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Critique : Plaire, Aimer et Courir Vite

Cannes, ce n’est pas que des films encore un peu obscurs pour le grand public qui ne peut pas le voir. Ce sont aussi des sorties en simultanée.

Cette année, c’est le cas du film d’ouverture, Everybody Knows et de celui de clôture, le très attendu Don Quichotte de Terry Gilliam. C’est aussi celui de Plaire, Aimer et Courir Vite de Christophe Honoré.

 

LA CRITIQUE

Arthur (Vincent Lacoste) a 22 ans, il est un peu arrogant, un peu insouciant, définitivement charmant. Jacques (Pierre Deladonchamps), la trentaine, est un écrivain, un auteur un peu cynique, plus soucieux. Il est malade, on ne l’apprend pas de suite, il est plus grave. Il est l’aimé, celui dont on ne tombe pas sous le charme, il est celui dont on tombe amoureux. Il est séduisant, grand, fin, celui dont on pourrait écrire « aux allures de dandy », il n’est pas toujours juste, pas toujours sympathique, un peu capricieux, totalement délicieux. Nous sommes Arthur, nous sommes subjugués par Jacques, sa culture et ses mots. Arthur est Breton, il vit à Rennes et il lit beaucoup. Jacques vit à Paris, dans son appartement, vivent un jour sur deux, son fils, Loulou et juste au-dessus, son meilleur ami, Mathieu (Denis Podalydès).

Leur histoire d’amour ne peut pas durer, elle est condamnée par la maladie, par le Sida. Ils la vivront quand même, à coups de téléphone et de lettres. De rares baisers car trop rares rencontres. Arthur est le dernier amant de Jacques, Jacques est le premier aimé d’Arthur.

Arthur est drôle, il est léger, mais pas tout à fait. Il est séduisant, il s’amuse, il rit, il jouit. Il démarre sa vie, avec ses opinions, ses idées – incroyable tirade sur le canapé – Jacques est un peu plus détruit, il est le plus âgé. Nous aussi aimant apprendre, nous l’écoutons, c’est vrai qu’il nous donne envie de prendre des notes. Il parle bien – remarquez, Arthur aussi, il parle bien – et leurs échanges sont savoureux, vraiment savoureux : nous les savourons, on s’en délecte, on les aime, on en sourit, parfois même on en rit, ils sont stimulants, leurs échanges. C’est d’ailleurs ici que réside le meilleur du film : dans ses dialogues.

Christophe Honoré rend hommage à de nombreuses figures culturelles, littéraires, cinématographiques et musicales. Il érige une liste, on y trouve, Koltès, Guibert, Huppert, et autres cinéastes, moultes noms de poètes… Et ce qui est amusant, c’est qu’il est évident qu’il est, lui, notre Truffaut. Notre idole à nous.

Christophe Honoré est l’emblème, l’unique, il est celui qui donne de l’espoir, celui qui charme, celui qui nous rend un peu plus vivants. Ses dialogues, sa mise en scène, son film tout entier est un « accélérateur de vie ». Les émotions y sont grandes, fortes, nobles et dignes. Il est toujours dans le vrai, dans la sincérité, jamais dans les bons sentiments qui nous feraient pleurer pour de mauvaises raisons. Ce film reste en nous les heures, les jours qui suivent. Comme toujours, une phrase, deux ou trois restent. Elles enrichissent le panthéon de ces citations qui nous font réfléchir ou sourire. Cette ligne, « des baisers parisiens sur votre peau demi-sel. » Cette phrase « Promettez-moi, mon cher ami, d’apprendre à salir la beauté. » Elles nous font comprendre, réaliser ce que l’expression « apprendre par cœur veut dire », il s‘agit de ces mots qui, nous touchant si fort résonnent en nous et se logent dans notre cœur, alors ils sont appris, par cœur. Sans oublier, l’évidence, les regards, les gestes de ces deux acteurs – voire de ces trois, car Denis Polalydès est extrêmement touchant, lui aussi, il est, dans le film, un peu l’oublié, le mis de côté, on ne lui parle pas forcément bien –

Des ces deux acteurs, donc. Pierre Deladonchamps et Vincent Lacoste, une alchimie certaine, une sensualité délicate, une romance brutale, un plaisir de les regarder s’aimer avec humour. Car il faut l’écrire, ce film n’est pas seulement une tragique histoire d’amour, non, il est, malgré la noirceur de son sujet, une sorte de comédie. Certaines phrases, situations, positions, regards échangés, certains choix dans le montage, pleins de mimiques, de visages, de regards, de légèreté sont drôles.

Plaire, aimer et courir vite, prix à Cannes ou non, ne sera pas oublié par ses spectateurs, Christophe Honoré signe une nouvelle très belle romance, Vincent Lacoste est comme toujours charmant, à la fois grave et léger, il plaît, il est définitivement acteur, – c’est ce qu’on se dit après chacun de ses films, depuis dix ans, déjà. Pierre Deladonchamps est l’évidence. C’est lui Jacques, et pas un autre.

Plaire Aimer et Courir Vite, de Christophe Honoré – Sortie le 9 mai 2018

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