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Critique : Good Kill

Ce n’est pas parce qu’un film regroupant une panoplie de super héros en capes et armures sort sur les écrans ce mercredi qu’il faut bouder le reste.

Faut-il par exemple bouder le nouveau film du réalisateur de Bienvenue à Gattaca porté par un comédien ayant excellé aussi bien dans Boyhood que dans Predestination ? Faut-il aller voir Good Kill en salles ce mercredi ?

 

LA CRITIQUE

En s’emparant du sujet des drones américains survolant les théâtres d’opération en Irak, Andrew Niccol pensait-il pouvoir prendre de la hauteur vis-à-vis de son actuelle traversée du désert ? Le réalisateur néozélandais plébiscité pour Bienvenue à Gattaca, S1m0ne et Lord of War au début des années 2000 a perdu de sa superbe depuis son retour difficile derrière la caméra après six années d’absence des plateaux. Les échecs successifs de Time Out et de l’adaptation des Âmes vagabondes l’ont poussé vers une zone dangereuse. Niccol ne trouve plus alors que des petites boîtes de production comme Voltage Pictures pour financer son dernier projet : celui d’un pilote de drones qui en a marre de son travail et veut retrouver les sensations qu’il ressentait dans le cockpit de son F-16.

Sujet à la fois passionnant et pertinent à l’heure de l’image des guerres menées par les États-Unis qui se dématérialisent de plus en plus, autant par le recrutement parmi les joueurs de jeu-vidéo de combats que le pilotage de drones à des milliers de kilomètres de l’Irak. Connaissant le réalisateur de Lord of War, Good Kill était devenu un projet très attirant, d’autant plus qu’il se situait à l’opposé du brillantissime American Sniper de Clint Eastwood sur sa vision de la guerre moderne.

Or, les premiers signes de faiblesse apparaissent très vite. L’ouverture et l’exposition se révèlent très laborieuses, alors qu’Andrew Niccol est plutôt réputé comme un fin connaisseur pour établir aisément auprès du spectateur l’univers de ses long-métrages. L’empathie a du mal à se créer avec le personnage apathique d’Ethan Hawke qui doit (normalement) finir par s’opposer à ce système de combat déshumanisant. Il résume bien sa situation ubuesque à un caissier d’une supérette, lui avouant qu’il à tuer, dans la journée, plusieurs talibans au Moyen-Orient et qu’il rentre chez lui faire un barbecue avec sa famille et ses amis. Good Kill affiche très clairement ses ambitions de dénoncer une nouvelle forme de guerre, déshumanisante par son caractère virtuel de la distance posée entre les deux adversaires.

Malheureusement, Andrew Niccol rate le coche systématiquement. Cherchant à développer un trauma intérieur chez son personnage principal qui devrait le pousser à renoncer à continuer le combat, le réalisateur en oublie de le traduire en actes.

Ethan Hawke incarne un ancien pilote de chasse qui se rêve de reprendre les commandes d’un appareil à plusieurs millions de dollars. Ce sentiment s’apparentera plus à une nostalgie qu’à une addiction à l’adrénaline de la prise de risque, comme cela avait pu être développé dans Démineurs (avec qui Good Kill partage les mêmes producteurs). Enchaînant les missions à travers des écrans d’un box climatisé au milieu du désert du Nevada, le mal être du vétéran est aisément perceptible, bien qu’il exécute les mêmes ordres que s’il était véritablement en vol. Son supérieur le tient avec la promesse de retrouver le ciel, mais la situation s’envenime lorsque une nouvelle série de mission sera transmise, non plus par l’armée de l’air, mais par la CIA. Les bureaucrates de Langley qui n’existeront qu’à travers une voix au téléphone pousseront le militaire à transgresser les règles du combat en n’hésitant pas à prendre des civils pour cible.

Alors que l’on s’attend à un refus d’obéir de la part du personnage principal, celui-ci rechigne mais continue son travail sans sourciller. Dans ce cas, on ne comprend plus pourquoi Ethan Hawke poursuit son travail étant donné que toutes les conditions pour qu’il arrête sont réunies.

Ce sentiment d’indécision se retrouve dans sa vie familiale anecdotique. Il est dommage qu’Andrew Niccol ait cédé à la facilité en engageant January Jones pour reprendre à l’identique son rôle de Betty Draper de la série Mad Men. Même jeu, mêmes mimiques, l’actrice ne propose rien de plus de ce qu’elle présentait déjà dans la série télévisée d’AMC. L’évolution de la relation du couple se révèlera complètement chaotique. La plupart de ses retournements seront sans aucune logique. Il en sera de même des liens qu’il entretient avec sa collègue incarnée par Zoë Kravitz. Seule cette dernière et Bruce Greenwood montrent un véritable engagement dans leur jeu, même si Greenwood semble ne pas savoir ce qu’il fait dans cette galère.

Le dénouement de Good Kill sera du même acabit, en trahissant en plus toute la réflexion sur laquelle il partait au départ. L’aboutissement du parcours d’un personnage inerte qui n’ose jamais prendre de décision et ne fait que subir. Tout le talent d’Ethan Hawke ne parviendra pas à lui donner plus de consistance. Même si son film possède quelques bonnes idées (le rêve dans le F-16 ou retourner la position du pilote qui regarde son propre ciel en quête d’y trouver un drone), Andrew Niccol est finalement comme son personnage principal : il ne prend jamais l’occasion de les exploiter au bon moment ou de les explorer un minimum et rend un long-métrage fade et vain, sans aspérité ni prise formelle de position sur la guerre.

 

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