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Un Dimanche, Une Critique : Aux Frontières de l’Aube
Sur CloneWeb on sait être opportuniste. Jugez plutôt : les vampires ont le vent en poupe et le monde entier vient de (re)découvrir la récemment oscarisée Kathryn Bigelow. Et bien banco, Un Dimanche, Une Critique vous combine les deux en se consacrant cette semaine à un de ses premiers films : Aux Frontières de l’aube (en VO Near Dark). Mais notre opportunisme a ses limites car ici pas question de vampire métrosexuel des années 2000 et pas besoin non plus qu’on nous fasse un film sur la guerre en Irak pour qu’on repère le talent et l’intelligence de Lady K.
Aux Frontières de l’Aube – Sortie le 9 novembre 1988
Réalisé par Kathryn Bigelow
Avec Adrian Pasdar, Jenny Wright, Lance Henriksen
Une nuit, Caleb, un jeune fermier de l’Oklahoma, rencontre la belle Mae. Fasciné, il tente de la séduire et obtient d’elle un baiser qui devient une morsure. Ce contact va entraîner Caleb dans le monde des compagnons de Mae, des vampires. Il devra apprendre à tuer pour s’abreuver du sang de ses victimes.
Near Dark sort en 1987 aux USA, avec un casting constituée de la team Cameron pré Titanic : Bill Paxton, Jenette Goldstein, Lance Herriksen, Adam Greenberg (directeur de la photo sur les deux Terminator, excusez du peu). Ne manque que Michael Biehn, « remplacé » ici par un impeccable Adrian « Jim Profit » Pasdar. Pour finir, une BO planante et inquiétante concoctée par Tangerine Dream.
L’histoire servira de matrice au futur Point Break : un jeune homme bien sous tous rapports va rejoindre un groupe de marginaux et découvrir un nouveau monde de sensations extrêmes, tour à tour violentes et passionnées. Caleb (Adrian Pasdar) se fait mordre une nuit par Mae (Jenny Wright) et devient ainsi condamné à vivre avec son étrange famille d’adoption qui voyage en camping car et voitures volées, sortant la nuit à la recherche de proies pour assouvir leur soif de sang. Mais afin de pouvoir vraiment prétendre faire partie du groupe, Caleb doit tuer de ses propres dents une victime pour se nourrir lui même et ne plus dépendre de Mae…

Loin du petit film obscur sympatoche isolé, Near Dark a bel et bien contribué à une nouvelle esthétique du vampire durant la charnière fin des années 80-début des années 90, à mille lieues du suceur de sang Gucci aux abdos saillants. Le look marginal punk est également présent dans le Lost Boys de Schumacher, sorti deux mois avant. Et la cultissime bd Preacher de Garth Ennis et Steve Dillon, western moderne intégrera dans sa galerie de personnages un vampire à la filiation évidente, dans un Texas poussièreux fait de motels et de dinners anonymes.
Le cinéma sensoriel de Bigelow est le catalyseur idéal pour mettre en images le sous texte sexuel véhiculé par le mythe du vampire. Le voeu de mort et la pulsion sexuelle sont constamment entremêlés (une thématique récurrente chez la réalisatrice, à ce titre je ne saurai trop vous conseiller l’excellent dossier en trois parties sur louvreuse.net). Et l’expérience/la découverte est à la fois source de danger et de promesse d’accéder à un état supérieur. Johnny Utah était le digne successeur de Bodhi dans Point Break parce qu’il comprenait réellement ce que ressentait son mentor en termes de communion avec les vagues qu’il surfait, le flot d’énergie qu’elles représentaient. Dans Near Dark, cette énergie, cet état supérieur, c’est dans la nuit qu’on peut les trouver. Et c’est ce que Caleb finira par saisir aux côtés d’une Mae qui cherchait à l’initier depuis le début.
Nuit superbement filmée au demeurant, grâce à la photo impeccable de Greenberg, qui vient épauler sans faillir Bigelow lors des 3 moments de bravoure du film : l’assaut d’un motel de jour où chaque balle transperçant un mur fait entrer un rayon de lumière fatal aux vampires retranchés à l’intérieur, un duel face à un camion citerne des plus Terminatoresque et enfin un ultime affrontement au soleil ayant recours à des ralentis hérités de Cameron. Citons également cette longue scène dans un bar miteux où le groupe décime une par une leurs victimes.

Bigelow, en fan ultime de La Horde Sauvage de Peckinpah, distille de façon judicieuse des éléments de western pour iconiser de façon pertinente ses personnages, mais sans jamais pour autant faire basculer la structure de son film dans le genre. Elle met ainsi à profit l’iconographie du Texas, entre modernité (les bars, stations services, motels, voitures) et mythe immuable (Caleb sur son cheval, Severin et ses éperons, le face à face dans la grande rue).
Une œuvre cohérente, annonciatrice d’une filmo réfléchie, influente (vous aimez True Blood ? Son créateur, Alan Ball, considère que Near Dark est le meilleur film de vampires jamais réalisé), à l’imagerie puissante sans être rentre-dedans, qu’attendez vous pour la découvrir ?
– Basile
2 Comments
par Vladkergan
Il s’agit en effet d’un film de vampire à la photographie extrêmement réussie, qui rompait (comme Génération Perdue quelques mois auparavant) avec l’image proprette des vampires tel qu’ils apparaissaient jusque-là dans le cinéma.
Et au final Kathryn Bigelow réalise un film à la tension omniprésente, servit par des acteurs pour le moins convaincants, le tout sous les auspices du western modernisé.
Un oeuvre furieusement originale qui fit date et qui reste un des films de vampires les plus originaux et les mieux fichus de ces 30 dernières années : http://blog.vampirisme.com/vampire/?160-bigelow-kathryn-aux-frontieres-de-l-aube-1987
par kdace
Je ne connaissais pas, mais cette critique me donne envie de le voir