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Critique : Le Vent se Lève

Les choses ont pas mal bougé du coté du studio Ghibli ces dernières années. L’idée était de confier des projets à de jeunes réalisateurs tout en laissant les ainés les superviser. C’est ainsi que naquit notamment La Colline aux Coquelicots.

Puis Hayao Miyazaki a annoncé sa retraite. La vraie cette fois. Il a admis être désormais trop lent. Il y a eu quatre ans entre Le Chateau Ambulant et Ponyo et il aura fallu cinq ans pour terminer Le Vent se Lève. Le réalisateur avait-il anticipé ce départ en mettant en place la nouvelle stratégie de son studio ?

Ce qui est sûr, c’est qu’on pourra encore le croiser au sein de Ghibli et que son talent planera sur la génération suivante. En attendant, il livre un dernier film d’une grande beauté.

 

Le vent se lève!… Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!

– Paul Valery.

Ce sont les derniers vers du poème Le Cimetière Marin qui serviront de titre et d’inspiration à Hayao Miyazaki pour son nouveau film. Le dernier. C’est un sentiment étrange quand on a suivi la carrière du réalisateur, parcours sans la moindre fausse note. Après des débuts remarquables (la série Sherlock Holmes quand même, mais aussi Lupin ou du travail d’animation pour Isao Takahata), Miyazaki a enchainé les long métrages de haute tenue. De Nausicaa à Kaze Tachinu, il n’y a eu que des films que l’on peut qualifier d’excellents à absolument parfaits. C’est sans doute un cas unique dans l’histoire de l’animation et Le Vent Se Lève ne vient pas trahir cette règle. Le film est, une nouvelle fois, très différent des précédents mais est un merveilleux point final à la brillante carrière du maître.

Ce 11e film d’animation est sans doute le plus adulte. Dans Le Vent se Lève, le réalisateur évoque l’amour et la mort comme jamais auparavant. Pour cela, il choisit de raconter la vie d’un ingénieur japonais, Jiro Horikoshi. Né en 1903 à Fujioka, Horikoshi était depuis tout jeune un passionné d’aviation. Il construira le bombardier de chasse Mitsubishi A6M, un avion de guerre utilisé pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Pour ce biopic, car c’est bien ce dont il s’agit, Hayao Miyazaki choisit de se focaliser non pas sur la guerre mais sur l’homme. On découvre donc pour commencer Horikoshi rêvant de gros avions (au sens littéral, le film comportant plusieurs séquences oniriques) pour le suivre à différentes étapes de sa vie.
En 1923, alors qu’il n’est encore qu’adolescent, le futur ingénieur survit au séisme qui ravagea la plaine de Kanto. Il y fera la rencontre d’une jeune fille qu’il reverra quelques années plus tard et qui bouleversera son existence.

En choisissant l’humain par dessus tout, mais sans oublier au passage d’évoquer la construction d’avions à travers des séquences explicatives très bien trouvées, Hayao Miyazaki livre un film tout en douceur, dont la première partie est résolument calme avec de nombreux passages à la limite du contemplatif comme seuls les Japonais savent le faire. Puis vient le drame, le séisme, véritable scène de kaiju ega où un monstre invisible gronde et ravage une région. La scène est aussi courte que d’une intensité rare. Elle est d’autant plus importante que c’est au milieu de ce drame que Jiro va rencontrer la fameuse jeune fille… Et c’est aussi à ce moment-là que les vers de Paul Valery seront cités en français dans les dialogues pour la première fois.

« Le Vent se Lève, il faut tenter de vivre » n’est pas une citation prise à la légère parce que le co-fondateur du studio Ghibli l’a trouvée sympathique. Elle est le cœur même d’un film, résolument joli et coloré mais où va finir par planer, souffler, l’ombre de la mort. Le vent y a une place importante. Il en a toujours eu une chez Miyazaki qui, dans ses précédents films, n’hésitait pas faire flotter les vêtements et les cheveux de ses personnages. Ici, il souffle à chaque moment important de la vie du héros. Et puis, plus simplement, que serait l’aviation moderne sans le vent ?
Le film évoque, la vie, la mort, la guerre et beaucoup d’autres choses encore. Mais surtout, il est avant tout l’histoire d’un homme et d’une femme, sublime histoire d’amour magnifiée par le génie narratif du réalisateur de Mon Voisin Totoro. Ou plus clairement : vous allez découvrir sans doute la plus belle histoire d’amour jamais contée dans un film d’animation. Certaines séquences entre Jiro et sa compagne sont à la fois simple et d’une intensité rare.

Toute sa force repose donc sur cette apparente simplicité cachant en fait de vrais thèmes provoquant des émotions fortes, à l’image d’une scène où Jiro et sa compagne s’amusent avec des avions en papier. Et on ne peut s’empêcher de penser aux réactions des Japonais, le film se déroulant majoritairement dans un pays en reconstruction.
Contrairement à des réalisations plus légères ou d’avantage tout public, Le Vent se Lève est donc d’abord un long métrage pour les adultes. Une nouvelle preuve qui nous vient du Japon pour démontrer que ce n’est pas une technique seulement destinée aux plus jeunes.
Après un début tout en douceur, que certains qualifieront de lent, le film monte en puissance à travers ses thèmes et les émotions qu’il dégage. On en dira pas d’avantage tant il faut le découvrir en en sachant le moins possible. Du grand, du très grand cinéma.

Et quand le générique de fin arrive à l’écran, on ne peut s’empêcher de laisser couler nos larmes. Parce qu’on vient de voir un magnifique dessin animé et parce que ce sera le dernier. Comme beaucoup de gens, j’ai découvert Hayao Miyazaki d’abord sans le savoir à travers les séries auxquelles il a collaboré puis quand Disney a eu la bonne idée d’en devenir le distributeur en sortant Princesse Mononoke sur les écrans français. La suite est aussi évidente que le coup de foudre pour l’œuvre d’un réalisateur capable de tout raconter. Qu’il s’agisse d’une petite fille et son chat sur un balai, de gamines courant après des noireaudes dans une maison à la campagne, d’un ingénieur construisant des avions, d’un château dans le ciel peuplé de créatures mécaniques ou d’une fille masquée sur le dos d’un loup.

Alors pour tout cela, et bien plus encore : « どうもありがとうございます »

 

Le Vent se Lève – Sortie le 22 janvier 2014
Réalisé par Hayao Miyazaki
Avec les voix originales de Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetoshi Nishijima
Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde.
Le Vent se lève raconte une grande partie de sa vie et dépeint les événements historiques clés qui ont profondément influencé le cours de son existence, dont le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon. Jiro connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec son collègue Honjo. Inventeur extraordinaire, il fera entrer l’aviation dans une ère nouvelle.

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