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She-Ra : Rencontre avec Noelle Stevenson

En 2011, Noelle Stevenson se faisait remarquer pour son interprétation hipster des personnages du Seigneur des Anneaux sur Tumblr. Depuis elle a écrit pour Marvel (The Runaways, Thor), remporté plein de prix pour ses propres BDs dont deux Eisner Award pour Lumberjanes et Nimona (qui sera bientôt un long métrage réalisé par Patrick Osborne). Et elle est à la tête du reboot de She-Ra pour Dreamworks et Netflix.

Autour d’un thé, sous le soleil d’Annecy, nous avons longuement discuté. De son adaptation du matériel original, de Musclor et du fait que sa série est l’un des dessins animés les plus inclusifs du moment. Et nous avons aussi évoqué ce que la série peut apporter aux spectatrices.

La troisième saison de She-Ra sera sur Netflix le 2 août prochain.

 

Comment est né votre reboot de She-Ra ?
Dreamworks a les droits des personnages. Ma productrice, Beth Cannon, cherchait quelqu’un pour travailler sur She-Ra et aimait mes comics. Elle m’a contacté pour que je prépare un pitch, ce que j’ai fait. J’ai ensuite écrit l’épisode pilote et la bible de référence, puis j’ai été embauchée en tant que productrice exécutive.
Netflix a ensuite commandé une première saison, et j’en ai pitché une seconde. Et nous voilà.

Vous êtiez fan de la série originale ?
Pour être honnête, je n’ai pas grandi avec She-Ra. J’ai commencé à l’aimer quand j’étais adulte. Je travaillais dans l’animation depuis quelques années, entourée de gens qui aimaient le monde des Maitres de l’Univers. Dans Wander Over Yonder [Wander, en VF], on a fait deux ou trois épisodes en hommage, dont un que j’ai écrit. Ca m’a donné envie d’en savoir plus, je me suis plongée dedans. Et c’était le bon moment pour.

C’est votre premier gros projet animé. C’était difficile ?
Oui, c’est très différent du monde des comics. Il ne faut pas seulement prendre des décisions créatives mais il faut aussi diriger une équipe, ce qui est nouveau pour moi. C’est aussi inédit que gratifiant, d’autant que ça me permet de travailler avec une équipe formidable, qui échange beaucoup. On grandit ensemble.

Vous avez pris des éléments de la série d’origine et d’autres ont été modifiées. Comment ces choix ont été faits ?
Mon approche a été de voir la série originale comme une grand boite à jouets où je pouvais piocher. Prendre un personnage et le reconstruire.
Prenez Catra, par exemple. Elle était la némésis d’Adora, elle en était très jalouse mais ça n’allait pas au-delà. Si elles avaient grandi ensemble dans la « fright zone » [le rocher de la peur, en VF], pourquoi n’avaient-elles pas de réelle connexion ? Elles ne s’étaient même pas rencontrées. On a construit sur ces questions pour la nouvelle version pour ensuite s’éloigner car la série doit être originale, se tenir toute seule.
L’un de mes épisodes favoris de la série originale, « Des fleurs pour Hordak », résume tout ce que j’aime à propos de la première série : un méchant robotique capture une princesse des fleurs. Et elle décore son antre maléfique de tellement de fleurs qu’il finit par craquer et la rendre aux Princesses lui-même. Elle rendait les choses trop « girly » pour lui. C’est tout ce que j’adore. J’ai beaucoup pioché dans cet épisode pour construire la mythologie de ma série. C’est notamment de là que vient le « grenat noir » [l’un des cristaux qui donne à Shadow Weaver/Ténébra ses pouvoirs].

La notion d’identité secrète de She-Ra a disparu de la nouvelle série. Pourquoi ?
Dans mon pitch original et même dans les premiers brouillons de scénario, j’avais gardé cette identité secrète. Je voulais vraiment l’intégrer mais je me suis retrouvée confrontée à différents problèmes logistiques.
Le premier, c’est qu’Adora doit porter en permanence l’épée très large de She-Ra et quelqu’un aurait fini par la reconnaitre. La série originale ne s’est pas posée la question, ou les personnages n’étaient pas très malins. Dans un épisode où elle était emprisonnée, elle se transforme, écarte les barreaux, tabasse tout le monde puis retourne en cellule. Ce n’était pas très malin.
Et puis, elle devrait mentir à ses meilleures ami(e)s. Enfin, s’il y a des épisodes où ça fonctionnerait, pour d’autres Adora aurait du passer pour la lâche de service parce qu’elle aurait abandonné les combats.
Au final, ça nous donnait plus de problèmes qu’autre chose. On a donc décidé de faire de She-Ra plus comme [elle réfléchit] une combinaison, une armure qu’elle n’aurait pas complètement compris comment mettre jusqu’à présent. Ca semblait parfait pour notre version de l’histoire.

Allez-vous développer la relation avec Eternia et Musclor dans les prochains épisodes ?
Nous n’avons pas les droits ni pour Musclor ni pour certains personnages des Maitres de l’Univers. Je pense que c’est à cause du film que prépare Sony, parce que les producteurs veulent que ça soit deux choses bien séparées. Ca nous va pour notre série.
Adora vient d’une autre dimension. C’était donc bien de glisser des références à ses origines, à ses parents mais pas de s’y plonger. On a développé une mythologie plus indépendante que dans les séries originales, mais qui contient des indices pour ceux qui savent chercher.
Beaucoup de choses arrivent et feront références aux Maitres de l’Univers sans pour autant aller sur Eternia.

She-Ra est une série très inclusive. Est-ce Legend of Korra  qui a ouvert la voie ?
Legend of Korra, Adventure Time et Steven Universe nous ont beaucoup aidé. Chaque fois que quelqu’un fait un petit pas dans la bonne direction, ça nous aide à aller plus loin. Chaque fois qu’une série réussit, elle aide toutes les autres. Le fait d’être inclusif n’est pas courant dans l’animation jeunesse mais c’est formidable qu’on puisse l’être. J’espère que She-Ra sera une pierre angulaire pour la série suivante.
Il y a plein de gens formidables qui ont bien travaillé pour que le sujet avance.

Votre série apporte beaucoup aux filles qui la regardent…
Je voulais vraiment faire une série pour les filles, pour les petites filles.  Beaucoup de spectatrices découvrent l’univers pour la première fois, et je voulais que ça leur parle encore plus à elles qu’aux fans des Maitres de l’Univers.
J’avais mes idées de ce qu’une série pour filles peut être. Je trouve que beaucoup de séries s’imposent des limites, qu’elles viennent des créateurs ou des producteurs, dans ce que doivent aimer ou pas les filles. On définit pour elles. Doivent-elles avoir de beaux cheveux longs ? Porter du maquillage ? Être mince ? Je voulais créer un monde qui soit rose, arc-en-ciel, étincelant … sans pour autant rabaisser le public. Les filles s’intéressent tout aussi bien aux batailles spatiales, aux robots… et veulent aussi pouvoir s’y identifier. C’était mon but : ne pas rougir de l’aspect girly, tout en montrant un monde avec ses mystères et ses méchants et qui résonne en nous.

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Quand j’ai commencé la série, j’ai voulu explorer les forces des femmes mais aussi leur coté vulnérable. Et je me suis inspiré de ma propre expérience, en tant que femme dans l’industrie du divertissement. Je savais que je pouvais faire ce job et que ce ne serait pas simple. Ce qu’on requiert des femmes, et même si elles y arrivent, est très intense.
La série a été inspirée de son propre processus de fabrication. Il y a beaucoup de jeunes femmes dans l’équipe, qui sont à leurs postes pour la première fois. C’était la première fois pour la directrice artistique, la responsable du scénario, pour la réalisatrice… On a du se faire confiance, se soutenir, travailler ensemble, se pardonner. Beaucoup de personnages sont donc inspirés de l’équipe technique. Parfois on a écrit un personnage autour d’une membre de l’équipe et parfois l’inverse. On a un storyboarder qui s’est reconnu dans Entrapta, il est donc venu me voir avec des idées pour « son » personnage. Ça nous a donné l’opportunité de développer le personnage à un niveau inattendu. Swift Wind aussi est inspiré d’un membre de notre équipe, tout le temps joyeuse à chanter et à faire des câlins.
L’inspiration vient donc de tout ça : un peu de moi, un peu d’eux et un peu de mon entourage. On a mis beaucoup de nous dans cette série.

Geena Davis rejoint le casting. Parlez-moi d’elle.
Mon Dieu, elle est incroyable ! Elle est grande, magnifique, géniale. C’est une femme « badass » en vrai. Je suis super contente qu’on puisse travailler avec elle. Le premier jour d’enregistrement, elle nous a montré comment tirer à l’arc ! Et puis ma compagne et moi partageons des pendentifs Thelma et Louise, alors…

Vous avez déjà la fin de la série en tête ?
Quand j’ai pitché la série pour la première fois, j’ai pitch un arc narratif entier avec une fin. Beaucoup de choses ont évolué, les personnages ont changé, certaines éléments sont partis dans des directions pas prévues. Mais on savait où on allait, au moins pour les personnages.

Quel est votre premier souvenir d’animation ?
Mon premier souvenir en salles, c’était le Prince d’Égypte. C’est toujours l’un de mes films préférés. Mais je ne regardais pas beaucoup de séries animées, car mes parents étaient très religieux. Je me souviens par contre que j’adorais dessiner, depuis toute petite. Et voir des dessins qui bougent, ça m’a transporté et ça m’a donné des envies pour la suite. Je savais que je voulais travailler dans l’animation. Et maintenant je vis un rêve éveillé.

Quel est votre film d’animation préféré ?
Le Prince d’Égypte. Je le revois une fois par an.

Votre série du dimanche matin idéale ?
Quand j’étais petite : Scooby-doo. J’en ai vu chaque version. Mes parents étaient stricts mais Scooby-doo passait, ce qui est étonnant vu que les adultes y mentent et que les enfants sont confrontés à des monstres. C’était une série qui avait ses limites techniques mais ça a défini son coté iconique.

Le film Nimona, adapté de votre bande dessinée, est toujours d’actualité ?
Oui. Le film sortira en 2021. J’en suis productrice exécutive, j’ai aidé sur différents aspects et je suis toujours impliquée. Le film sera magnifique.

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