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Critique : Les Traducteurs

Présenté au Festival des Arcs où nous l’avons découvert, Les Traducteurs sort ce mercredi dans les salles. Le nouveau film de Regis Roinsard après Populaire (2012) rassemble Olga Kurylenko et Lambert Wilson.

 

LA CRITIQUE

Annoncé comme l’un des projets ambitieux venant de l’hexagone pour le début d’année 2020, Les Traducteurs propose un thriller d’ampleur européenne puisque son casting regroupe des comédiens venant de part et d’autre du continent. Ils incarnent une série de traducteurs professionnels qui se retrouvent enfermés dans un bunker pendant 2 mois pour permettre à un futur bestseller d’avoir une sortie mondiale dans 9 langues différentes. Manque de bol : à peine la traduction commencée, des pages commencent à fuir sur le net et une demande de rançon tombe très vite…

Peu de temps après A Couteaux Tirés de Rian Johnson et en attendant la future adaptation de Mort sur le Nil par Kenneth Brannagh, le Whodunit semble revivre de plus bel, et voici qu’on s’y remet aussi chez nous. Un projet louable, d’autant que sa promesse internationale a fière allure avec une série de comédiens confirmés ou prometteurs, Lambert Wilson étant accompagnés par Olga Kurylenko et Sara Giraudeau, mais aussi le jeune anglais Alex Lawther (The End of the F***ing World), Riccardo Scamarcio (l’Italien au regard de braise vu aussi bien chez Sorrentino que dans John Wick 2) ou encore l’espagnol Eduardo Noriega (les premiers Amenabar, L’Echine du Diable…).
La bonne surprise, c’est l’utilisation de leurs langues respectives durant certaines scènes du film.
Evidemment, tout ce beau monde baragouine Français et la langue de Molière reste la plus prisée pour que tous se comprennent, mais leurs identités culturelles sont prises en compte, y compris pour se moquer les uns des autres durant les quelques scènes de camaraderie, avec quelques clichés joyeusement balancés par Frédéric Chau, qui n’a pas l’air de vouloir sortir du registre de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu. Certains vous diront que c’est pour lutter contre le racisme de l’intérieur, mais c’est un autre débat, et voir certains personnages changer de langue pour comploter les uns contre les autres donne du cachet à l’ensemble.

Il faut bien le dire : l’univers du film peut sembler difficile à gober au premier abord, avec ses 9 personnages enfermés quelque peu contre leur gré sous terre pendant 2 mois, sans aucune communication vers l’extérieur. Mais on est en Macronie, et on peut faire passer plein de choses dans les petites lignes d’un contrat signé trop vite !
Faisons abstraction de cet aspect un peu gros car il en résulte une vraie idée de thriller et de whodunit, avec ce microcosme à la fois luxueux et malsain, que n’auraient pas renié un Chuck Palahniuk, et peut-être même Agatha Christie.

Tout le projet est de remanier le genre dans un angle un peu différent, la résolution du meurtre devenant celle d’une exfiltration de texte dans un environnement ultra contrôlé, où il est apriori impossible de faire sortir une seule ligne. Si le cadre présenté et les nombreux personnages facilement caractérisés correspondent aux codes du genre, et semblent offrir des conditions idéales pour y dérouler une mécanique infernale, le film montre très vite qu’il ne va pas jouer selon les règles…

Outre passant eux même l’aire de jeu qu’ils se sont imposé, les scénaristes trouvent le moyen au bout d’une heure de film de donner un premier élément massif de réponse au mystère principal, qui sort totalement du cadre posé. Un coup de chapeau magique que le spectateur n’a aucun moyen d’anticiper, puisqu’il n’a aucune carte dans son jeu le préparant à ça, l’excluant totalement du processus réflexif faisant le sel du genre. Il n’y a rien de pire pour en flinguer la dimension ludique centrale et donner au public la sensation de se faire balader au gré des envies d’un scénario qui va tomber dans une suite de révélations abracadabrantesques, dont certaines sont en plus prévisibles pour quiconque observe le temps de présence de chacun.

Dans le jeu de chat et de souris restant, les comédiens se démènent pour meubler un récit qui atténue lui-même ses enjeux et reste trop obnubilé par ses mécaniques pour faire vraiment exister son univers, et la dimension littéraire qui sert de prétexte. Dimension qui aurait pu être beaucoup plus présente dans les mystères du film, au même titre que les allers-retours entre les différentes langues, qui restent sans doute trop cosmétiques.
Il faut dire que le casting n’est pas toujours en forme, en témoigne un Lambert Wilson assez poussif par moment, ou une Olga Kurylenko qui a décidément bien du mal à nous convaincre au fil de ses prestations. Pour leur défense, les archétypes proposés en début d’intrigue peinent à être approfondis, et tournent tous en rond…

Vous pensiez jouer à un Cluedo un peu original et européen ?
Si le film de Régis Roinsard ne ment pas sur son cadre géographique et culturel, il peine à l’intégrer pleinement aux règles de son propre jeu, qu’il bafoue lui-même en retournant soudainement le plateau au beau milieu de son déroulement !
Et si on suit scrupuleusement le manuel, ça s’appelle de la triche et ça fout surtout la partie en l’air…

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