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Etrange Festival #2 : The Neighbor, The Bodyguard, La Region Salvaje
Etrange Festival, deuxième !
Le festival bat son plein au Forum des Images depuis déjà quelques jours et nous y avons enchainé les séances pour découvrir six longs métrages dont on vous parle ci-dessous. Il était également possible d’y découvrir quelques titres découverts à Neuchatel : Bad Cat, Jeeg Robot, Trash Fire et We Are The Flesh (Tenemos la Carne)
Dark Circus (2016) de Julia Ostertag
Parfois dans les festivals il y a des moments un peu gênants, et l’Etrange n’y échappe pas.
Imaginez une réalisatrice venue présenter la deuxième projection publique mondiale d’un film qu’elle a produit, écrit et mis en scène durant plusieurs années de sa vie avec toute la meilleure volonté du monde. Et imaginez que le film ne soit pas recommandable en quoi que ce soit.
Alors oui, Dark Circus, qui conte l’histoire d’une jeune femme entrant dans une sorte de culte fantastique pour sortir de la torpeur de sa vie avant de tomber dans un cercle infernal de déviance, est loin d’être mal intentionné. Pourtant, difficile d’en dire du bien tant tout sent l’amateurisme à des kilomètres, entre un jeu d’acteurs aux fraises, une image cheap toute droit sortie d’un appareil photo numérique bas de gamme, un montage qui fait ce qu’il peut pour cacher la misère et surtout, un récit qui n’avance pas d’un iota durant le film et qui peine à atteindre ses objectifs en étant jamais aussi gothique et transgressif que promis, surtout à l’aube d’une morale cul-cul la praline.
En gros : soyez vous-même. Ça valait bien un film gothique, même McDonalds prône le même slogan.
On en ressort avec la sensation d’être devant l’œuvre d’une ancienne adolescente émo qui aurait mis 15 ans à pondre dans son coin l’histoire imaginée durant son jeune âge.
Au final, il n’y a pas grand-chose pour nous sortir de notre torpeur devant le résultat, et il est évident que c’est malheureusement tirer sur l’ambulance que de reprocher quoi que ce soit à cette minuscule production toute fragile. Alors on peut prendre le sens inverse, et se dire que malgré bien des difficultés et une gestation sans doute folklorique et fauchée, Julia Ostertag a fait son long-métrage, et qu’elle a même réussi à le diffuser dans un festival à Paris !
Dans le fond, n’est-ce pas là l’essentiel ?
Baby Bump (2015) de Kuba Czekaj
L’Etrange Festival s’est toujours fait l’étendard des productions les plus bizarres venues des 4 coins de la planète, et Baby Bump en est un énième exemple édifiant. Cette production polonaise suit les pérégrinations d’un pré-adolescent un peu paumé, qui commence à regarder sa mère autrement, à dealer son urine à l’école pour les tests anti-drogues et à avoir une fixette sur ses oreilles décollées.
Que ce soit dans son esthétique kitsch/pop aux couleurs parfois criardes, dans certains procédés de mise en scène ultra explicites (vive le split-screen) ou dans le mélange des formats (un personnage animé vient fréquemment pointer le bout de son trait en plus d’occuper la narration en voix-off), le film en fait des caisses pour évoquer l’énorme complexe d’œdipe qui préoccupe son héros et si le tout possède un tempérament bien trempé, une certaine répétition dans les effets et dans le récit crée vite une sorte de lassitude malgré la faible durée de l’ensemble. Une expérience en somme, qui ne démérite pas devant la radicalité de ses choix, mais qui laisse quelque peu sur le carreau par son aspect presque autiste.
La Region Salvaje (2016) de Amat Escalante
La dernière fois qu’on était devant un film d’Amat Escalante, c’était Heli au festival de Cannes et ça nous avait passablement gonflé, ce qui n’était pas la chose la plus engageante pour son dernier né La Region Salvaje. Les idées reçues ont la vie dure puisqu’il aurait été bien dommage de rater un tel film, qui démarre avec une bonne demi-heure d’exposition assez classique où l’on suit le destin d’un trio de personnages au Mexique avec aspect social bien appuyé. La surprise vient par la suite avec l’apparition d’un élément fantastique suggéré rapidement au début, et qui va pousser le récit dans une exploration des pulsions sexuelles de tout ce beau monde en bouleversant leur quotidien et leurs vies. Si le film ne quitte jamais son aspect « réaliste », c’est pour mieux nous envoyer en pleine poire de sulfureuses visions, où la nature reprend ses droits sur chacun. A ce petit jeu, le film offre quelques tableaux saisissants, quand il ne fonce pas dans un concept frappadingue et saisissant que n’aurait pas renié Andrzej Zulawski, avec ici beaucoup plus de tendresse et de moyens. Et quand on remet la chose en question à plat et qu’on réalise combien elle n’est jamais ridicule à l’écran, on se rend compte du talent d’Escalante, qui n’a pas froid aux yeux et parvient à emballer une atmosphère envoûtante malgré un récit qui meuble un peu trop superficiellement par instant.
The Bodyguard (2016) de Yue Song
Il était une fois le formidable destin de Yue Song, ici Acteur/Scénariste/producteur/réalisateur chinois qui a humblement décidé de mettre sur pied le « meilleur film d’arts martiaux de l’histoire du cinéma » ! Au moins, il a le mérite de croire en ses rêves et son ambition d’être le nouveau Bruce Lee n’est qu’un énième détail au portrait tout en finesse de cet homme dont l’entraînement ferait passer celui de Rocky 4 pour une promenade de santé !
Sauf que Yue Song, a trop vouloir en faire, ne fait pas forcément les choses très bien ! Le scénario de son film est le cousin attardé du Transporteur, son découpage est souvent des plus approximatifs, sa tenue entre cow-boy steam-punk et Rambo lui confère une allure des plus ridicules et le background de son film à grand coup de mysticisme pro « Iron Fist, Iron Boots » et Iron que sais-je ne brille pas par son originalité. Mais ce serait sans compter sur la ferveur très Iron elle aussi du bougre, qui se met en scène avec la subtilité d’un éléphant dans un magasin de porcelaine dès son générique vétu de métal en fusion et d’explosions. Subtil me direz-vous ? Attendez de voir un humour raffiné quand Mademoiselle juge le barreau de ce monsieur trop gros pour elle (!), la surpuissance de chaque coup qui envoi valdinguer n’importe quel victime dans les bidons ou planches de bois les plus proches, et la surenchère totale du film lorsque le bougre se fout sur la tronche contre littéralement 100 adversaires ! Alors tout y passe : de Shaolin Soccer à Matrix, en passant par les classiques de la Shaw Brothers aux films de Jackie Chan. C’est vrai que quitte à pomper, autant se référer aux meilleurs.
De là à dire que The Bodyguard tient la comparaison, il y a un gouffre, mais ce qui est sûr, c’est que cette entreprise hautement tarée est aussi grandiloquente que cheap, et élève le coup de poing dans la tronche au rang de symphonie. Un nanar en bonne et due forme, qui aura bien fait marrer la salle, y compris Alejandro Jodorowsky, sans doute sensible à cette poésie du poing dans la gueule…
When Geek Meets Serial Killer (2016) de Remus Kam, Chin Pei-Chen & Eric Cheng
Auteur de BD à succès en Malaisie, Eric Cheng a mis la main à la pâte pour porter à l’écran l’une de ses histoires où un dessinateur geek passant ses journées enfermées dans son studio se retrouve par accident avec le cadavre de son meilleur ami sur le dos ! Pas cool la vie, et encore moins quand on doit gérer la maintenance pour se débarrasser de la chose, surtout quand la petite amie envahissante rôde… Si l’ensemble promettait un film décalé et haut en couleurs qui revendiquerait fièrement ses couleurs pop et sa fraîcheur, le souffle retombe très vite en raison d’un rythme en dents de scie qui ne parvient jamais à décoller. Tout est là à la base, entre la situation rigolote, le personnage pas doué et la promesse de bien des galères, mais il se passe finalement bien peu en une heure et demie, et si quelques éléments viennent pimenter le tout, ils ne sont jamais exploités à leur juste valeur.
En ressort un film frustrant car pétri de bonnes intentions mais qui ne parvient jamais à dépasser son concept initial ou même à l’exploiter correctement.
The Neighbor (2016) de Marcus Dunstan
Le nom de Marcus Dunstan ne vous dit peut être rien et pourtant, il est l’un des responsables d’une grande arnaque Hollywoodienne récente. En effet, le bonhomme n’était pas moins que l’un des scénaristes de la saga Saw, de l’épisode 4 au dernier ! Et si cela ne vous suffisait pas, il est également crédité au script de l’immonde Piranha 3DD, la suite miteuse du Alexandre Aja sortie directement en DVD. De là à accorder le moindre espoir dans son nouveau film, il aurait fallu un miracle, lui qui en est à sa troisième réalisation après le diptyque The Collector/The Collection.
Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, il retrouve son compère Patrick Melton au scénario et son acteur fétiche Josh Stewart pour suivre un couple de truands s’apprêtant à plier bagages avant de se rendre compte que le voisin est encore plus chelou qu’il n’en a l’air, surtout si on visite sa cave lugubre de trop près ! De prime abord il n’y a pas grand-chose qui diffère de ses précédents films, si ce n’est qu’ici l’action se situe dans la cambrousse américaine afin d’avoir une belle série de bouseux à l’écran. Et le pire, c’est que ça marche : avec un duo attachant car loin d’être lisse et une sacrée série de gueules au service d’une ambiance crasseuse et brute de décoffrage, The Neighbor est une petite série B très honnête qui ne ment jamais sur sa marchandise joyeusement rock’n roll. On y rend les coups encore plus forts qu’on ne les prend, les victimes ne sont pas toujours celles que l’on croit et la vengeance y est un délice malgré quelques tournants scénaristiques ultra classiques. Rien de révolutionnaire, mais le tout transpire l’amour du genre fait par des sales gosses surexcités, et comme ces derniers font le travail sans encombre, ce serait dommage de bouder son plaisir.