que le réalisateur s’était forgé au fil de ses long-métrages, mais aussi en tant que réalisateur de films publicitaires pour de grandes marques de la mode sur la première partie de sa carrière. Il faudrait prendre alors The Neon Demon comme une sorte de retour aux sources pour Nicolas Winding Refn, qui est à l’origine de son histoire et ayant travaillé à l’écriture du scénario.

Toutefois, un démon semble s’être emparé du réalisateur. Pas celui du néon, mais celui du melon.

La bande-annonce de ce dernier bébé nous l’annonçait déjà. En effet, après le documentaire My Life Directed by Nicolas Winding Refn, lui étant consacré par sa femme dans les coulisses d’Only God Forgives, le réalisateur s’est mué en un nouveau personnage au fil du temps. Il n’est plus Nicolas Winding Refn mais NWR. À l’instar de Jean-Luc Godard et autres cinéastes de la Nouvelle vague réduits à l’époque à leurs seules initiales dans les Cahiers du cinéma qu’un Yves Saint Laurent, Refn apparaît désormais à travers un logo formé des trois lettres affiché à plusieurs reprises au générique multicolore d’introduction, sous le martellement de la bande originale électro de Cliff Martinez.

NWR nous ramène à Los Angeles avec une jeune fille de la campagne désirant percer dans le monde de la mode. Évidemment, ses rêves vont se confronter à cette réalité des castings et de la concurrence féroce qui règne dans le mannequinat. Elle Fanning incarne à l’écran cette jolie candide, héroïne que l’on croirait sortie tout droit d’un conte de fée. Ce conte moderne, NWR le transforme en fantasme plastique aux contrastes prononcés. The Neon Demon a, au moins, ce mérite d’exister pour sa seule valeur esthétique inédite. Seul NWR parvient aujourd’hui à produire ce type d’imaginaire absolu sur le grand écran. Certaines séquences sensorielles aux éclairages monochromes ou stroboscopiques emmènent littéralement le spectateur dans un état transe hypnotique.

Cela étant, cette valeur ne suffira pas à sauver le long-métrage marqué par un grave manque de fond. Le réalisateur plasticien écule les poncifs sur la question de la recherche de la beauté parfaite. Ce n’est pas le monde de la mode, qu’il a connu pourtant, qui l’intéresse ici. Son jeu de petit malin qui se cache derrière son intrigante vitrine clinquante ne fait pas long feu. Il tombe finalement dans la surenchère, à la quête de l’image choc. Mais il n’y a de choquant que ce qu’il y a de subversif, ce que le réalisateur n’atteindra jamais. La baudruche NWR se dégonfle un peu plus à chaque provocation gore gratuite qui ne sert pas son récit. Surtout qu’il aime les faire durer. Il répète ainsi, ad nauseam, de longs plans au ralenti pour être certain que nous n’en perdions pas une goutte, persuadé d’une réaction extatique du spectateur face à son infini génie qui carbure à l’autosatisfaction.

Dommage que le talent véritable de Nicolas Winding Refn soit perverti par l’égo monstre de NWR. C’est un problème de remise en cause qui manque à cet auteur de cinéma qui le conduira inexorablement vers un public de niche. Celui de ses fans hardcore qui accepteront sans broncher toutes ses créations, aussi fantasques puissent-elles être.

Le film repose essentiellement depuis le point de vue de son personnage principal qui ne montre pas d’évolution qu’un retournement tardif et soudain dans son comportement aux autres. À l’écran, la jeune Elle Fanning peine alors à supporter que NWR joue d’elle comme une belle poupée au visage apathique sur laquelle la lumière se reflète bien. Avec son casting presque entièrement féminin, le réalisateur aurait mieux fait de trouver l’inspiration ailleurs pour essayer de faire vivre tous ses dialogues débités mécaniquement. À l’opposé de l’une de ces scènes rassemblant les mannequins entre elles autour d’une conversation sur la chirurgie esthétique, nous trouverions celles des bandes de filles de Boulevard de la mort de Quentin Tarantino.

Pour faire simple dans notre recommandation : si vous aimez NWR, vous aimerez à coup sûr The Neon Demon. Pour celles et ceux qui seraient plus sensibles à une œuvre avec un propos qu’à une expérience visuelle vide de sens, les deux heures emphatiques du long-métrage vous sont dispensables.

The Neon Deon, de Nicolas Winding Refn – Sortie le 8 juin 2016

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