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Critique : Le Dernier Duel

Jusqu’en 1386, le duel judiciaire était une pratique courante en France. En cas de litige ou de conflit entre deux parties, celles-ci s’affrontaient en duel jusqu’à ce que Dieu décide du vainqueur. C’est le combat entre Jacques Le Gris et Jean de Carrouges derrière le prieuré de Saint Martin des Champs à Paris qui fut le dernier. C’est aussi le sujet du film de Ridley Scott, écrit par Ben Affleck et Matt Damon avec Nicole Holofcener.

Découpé en plusieurs actes, Le Dernier Duel raconte la relation entre Le Gris (Adam Driver) et Carrouges (Matt Damon). Ce dernier épouse Marguerite (Jodie Comer) et tout se passe à peu près normalement quand on est palfreniers au Moyen Age. Jusqu’à ce que Le Gris agresse et viole la femme de Carrouges. Le drame les opposera jusqu’au duel, remettant le jugement à Dieu.

Celui qui a commencé sa carrière avec les Duellistes semblait tout trouvé pour raconter l’histoire du Dernier Duel, d’autant que Ridley Scott n’en est pas à son coup d’essai en matière de film en costume. On peut reprocher des choses à Robin des Bois ou à Kingdom of Heaven mais jamais le soin apporté à la reconstitution et à la mise en scène. Ce long-métrage-ci ne fait pas exception. La réalisation est impeccable et les libertés prisent avec la réalité historique (le film a été tourné vers Bordeaux mais se déroule en Normandie, le lieu du duel a été déplacé…) ne choquent pas. Et si le Dernier Duel ressemble beaucoup à un drame avant tout, il contient quelques petites scènes de batailles très bien troussées. La bagarre finale est, elle, tout ce qu’on peut en attendre : un mélange audacieux et malin de combats historiques et de brutalité. On peut reprocher quelques errances de carrières par-ci par-là au réalisateur mais à 83 ans, le bougre a encore une sacrée bouteille.

Ce qui différencie Le Dernier Duel des autres longs métrages de Ridley Scott est sa construction. L’histoire va être racontée trois fois. D’abord du point de vue du mari, Jean de Carrouges, puis du point de vue du violeur et enfin du point de vue de la victime. Tout y a de l’importance. Du jeu des acteurs aux détails montrés différemment d’une scène à l’autre. Le mari se décrit comme un homme aimant et protecteur, l’agresseur comme un amoureux transi qui pête les plombes. Puis arrive la victime, et l’on comprend au panneau affiché à l’écran que c’est elle qui dit la vérité. Si la réalité historique est plus floue, les scénaristes prennent parti, considérant que Marguerite de Carrouges a bien été violée par Jacques le Gris. Jodie Comer, découverte par l’auteur de ces lignes dans Free Guy, est éblouissante de talent. Son personnage nous permet de voir le vrai visage des deux hommes qui vont s’affronter, l’un étant en réalité un conjoint rustre et peu aimant, bien ancré dans son époque, et l’autre est un joyeux drille qui pense pouvoir tout obtenir d’une femme et qui vire violent quand ce n’est pas le cas.

Evidemment, il faut voir dans cet affrontement un film post-MeToo et résolument féministe. Le personnage de Jodie Comer est le coeur de l’intrigue, une femme coincée dans son époque qui fait tout ce qu’elle peut pour tirer son épingle du jeu. La relecture moderne n’en rend le résultat que plus réjouissant.

S’il n’a pas la flamboyance d’un Gladiator, le Dernier Duel est quand même un grand film. Ses personnages, ses acteurs et actrices, son « production design » aux petits oignons en fond un des meilleurs Ridley Scott de ses dernières années. Et dire que dans moins de deux mois le réalisateur reviendra avec quelque chose de complètement différent, House of Gucci…

Le Dernier Duel, de Ridley Scott – Sortie en salles le 13 octobre 2021

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