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Critique : Jay & Silent Bob Reboot
Après deux films canadiens, Tusk et Yoga Hosers, Kevin Smith revient à ses personnages fétiches. Celui qui nous avait envisagé un troisième volet à Clerks voir une suite à Mallrats a finalement rebooté l’aventure de Jay & Silent Bob à Hollywood. Sorti brièvement en salles aux USA, le film sera disponible le 20 janvier prochain dans les bacs anglais dans une version sous-titrée français.
LA CRITIQUE
Jay et Bob Contre-Attaquent sortait sur les écrans américains il y a dix neuf ans (!), en août 2001. En France, il aura fallu plus de dix huit mois pour découvrir le film, qui n’eut qu’une distribution confidentielle. Autant dire que les aficionados du View Askewniverse (un univers partagé -déjà- dans lequel certains personnages dont les héros du titre étaient communs) faisaient déjà tourner sous le manteau des copies pirates du film de Kevin Smith. Vingt cinq ans après le premier Clerks, Jay et Bob reviennent dans une aventure qui ressemble à la précédente – et sans aucune date de sortie française.
Souvenez-vous : en 2001, les deux glandeurs du New Jersey allaient à Hollywood pour empêcher de faire un film sur leurs alter ego superhéroïque. Ils finissaient par affronter Mark Hamill pour mieux rentrer chez eux.
En 2020, ils découvrent que le réalisateur Kevin Smith (sic) va rebooter leur histoire. Et une fois avoir compris ce qu’était un reboot (le même film que l’original mais en retirant la substance tout en faisant en sorte de gagner plus de pognon, en gros), ils retournent à Hollywood pour empêcher à nouveau la production de se faire. Sauf que la route n’est plus la même.
Dans le film précédent, Smith se moquait gentiment des adaptations et offrait surtout un hilarant long métrage à ses deux personnages fétiches jusque là secondaires. Le réalisateur est ensuite parti à la dérive avec des commandes (le gentillet Top Cops) ou des films incompréhensibles (Tusk). C’est pourtant quand il fait de la comédie potache et vulgaire qu’il est au meilleur. Avec ce reboot, et alors qu’Hollywood n’est plus que ça, il a un boulevard devant lui pour s’éclater. Ce qu’il fait, puisqu’on rigole toujours autant avec cette nouvelle aventure. Les gags sont dans la veine de ceux que vous connaissez et si les fesses de Jason Mewes ne vous font pas marrer, vous pouvez passer votre chemin.
Blindé de références, multipliant le fanservice jusqu’au sein de son propre univers (le film boucle Dogma et Chasing Amy), Kevin Smith s’amuse et fait venir tous ses potes. « Reboot » est ultra meta et chaque second rôle est une référence ou quelqu’un de connu. Même Ben Affleck, avec qui le réalisateur était en froid, est de retour dans le rôle d’Holden McNeil. Tout ne fonctionne pas toujours (Carrie Fisher manque cruellement et la scène avec Matt Damon est intégrée aux forceps) mais difficile ne pas prendre le même plaisir que le réalisateur, qui finit par se mettre en scène lui-même, dans ce joyeux bordel.
Là où le bat blesse, c’est que Smith se moque des reboots et des franchises en … y plongeant à pieds joints. Certes, l’histoire du film se veut différente mais quand elle l’est elle devient insignifiante (le climax est peu intéressant). Et quand elle ne l’est pas, difficile d’y voir une critique. Le propos est donc à moitié à coté de sa plaque.
Mais Jay & Silent Bob Reboot fonctionne quand même, par contre, en se voulant plus mature. Kevin Smith a toujours parlé de lui à travers ses longs métrages (et là il le fait frontalement, évoqué sa perte de poids suite à son accident cardiaque) mais il passe ici la seconde en mettant la parentalité au coeur de son histoire. C’était déjà le sujet, il y a quelques années, du très chouette Jersey Girl mais sa fille Harley Quinn Smith a désormais vingt ans, soit à peu près l’âge qui sépare le film de son prédécesseur, il semblait donc normal pour le réalisateur de la mettre au cœur de l’intrigue, en en faisant plus ou moins le successeur de Jay. Et comme dans dans les précédents longs métrages de son univers, c’est quand il cherche à mettre du coeur au milieu d’une comédie salace qu’il parvient à nous toucher. Ce qu’il fait d’ailleurs en recollant les morceaux, expliquant que vos enfants sont en quelque sorte les reboots de vous-même pour la nouvelle génération.
Avec ce nouveau Jay & Silent Bob, Kevin Smith se moque gentiment. De lui-même, de ses personnages, d’Hollywood et même un peu de l’inclusivité. Le propos ne va jamais bien loin mais difficile d’imaginer plus de la part de celui qui a été un des premiers à mettre sur pied un des fameux univers partagés, de celui qui remplit son compte en banque en réalisant des épisodes de séries super héroïques (Flash et Supergirl) et mange à tous les râteliers quand il s’agit de tourner autour des comics. Pour autant le réalisateur et scénariste continue de nous faire marrer, nous qui vieillissons avec lui. Et ce n’est déjà pas si mal.
Jay & Silent Bob Reboot, de Kevin Smith – Sortie le 20 janvier en DVD (USA et Angleterre)