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Un Dimanche, Une Critique : Les Sentiers de la Gloire

Après son premier papier sur Tempête de Boulettes Géantes, Jean-Philippe confirme sa place de « rédacteur du dimanche » avec une 2e critique.

Cette fois, point d’animation mais un vrai film sorti en 1957 et réalisé par Stanley Kubrick avec l’excellent Kirk Doublas dans le rôle principal, le tout d’après le livre d’Humphrey Cobb sorti en 1935.

Vous l’avez sans doute deviné. Ce Un Dimanche, Une Critique du 27 novembre est consacré aux Sentiers de la Gloire.

 

 

Les Sentiers de la Gloire – 1957 mais sorti en France le 26 mars 1975
Réalisé par Stanley Kubrick (1957)
1916. Les fantassins français croupissent dans les tranchées face à une position allemande réputée imprenable. Tout assaut serait suicidaire. Pourtant, en vue d’obtenir une étoile de plus à son uniforme, le général Mireau ordonne une attaque. Décidé à protéger ses hommes, le colonel Dax s’y oppose avant de plier sous le chantage. Comme prévu, c’est l’échec total. Avant même d’avoir atteint les barbelés adverses, les fantassins sont repoussés par les bombardements ennemis. Niant l’absurdité de sa stratégie, le général Mireau réclame, à titre d’exemple, l’exécution publique de trois de ses soldats accusés de lâcheté.

 

Interdit en France pendant près de 18 ans car réputé attentatoire à la dignité de l’armée française, Les Sentiers de la Gloire est une œuvre riche, moderne, passionnante, révoltante et terriblement amère.

Reprenant l’affaire des Caporaux de Souain, l’histoire s’attarde sur un fait dramatique. En 1916, en pleine guerres des tranchées, le général Mireau (Georges McReady) pousse des centaines de soldats dans l’attaque d’une position stratégique ennemie imprenable dans le but de monter en grade. Mais c’est un véritable carnage: une grande partie des forces françaises est décimée avant même d’avoir franchi leur propres barbelés tandis que certains ne peuvent même pas sortir des tranchées à cause des bombardements. Face à cet échec cuisant pourtant prévisible, le furieux général Mireau ordonne de faire fusiller les lâches. Mais le colonel Dax (Kirk Douglas, magnifique) tempère la folie du général et obtient de faire choisir 3 soldats au hasard, qui seront fusillés pour l’exemple. Dax se chargera de défendre les soldats dans une parodie de procès où l’issue semble jouée d’avance…

Les Sentiers de la Gloire n’est pas un film de guerre. C’est un film SUR la guerre. Ici pas de mise en avant de faits d’armes héroïques ou spectaculaires. La guerre sert ici de décor au réel propos du film. Les allemands sont à proprement parler invisibles durant tout le métrage. Il n’y a d’ailleurs que deux scènes de guerre en tout et pour tout: une scène d’infiltration nocturne toute en tension; et l’assaut de la Fourmillière, filmée de manière majestueuse par Kubrick.

C’est d’ailleurs une constante du film: une maitrise impressionnante de la mise en scène, que ce soit ce mythique travelling arrière sur le colonel Dax parcourant les tranchées (et ces explosions en arrière plan), cette scène d’ouverture où la caméra semble « danser » avec les deux personnages en discussion (allant de l’un à l’autre d’une façon libre mais bien calculée), ou encore avec ces travelling latéraux lors de l’assaut d’une précision hallucinante (ou le génie de Kubrick nous fait voir le détail qu’il veut nous faire voir, même dans des plans larges, c’est assez impressionnant). Le film est une merveille visuelle, et sa mise en scène très moderne pour un film de 1957.

Un mot rapide sur l’utilisation de la musique: elle est tout bonnement quasi absente (hormis l’ouverture du film avec La Marseillaise, une scène de bal), ce qui confère au long métrage une ambiance froide et réaliste.

Mais il faut bien comprendre que la cible de Kubrick ici n’est pas les soldats allemands, ni même les soldats français. Le cinéaste s’attaque à l’absurdité de la guerre elle même et des méthodes de l’armée. Aidé par un scénario simple mais en béton et des dialogues piquants et savoureux, le film dévoile toute sa force dans son dernier acte. Le spectateur fait face à une honteuse parodie de procès, une ronde d’hypocrisie et de lâcheté régie par un système judiciaire rigide fustigeant les simples soldats tout en placant la hiérarchie sur piédestal. Le colonel Dax chargé de la défense des 3 « accusés » (pourtant de bons soldats irréprochables) à beau étaler l’illégitimité d’un tel procès, rien n’y fait.

Même à l’heure actuelle, une telle scène provoque chez le spectateur un profond sentiment d’injustice et haine, le scandalise et fait le propos du film, soulignant l’aberration de tout un système.

Agé de 29 ans lors de la sortie du long métrage, Stanley Kubrick cristallise ici déjà ses thèmes récurrents et livre une oeuvre magistrale sur l’absurdité de la guerre. Les Sentiers de la Gloire est un film passionnant, pessimiste mais qui laisse une conclusion très touchante dans un final (la scène du bar, ceux qui l’ont vu comprendront) où l’on passe de l’horreur et l’incompréhension à une fin d’une profonde humanité, salvatrice.

Je ne peux que vous encourager à le regarder, une oeuvre terriblement moderne et secouante, qui reste encore aujourd’hui d’actualité et n’a rien perdu de son côté percutant.

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