Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Un Dimanche, Une Critique : L’Emprise, de Sidney J. Furie

Chaque dimanche, on vous propose quelque chose de différent. Après un dessin animé japonais ou un blockbuster français adapté d’une bande dessiné, voici aujourd’hui notre critique d’un film sorti en 1981 et réalisé par Sidney J. Furie : L’Emprise.
Si vous l’avez-vu, n’hésitez pas à venir en parler dans les commentaires.

The Entity (L’Emprise) (1981)
Réalisé par Sidney J. Furie, avec Barbara Hershey, Ron Silver, David Labiosa.
Synopsis: Carla Moran est une mère de famille qui vit avec ses trois enfants dans la banlieue de Los Angeles. Un soir de semaine, elle est brusquement agressée et violée par une entité invisible. Les attaques commencent alors à augmenter tant en fréquence qu’en intensité malgré les multiples tentatives de Carla pour se débarrasser de son mystérieux agresseur…

Le paranormal et la parapsychologie sont des sujets relativement complexes et difficiles à traiter au cinéma lorsqu’on ne se situe pas dans une optique purement documentaire. Quelle part laisser au paranormal, quelle part accorder au rationnel? Après tout, sans rationalité le spectateur occidental risque d’être bien vite perdu, voire même déçu, de ne pas retrouver ses repères et ses marques. The Entity ne nous emmène pas en terrain inconnu: tout le monde a déjà entendu parler de phénomènes paranormaux, quoiqu’affublés de l’étiquette « surnaturel » depuis assez récemment seulement. Dans son apparente simplicité formelle et substancielle, le film soulève et met en exergue quelques problèmes relatifs au rapport de l’humain à ce qu’il ne comprend pas ou ce qu’il ne peut contrôler.

Sur le plan purement technique d’abord, Sidney J. Furie ne nous propose rien de spécialement remarquable, sa réalisation est sobre et assez efficace pour ce genre de production dite horrifique mais on est à mille lieues de la virtuosité d’un Kubrick ou de la maîtrise d’un Sam Raimi. Les scènes de viol, cependant, tendent à mesure que le film avance à devenir de plus en plus insupportables, notamment la dernière qui tétanise tant la performance toute en justesse et sobriété de Barbara Hershey fait froid dans le dos. La fréquence de ces scènes est quant à elle à la fois une force, car elle créé un effet crescendo et nourrit la tension, et une faiblesse du métrage, car elle entraîne inévitablement un effet de répétition lassant. Le jeu des acteurs adultes est clairement un des points forts du film, bien entendu grâce à Hershey qui porte l’histoire sur ses épaules.

Du côté des déceptions, Furie se permet parfois des ellipses un peu gênantes quant à la narration, et la musique est franchement pompeuse par moments. Les deux fillettes ne savent pas jouer la comédie. Ajoutons également que son approche du paranormal est assise entre deux chaises: la première moitié du film joue sans complexe la carte de l’irrationnel et de l’indicible, de l’indescriptible pour l’être humain, alors que l’entrée en scène des para psychologues entraînent inexplicablement une démystification du phénomène grâce à l’utilisation d’effets visuels totalement déplacés.

L’aspect le plus intéressant du film réside en son fond, qui même si à première vue ne dépasse pas une banale histoire d’entité surnaturelle, s’attaque à des questions sur lesquelles on peut longuement s’attarder. Pour faire un rapide tour d’horizon, on retiendra d’abord l’angoisse permanente ressentie par l’héroïne, ce sentiment de n’être jamais à l’abri et surtout d’être seule face à l’adversité. La mise en scène d’un phénomène paranormal illustre parfaitement la situation plus terre-à-terre de certains individus, à savoir l’impression d’être en marge d’une société qui ne comprend pas leur situation. Les seuls rapports s’approchant alors vaguement de l’aide sont ceux qu’elle entretient avec les psychiatres, qui ne voient en elle qu’un sujet d’étude, et en profitent d’ailleurs pour étaler leur vomi freudien sur la table et se féliciter de leur omniscience aux allures d’auto-satisfaction intellectuelle. À cet égard, on appréciera l’intégration de nuances dans le traitement des personnages, notamment celui du docteur Sneiderman, qui fait preuve d’une réelle volonté d’aider Carla Moran mais qui s’en empêche lui-même en désurnaturalisant la situation.

Dans la même optique, si Furie a bien réussi quelque chose sur le plan de sa réalisation, c’est aussi de nous faire voir le monde à travers les yeux de la victime, et ainsi d’observer le pouvoir de la peur et de l’auto-suggestion sur la perception de la réalité. Pour finir, une autre scène qui m’a semblé pertinente est celle où Carla se fait abuser par l’entité et atteint l’orgasme pendant son sommeil. Le dégoût qu’elle exprime en se réveillant et sa réaction à postériori donne un très bon exemple de l’emprise que peut avoir le plaisir sexuel sur la volonté de l’humain. L’homme serait-il condamné à la concupiscence?

Vous ne verrez pas un classique de l’horreur en vous installant devant cette production, mais il est fort possible que vous voyiez un bon film, tout simplement. The Entity n’est un film effrayant que par extension, parce que c’est l’idée, la possibilité, aussi infime soit-elle dans ce monde de la raison qu’une telle situation puisse se produire, qui fait remonter ce léger frisson le long de votre dos. Si un jour vous regardez ce film, ne récupérez pas votre incrédulité dès le générique de fin, et posez-vous la question un instant: que faire si ça m’arrivait?

Voir les commentairesFermer

Laisser un commentaire