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Nous avons eu la chance de voir Alerte Rouge, le nouveau film de Pixar, sur grand écran en présence de la réalisatrice Domee Shi (que nous avions déjà rencontré, voir ici) et de sa productrice Lindsey Collins. La projection était suivi d’un échange, où nous avons pu parler de l’influence des anime japonais sur le résultat.
Pouvez-vous nous parler de votre inspiration pour le film et de votre évolution depuis Bao ?
Domee Shi : Comme vous l’avez dit, Alerte Rouge est un peu le successeur spirituel de Bao. C’est aussi une histoire de famille, cette fois entre une mère et sa fille. Je voulais faire un film pour mon moi de 13 ans, pour lui montrer à quoi à s’attendre, entre les émotions exacerbées ou l’augmentation inattendue de la pilosité. D’autant que tout le monde passe par là.
Quelles recherches avez-vous fait ? Et comment votre expérience de mère a servi au film ?
Lindsey Collins : Etre une mère est ma recherche. J’ai trois ados à la maison et les observer m’a beaucoup aidé. J’ai aussi pioché en moi, pour le coté protectrice.
J’avais adoré Bao. Tout le monde à Pixar attendait Domi sur un long-métrage, et j’étais prête à la supplier pour le produire.
Pourquoi avoir choisi un panda rouge comme métaphore des changements de l’adolescence ?
D.S : Je voulais faire une histoire sur une « puberté magique » et le premier animal qui m’est venu, étrangement, était le panda roux. Je trouve que c’est un animal sous-représenté dans les médias. Ils sont poilus, bizarres et surtout ils sont rouges. Le rouge est la couleur de la puberté, des règles, de la colère, de l’embarras… C’était donc l’animal parfait.
C’est un film féministe. C’était important que les gens à la tête du film soient des femmes ?
L.C : Ce n’était pas volontaire mais en avançant dans le projet on s’est rendu compte que les postes clefs étaient occupés par des femmes
Rétrospectivement, avoir des femmes à la tête du projet nous a permis de faire ce qu’on voulait. Aucun homme n’est venu nous remettre en question, on a pu être plus audacieuses, plus farfelues.
Comment avez-vous conçu le premier « boys band » de l’histoire de Pixar ?
D.S : Qui n’a pas envie de créer son propre boys band ? C’était à la base une plaisanterie et un petit rôle. Mais on a réalisé qu’aller à un concert de son groupe préféré est un passage obligé pour une jeune ado. On a donc amplifié le rôle, et les personnages ont plu à tout le monde au studio.
On a demandé à Billie Eilish de nous écrire trois chansons : l’une pour booster la confiance des héroïnes, une autre était une balade et la troisième devait nous rester en tête. Seulement trois chansons parce que nous n’avions pas le budget pour plus !
Pouvez-vous parler de la sororité entre les filles ? Et de l’énergie du personnage d’Abby ?
D.S : La sororité vient de moi, et de mes copines quand j’étais ado. Je n’ai pas de frères et soeurs, donc j’ai trouvé ce que je cherchais chez mes amis.
L’énergie d’Abby vient d’une amie coréenne à moi que je connais depuis longtemps avec une énorme voix. C’est d’ailleurs elle qui a fait le doublage, elle s’appelle Hyein Park.
Pourquoi avoir choisi de faire se dérouler le film il y a vingt ans ?
L.C : C’est très déprimant pour moi de l’admettre mais Domi avait 13 ans en 2002 donc le choix s’est fait naturellement.
On voulait aussi faire une histoire dans les réseaux sociaux, qui auraient surement changé la donne. A cette époque, il n’y avait que la famille et les copains.
Et pouvez-vous évoquer vos influences pop culturelles ? Des kaiju ? Ranma 1/2 ?
D.S : Vous avez complètement raison. J’aime autant l’animation américaine que les productions asiatiques. J’aime Disney, Warner Bros autant que les anime. Ca se ressent dans le film, ce mélange des influences, autant dans le personnage principal qui est Chinoise au Canada mais aussi dans l’ambiance, la réalisation, le choix des couleurs. Je voulais une palette de couleurs qui rappelle Ranma 1/2 ou Sailor Moon.
Vos parents asiatiques ont du attendre de vous que vous soyez une doctoresse ou un avocat, surtout si vous êtes fille unique. Comment ont-ils pris votre parcours ?
D.S : Mes parents n’étaient pas vraiment comme ça. Ils voulaient que j’ai un travail qui me plaise et ils m’auraient soutenu. Mais je leur ai vendu mon futur métier : chez Disney, on a une sécurité sociale, une retraite et d’autres avantages. Ils ont naturellement attendu de moi que je devienne la meilleure animatrice de chez Disney.
Je suis allé au Sheridan College au Canada, qui a un programme dédié à l’animation. Et qui est beaucoup moins cher que CalArts !
Comment l’histoire a-t-elle évoluée au fur et à mesure de la production ?
L.C : elle a beaucoup changé et c’est normal. Depuis le départ, les personnages étaient là. Tout autour a changé, de leur environnement à ce qui se passait. On a changé des choses parfois drastiquement après huit projections sur les quatre ans de production. Mais on n’a jamais oublié l’humour, ce qui arrive pourtant assez souvent dans ce genre de projet.
D.S : je me souviens, étudiante, refaire mes projets un million de fois et me sentir perdue. Mais la boussole dans ce genre de cas, c’est le personnage principal. Il faut le définir, sa personnalité, ce qu’il veut. L’intrigue évoluera mais le personnage sera votre guide jusqu’au résultat final.
Alerte Rouge, de Domee Shi – Disponible sur Disney+ le 11 mars 2022