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Critique : Armadillo

Une fois n’est pas coutume, nous sommes allés voir un documentaire mais pas n’importe lequel puisqu’Armadillo a reçu le Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2010.

Son réalisateur, Janus Metz, est tout simplement allé filmer au coeur de la guerre. Ce n’est donc pas une fiction mais bien la réalité des choses en Afghanistan, sans acteurs ni mise en scène.

Armadillo sort le 15 décembre prochain.

Armadillo – Sortie le 15 décembre 2010
Réalisé par Janus Metz
Mads et Daniel sont partis comme soldats pour leur première mission dans la province d’Helmand, en Afghanistan. Leur section est positionnée à Camp Armadillo, sur la ligne de front d’Helmand, où ils vivent des combats violents contre les Talibans. Les soldats sont là pour aider les Afghans, mais à mesure que les combats s’intensifient et que les opérations sont de plus en plus effrayantes, Mads, Daniel et leurs amis deviennent de plus en plus cyniques, creusant le fossé entre eux et les afghans. Les sentiments de méfiance et de paranoïa prennent le relais, causant aliénation et désillusion. Armadillo est un voyage dans l’esprit du soldat, un film exceptionnel qui a pour thème l’histoire mythique de l’homme en guerre.

La guerre en Irak, vous en avez bouffé à la pelle. Conflit over médiatisé durant la dernière décennie, le bourbier dans lequel s’est empêtré l’Amérique a été non seulement repris en long, en large et en travers par les médias d’information mais aussi par le cinéma. Entre Démineurs, Dans La Vallée d’Elah, le récent Green Zone et j’en passe, difficile de ne pas avoir vu un de ces films post 11 septembre décriant ici et là la politique des Etats-Unis ou les difficultés du conflit.
Pourtant, c’est loin d’être le seul lieu d’affrontement pour l’armée US puisque cela fait déjà un moment que l’Afghanistan est un pays instable dont les attentats du World Trade Center n’ont pas arrangés la situation puisque les Américains ont décidés aussi d’aller y faire un tour.
Et avec Armadillo, Janus Metz a décidé de nous plonger au cœur d’une guerre bien plus mystérieuse qu’il n’y paraît.

Suivant le parcours d’un commando de soldats danois fraîchement formé et dont la première mission va être d’opérer sur le front Afghan dans le camp d’Armadillo, le film se pose sous forme de journal de bord en étant proche de ces hommes qui, malgré tout l’entraînement du monde, vont être confrontés à ce qu’ils ne peuvent imaginer.

Au départ optimistes, les jeunes soldats du régiment vont avoir à faire à la dure réalité des choses et au décalage hallucinant qui règne entre eux et le peuple local. Un peuple terrorisé et devant gérer entre les promesses des forces occidentales et la tyrannie imposée par les Talibans dont la suprématie d’un point de vue géographique annihile tout effort pour les danois.
Malgré les tentatives de communications, malgré les échanges et malgré l’entente possible entre les natifs et les forces armées, la réalité rattrape toujours le cours des choses tant toute lueur d’espoir est rapidement anéanti par la terreur orchestré par ces forces invisibles aux yeux des étrangers.

Mine d’informations et passionnante enquête au cœur d’un bourbier dont on ne sait pour ainsi dire quasiment rien, Armadillo dépeint avec une puissance sans précédent la complexité de ce combat et voit ces hommes sombrer dans la paranoïa, leur positivisme laissant rapidement place à l’anxiété, au doute et à la perte d’espoir. Ces hommes sont d’autant plus attachants qu’ils sont encore en quête d’identité et malgré leur dévotion pour leur pays et leur devoir, ils n’ont aucune assurance sur le terrain face à des situations systématiquement complexes : chaque cas est particulier, tout peut tourner au désastre d’un moment à l’autre.

Face à ça, la seule option pour eux est de se créer une carapace pour faire face aux atrocités de cette mission sans fin. Eux qui était venus en voyant la guerre comme une épreuve les poussant à devenir des hommes pour de bon, ils finiront par devoir faire la seule chose possible face à l’horreur de l’attente, à la peur de l’inconnu et à la probabilité que tout peut arriver d’un moment à l’autre : ils finiront par être déshumanisés. C’est une des raisons pour laquelle une guerre pareille n’en finit pas, à savoir le simple fait que les deux camps vivent dans des mondes différents et que l’un ne peut traiter l’autre avec l’humanité suffisante tant le risque est constamment maximal.

Rarement on avait vu au cinéma tous les paradoxes d’un tel conflit aussi bien représentés et à ce niveau là, Armadillo fait preuve d’une pertinence à toute épreuve.
Cette force, le film de Janus Metz le doit à une seule et unique chose : nous n’avons ici pas à faire à du cinéma, mais bien à la réalité.
Quand on rentre dans la salle et que le film démarre sans trop savoir à quoi s’attendre, il faut bien admettre qu’on se pose rapidement la question. Avec une photo sublime et étonnamment travaillée face à des situations d’une crédibilité parfaite, on était en droit de se poser la question si nous avions à faire là à un docu-fiction, à un film… ou à un documentaire.

Et pourtant. Janus Metz et son chef opérateur ont bien suivis ces soldats et aussi dingue que cela puisse paraître, ils les ont suivis constamment et partout.
Cela veut bien dire ce que ça veut dire et du coup, les fusillades et autres scènes de guerre sont toutes aussi authentiques que les soldats suivis ou que les afghans qu’il rencontre.

Véritable tête brûlée, le réalisateur se retrouve donc plongé au cœur de combats réels et parvient à faire l’impensable, à savoir ce pourquoi il est venu : filmer, coûte que coûte.
Il nous plonge donc comme jamais la tête la première au milieu de ces affrontements chaotiques et dans lesquels les balles sont réelles, tout comme les blessés et les morts, tout en gardant le soin de garder sa caméra à porter de main pour témoigner le plus clairement possible.
Face à une telle audace et à un tel courage, on ne compte plus les moments de bravoures, les passages auquel on assiste estomaqués par l’authenticité des images défilant devant nos yeux, tout comme l’on ressent vite le malaise ambiant de chaque rencontre avec les habitants locaux, le sentiment de danger constant, l’alerte chronique.
C’est bien simple : on n’avait jamais vu la guerre d’aussi près.

Avec Armadillo, non seulement Janus Metz se propulse comme le cinéaste le plus couillu de l’année mais aussi livre t’il un documentaire hallucinant, balançant son spectateur en immersion totale pour lui faire vivre pour la première fois la guerre, la vraie, vue de l’intérieur.
Multipliant les passages auxquels on a du mal à croire tant l’œuvre carbure à la seule force du courage de son auteur, Armadillo permet pour la première fois d’être acteur non pas d’une retranscription de la guerre mais de la pure et stricte réalité. On appelle ça un tour de force.

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