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Critique : Springsteen On Broadway

45 ans de carrière, 300 titres écrits et interprétés, des millions de fans, 19 Grammy, et un Oscar pour Streets of Philadelphia. Que manquait-il à la carrière de Bruce Springsteen ? Un Tony Award spécial pour avoir joué un show particulier à Broadway pendant plus d’un an à raison d’à peu près cinq représentations par semaine.
Après avoir raconté sa vie dans le livre Born To Run sorti en 2017, Bruce Springsteen a choisi les 960 places du Walter Kerr Theatre sur la 48e à Manhattan pour le faire sur scène dans une performance aussi étonnante qu’émouvante. Et forcément riche musicalement.

Filmé avec moults gros plans et beaucoup de sobriété par le réalisateur Thom Zimmy, « Springsteen on Broadway » est l’enregistrement de deux représentations réalisées uniquement pour le portail de vidéos, avec un public invité spécialement. Pendant deux heures trente, et seulement 15 chansons (un comble quand on sait comment le Boss aime les show marathons de plusieurs heures et les enchainements de 30 titres), on va découvrir la vie de celui qui a écrit des titre comme Born in the USA ou Thunder Road.

Avec beaucoup d’une autodérision qui parcourra tout le spectacle, Springsteen commence par expliquer qu’il est une escroquerie. Lui qui a écrit sur les usines, les cols bleus et l’Amérique profonde n’a jamais travaillé de sa vie. Celui qui a écrit Racing in the Streets sur les courses de voiture illégales n’avait à l’époque de la chanson pas le permis. C’est « pour ça qu’il est si bon » explique-t-il en rigolant, comparant sa musique à un tour de magie. Et comme tout bon tour de magie, il faut d’abord un contexte, un décor, pour le comprendre.

Seul sur une scène dépouillée, guitare sèche en main qu’il gratte vaguement pour se donner une contenance, Bruce nous déroule son enfance à Freehold, dans le New Jersey. L’importance de la famille, de la communauté, l’omniprésence de la religion catholique. Il le fait avec beaucoup de sincérité, de pudeur mais aussi avec une touche de lyrisme -normal pour un auteur-compositeur- et beaucoup de talent. On découvre que Springsteen est un conteur, un vrai, pas seulement capable de raconter des histoires en chanson mais aussi de le faire éloigné de son micro sur la mini scène d’un petit théâtre. Si vous avez le Boss en concert, vous savez qu’il donne tout pour le public, cherche à communier avec lui mais n’est pas un très bon communicant. Sur scène habituellement, il donne l’impression d’être un grand timide qui prend sur lui pour s’adresser à la foule. Broadway révèle une autre facette du bonhomme, sa véritable capacité à communiquer une histoire qui force l’empathie.

Toute la première partie du spectacle est consacrée à l’enfance et à la famille. Entrecoupé de superbes titres comme Growin’ Up ou le trop rare My Father’s House issu de l’album Nebraska, Springsteen va surtout évoquer sa relation d’amour-haine avec un père ouvrier, taiseux et dur avec son fils. Il dit dans le spectacle que son paternel a été son héros mais aussi son plus grand ennemi (« My father was my hero and my greatest foe« ). C’était un homme complexe qui se réfugiait dans le noir de la cuisine pour boire et fumer, le soir après l’usine, sans parler à qui que ce soit. Il faudra attendre que Bruce soit un adulte et que son paternel ait un pied dans la tombe pour que les choses finissent par changer.

Entre humour et gravité, Bruce va ensuite évoquer sa mère, ses proches et le spectacle va s’accélérer. De la rencontre avec Ron Kovick, l’auteur de Né Un Quatre Juillet au E-Street Band en passant par son épouse Patti Scialfa qui sera sur scène pour deux titres les yeux dans les yeux, le chanteur nous fait plonger dans ce qu’il a marqué, ce qui justifie sa musique. On retiendra entre autres une version dépouillée de Born in the USA introduite à la guitare douze cordes. Et évidemment un long passage consacré à Clarence Clemons, son saxophoniste disparu en 2011 et son « frère de sang ». Et ce qui avait commencé comme une transposition scénique d’une autobiographie devient peu à peu un moment hors du temps où l’émotion finit par l’emporter tant le bougre sait bien raconter les histoires.

Forcément politique dans son dernier acte, Springsteen on Broadway est comme l’explique son auteur un spectacle pour se reconnecter avec le positif. En ces temps troublés, c’est donc un « Netflix Original » à voir absolument.

NB : la bande-originale du spectacle, qui contient à la fois les textes et les chansons est disponible en CD et numérique. Une version vinyle est prévue pour janvier 2019. Si vous voulez découvrir Bruce Springsteen coté fans, Netflix a également mis en ligne le documentaire Springsteen and I que nous chroniquions ici.

Springsteen on Broadway, de Thom Zimmy – Disponible sur Netflix

 

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