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Critique : Polina, Danser la Vie
Avant d’être reconnu avec Balak et Sanlaville pour la bande dessinée Lastman dont la version animée arrive le 22 novembre sur France4, Bastien Vivès a été un auteur solo prolifique qui a notamment écrit et dessiné Polina récompensé du Prix des libraires de bande dessinée et du Grand prix de la critique de l’ACBD.
L’album a été adapté pour le grand écran.
LA CRITIQUE
L’histoire d’une petite fille russe, Polina, passionnée de danse classique, qui vit dans une famille pauvre. Afin qu’elle puisse continuer de suivre ses prestigieux et coûteux cours, son père s’enlise dans une espèce de mafia, où l’argent facile coule à flot.
Tiraillée entre sa passion et la tristesse provoquée par la déchéance de la tranquillité du cocon familial, la petite Polina danse, du mieux qu’elle le peut. Ce, sous le regard sévère de son maître. L’aussi exigeant que réputé, professeur Bojinski.
Une plongée dans l’univers intense et impitoyable de la danse classique. Univers dans lequel les ordres ont des intonations graves – russes – et où la discipline domine. On ne peut s’empêcher de nous aussi lever légèrement le menton lorsque le rigoureux professeur réprimande Polina. Par compassion, et parce que nous sommes très vite happés par l’ambiance du film.
Alors qu’elle devait intégrer la grande école du Bolchoï, elle rencontre Adrien (joué par Niels Schneider). Un jeune danseur français, qui tombe dès le premier regard échangé, sous le charme de notre ballerine russe. Un soir, à ses côtés, elle découvre l’existence de la danse contemporaine. Et cela provoque en elle un choc passionnel. Puisque la vie de Polina est uniquement guidée par la passion, elle le suit en France, à Aix-en-Provence. Tous deux exécutent brillantes danses, sensuelles, sous le regard triste et pédagogue de la grande chorégraphe Liria Elsaj (jouée par Juliette Binoche). Puis, une blessure, fatale pour Polina, tant pour sa carrière à Aix, que pour son histoire d’amour. Alors, elle s’en va vers d’autres lieux.
Polina est un ballet contemporain, philosophe et beau, en plusieurs actes. Si le premier est celui de l’enfant disciplinée, le second est celui de l’adolescence, du travail, des découvertes. Le troisième signe la libération. Qui mènera Polina dans des coins bien sombres, certes, mais vers ce qu’elle est réellement, au plus profond d’elle-même.
On suit le visage pâle, les grands yeux clairs, les mouvements souples, si gracieux de Polina. Entre deux sublimes chorégraphies, on la surprend à s’agacer, mentir, à aimer, être jalouse, avide de travail. Elle évolue. C’est comme jeter en pâture l’innocence incarnée au monstre qu’est la réalité.
Ce film retrace la construction d’une grande artiste. Une construction qui passe par l’exigence et le travail acharné. Mais également par la destruction de soi, la remise en question des valeurs inculquées depuis toujours. Ce n’est pas seulement la naissance d’une artiste, d’une danseuse, d’une créatrice que l’on suit, c’est également celle d’une femme. De la femme qu’elle est réellement. Elle devra, pour se trouver, s’exiler de son pays, de sa famille, de sa passion première, pour en découvrir une nouvelle, que sera la véritable. Polina raconte que non seulement le travail porte toujours ses fruits mais que pour devenir soi, il faut savoir se chercher et se trouver. Ne pas avoir peur de s’extirper de toutes les règles.
Ici, tout est apte au superlatif. Les acteurs sont grandioses. Anastasia Shevtsova, son visage constamment filmé en gros plan, ses longs bras, ses si fines jambes qui dansent si parfaitement. Juliette Binoche, son regard, son sourire, le moment où elle entreprend une chorégraphie, enfin débarrassée du carcan qu’est son gros sweat informe, est superbe. Et puis, Niels Schneider. Il joue avec une telle intensité, il y a cette espèce d’intemporalité dans son jeu qui crée des moments hors du temps lorsqu’il apparaît à l’écran. Les chorégraphies sont elles aussi grandioses. Tantôt classiques, tantôt contemporaines, toujours belles et émouvantes.
Polina est un harmonieux duo entre deux arts, le cinéma et la danse. Pour le premier, comme pour le second, même si les techniques ne sont pas toujours connues du spectateur, la forme et le tout créent un moment superbe. Polina c’est l’amour du beau, l’amour de l’art, enveloppé d’un message fort ; savoir travailler, beaucoup, et accepter de se connaître jusqu’au bout de soi, afin de se trouver, vraiment.
Polina, de Valérie Müller et Angelin Preljocaj – Sortie le 16 novembre 2016
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