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Critique : Kong Skull Island
Deuxième volet du « MonsterVerse » après Godzilla, et avant Godzilla King of Monsters de Michael Dougherty et Godzilla vs King Kong prévu pour 2020, le célèbre singe a droit à son origin story.
Sa huitième apparition à l’écran a été confiée à Jordan Vogt-Roberts derrière la caméra et à Tom Hiddleston, Brie Larson, Samuel L. Jackson, John Goodman et plein d’autres encore devant. Mais le gorille a-t-il encore bonne mine ?
LA CRITIQUE
Comme tout un tas de studios en quête de la poule aux oeufs d’or, Warner Bros veut monter un univers partagé à la Avengers en se basant sur des monstres géants. Le Godzilla de Gareth Edwards en a été le premier volet. Pour que le monstre japonais puisse trouver un adversaire à sa taille dans un prochain film, il fallait introduire à nouveau l’autre créature géante culte du cinéma : King Kong. Mais le problème est de taille (!) puisqu’il a déjà bénéficié de deux chefs d’oeuvres, un réalisé en 1933 et son incroyable remake datant de 2005 par Peter Jackson (et aussi d’une version datant de la fin des années 70 avec Jessica Lange et Jeff Bridges, mais bon…).
Pour éviter la comparaison, le réalisateur Jordan Vogt-Roberts et sa multitude de scénaristes tentent une nouvelle histoire. Un groupe de scientifiques accompagnés par des militaires, un pisteur/aventurier et une photographe partent cartographier une île que les satellites récemment lancés dans l’espace (nous sommes dans les années 70, Neil Armstrong a marché sur la Lune il y a peu) ont découverte. Deux des membres de l’expédition viennent de l’organisation Monarch -déjà citée dans Godzilla- et espèrent prouver l’existence de créatures géantes. Dit comme ça, le scénario ressemble à ces prédécesseurs mais les rebondissements sur la fameuse île apporteront un nouveau regard, d’autant plus que le retour à New York et le final célèbre sur l’Empire State Building n’est aucunement évoqué.
Le problème, c’est que Vogt-Roberts n’est ni Peter Jackson ni le duo Schoedsack/Cooper. Le réalisateur de King of Summer tente des choses mais tout ne fonctionne pas. Le montage de Richard Pearson est parfois foutraque, avec des transitions sorties d’un chapeau et des plans insérés sans logique. Quand au réalisateur, il s’est manifestement retrouvé devant un bac à sable géant, tentant tout et n’importe quoi et son contraire. Certaines séquences sont particulièrement réussies, d’autres beaucoup moins. Des ralentis sont utilisés parfois mais pas toujours. Il y a quelques bonnes idées dont un final, pas mal inspiré du combat contre le T-Rex dans la version de Jackson, qui tient la route. Ca n’en est pas moins le foutoir.
L’écriture est aussi bancale. Se focalisant sur les péripéties, les différents scénaristes ont oublié qu’il fallait aussi écrire des personnages. Certes, ils sont une bonne douzaine dont la majorité va mourir rapidement mais est-ce une raison pour les mettre sur le bas coté à ce point ? Le personnage de Tom Hiddleston, au demeurant parfait dans le rôle de l’aventurier à la Indiana Jones, est introduit comme ayant quelque chose à raconter mais on ne saura jamais quoi. Celui de Brie Larson tente de proposer autre chose que la potiche sauvée par le grand singe sans jamais y parvenir. Reste ceux de Samuel L. Jackson et John C. Reilly, effectivement correctement travaillés. On citera en passant Jing Tian, bientôt à l’affiche de la suite de Pacific Rim, et qui ne sert qu’à de la figuration.
Pourtant, malgré ses défauts évidents, Kong Skull Island se regarde avec plaisir. La bonne idée vient principalement de la tonalité du film, qui se veut comme un gros divertissement s’inspirant d’avantage du remake de 1974 que des autres versions. Il pioche des idées dans les romans pulp du début du vingtième siècle, insufflant une légèreté surprenante, et fait d’avantage penser au Monde Perdu d’Arthur Conan Doyle qu’aux précédents cinématographiques. Qui plus est, Vogt-Roberts immerge son film dans la musique rock des années 70 avec pour notre plus grand plaisir des tubes de Creedence Clearwater Revival ou Jefferson Airplane. Le réalisateur cite ouvertement Apocalypse Now, sa source d’inspiration principal, mais aussi Evangelion et Sans Visage du Voyage de Chihiro. Excusez du peu.
Il faut prendre Kong Skull Island pour ce qu’il est : un gros divertissement qui tache (à 190 millions de dollars quand même, certes), un film qui ne cherche jamais à se prendre au sérieux ni à rivaliser avec ses ainés. Cette tonalité risque néanmoins d’être un problème pour la suite. Elle est beaucoup trop éloignée de Godzilla, et la scène post-générique bien sérieuse montre que les deux sont incompatibles. Quoiqu’il en soit, on n’en est pas encore là. Pour le moment, il s’agit de s’amuser au cinéma, ce qui n’est pas si mal.
Kong Skull Island, de Jordan Vogt-Roberts – Au cinéma le 8 mars 2017