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Critique : Nine
Il sera difficile, à partir du 3 mars, de passer à coté de Nine – la nouvelle comédie musicale de Rob Marshall tant son casting est énorme : Daniel Day-Lewis, Nicolas Kidman, Penelope Cruz, Marion Cotillard, Judi Dench, Kate Hudson, Sophia Loren… Tous ces gens chanteront et danseront pendant près de deux heures sur grand écran. De quoi ravir les amateurs de Chicago, du même réalisateur ou de Chantons sous la Pluie.
Mais le film est-il à la hauteur ? Verdict…
Critique initialement publiée le 30 janvier 2010
Sortie du film ce 3 mars
Nine – Sortie le 3 mars 2010
Réalisé par Rob Marshall
Avec Daniel Day-Lewis, Nicole Kidman, Marion Cotillard…
Guido Contini est le plus grand réalisateur de son époque. Vénéré par les critiques et adulé par le public, il n’a qu’un seul point faible : les jolies femmes !
Tiraillé entre sa sublime épouse et sa sulfureuse maitresse, harcelé par une séduisante journaliste, subjugué par la star de son prochain film, Guido ne sait plus où donner de la tête. Soutenu par sa confidente et sa mère, parviendra-t-il à résister à toutes ces tentations ?
Autrefois fer de lance d’une industrie hollywoodienne ayant marqué l’histoire du cinéma à de nombreuses reprises avec des œuvres comme Singing in the Rain, West Side Story ou Grease, la comédie musicale est un genre qui a vécu une traversée du désert durant de nombreuses années avant de renaître dans les années 2000 avec tout d’abord le Moulin Rouge! de Baz Luhrmann et une vague de films à la qualité variable allant de Mamma Mia ! à Hairspray en passant par High School Musical ou, dans un niveau bien supérieur, Across the Universe et Reefer Madness. La consécration auprès de la profession restera tout de même Chicago de Rob Marshall, auréolé par 6 Oscars dont celui du meilleur film. Une reconnaissance qui permet au réalisateur de revenir sur le devant de la scène après Mémoires d’une Geisha avec une nouvelle comédie musicale au casting très alléchant et dont l’histoire promet une jolie carrière puisque le film est tiré d’un spectacle ayant fait un carton sur les planches de Broadway, succès lui-même inspiré d’un film à la base, 8 ½ de Federico Fellini, chef d’œuvre oscarisé datant de 1963.
L’idée d’adapter au cinéma le spectacle vint au réalisateur et au producteur Harvey Weinstein tandis que les deux cherchaient à donner suite à Chicago, du moins à faire un projet dans la même veine.
Autant dire que les deux hommes sont tombés sur le sujet parfait…
Nine raconte l’histoire du plus grand réalisateur italien des années 60, Guido Contini (joué par Daniel Day Lewis), alors en pleine préparation de son nouveau film sobrement intitulé Italia. Le problème pour l’homme est simple : alors que le studio est en pleine préparation pour le tournage, le scénario est inexistant, Contini faisant face au problème de la page blanche. Et pour ne rien arranger, il est partagé entre différentes femmes dont sa femme (Marion Cotillard), sa maitresse (Pénélope Cruz), son actrice de toujours (Nicole Kidman) et une journaliste de mode insistante (Kate Hudson).
Vous l’avez compris à la lecture même du synopsis, Nine fait la part belle aux femmes et que dire face à ce casting de rêve complété par Fergie et surtout Judi Dench et Sophia Loren en guise de doyennes de tout ce beau monde.
Et dès le début, Rob Marshall plonge le spectateur au cœur de l’ambiance de son film avec une première chanson regroupant tous les protagonistes et installant immédiatement la structure qui régira les 2 heures suivantes. Dans un titre quasiment féerique, l’ensemble du casting est dévoilé dans un décor théâtral et majestueux, n’hésitant pas à faire la part belle aux éclairages très travaillés, à une chorégraphie somptueuse tournant autour du héros et rythmé suivant différentes phases musicales donnant un aperçu de tous les genres que va suivre le film. Après cette introduction majestueuse, retour direct sur Guido Contini dont l’ensemble de la scène n’était que le fruit de son imagination.
Le ton est donné, Nine va constamment osciller entre rêve et réalité en étant composé de deux types de scènes : les premières quasi réalistes dans lesquelles nous allons suivre le parcours de l’artiste italien durant la préparation de son prochain film et ses nombreuses scènes de ménages, tandis que le second type de scène sera purement musical, séquences durant lesquelles chaque personnage se présentera à travers une chanson reflétant sa personnalité ou déballera ses états d’âme quand il ne fait pas les deux.
Une structure tout à fait classique en soit pour le genre et qui permet de rythmer simplement et assez efficacement le film en jonglant constamment entre les deux séquences. Le film réussi d’ailleurs à ne laisser aucun type de côté en donnant la même importance aussi bien à l’histoire même qu’aux numéros musicaux, servant parfois à faire évoluer l’intrigue et ne résumant pas à de simples chansons vides de sens. Si les passages s’intéressant à la réalité même sont plutôt réussis grâce à une mise en scène efficace à défaut d’être classique, c’est surtout en raison de l’acteur principal, l’incroyable Daniel Day Lewis, qui nous livre encore une fois une prestation parfaite, après son hallucinante performance récompensée aux Oscars pour There Will Be Blood. L’acteur se fond totalement dans son personnage un rien décadent et paumé de réalisateur fou, livrant un jeu encore une fois caméléon, à l’aide d’un accent travaillé et d’un travail sur la gestuelle assez fou, alors que ses capacités musicales ne sont pas en reste avec quelques numéros fort sympathiques. On pourrait presque dire qu’il porte à lui seul le film vers le haut mais ce serait mettre de côté l’un des points les plus importants : la musique !
Si c’est sûrement l’une des raisons qui poussera une bonne partie des futurs spectateurs à voir le film, celle-ci est tout à fait louable face à une composition honorable. Entre le numéro très aguicheur de Pénélope Cruz, ironiquement appelé A Call from the Vatican, qui donnera des frissons à ces messieurs ou le Be Italian très « caliente » de Fergie foisonnant de jolies demoiselles en lingerie, l’ensemble aime à donner dans l’ambiance cabaret, à l’image de la chanson de Judi Dench intitulée Folies Bergère qui sonnerait presque comme une lettre d’amour au French Cancan. Les compositions sont entraînantes et prenantes, les mises en scène toujours extrêmement travaillées mais surtout, le plus grand bonheur procuré par toutes ses scènes vient du plaisir que prenne les interprètes durant le film, d’autant qu’ils ont le mérite d’être excellents et tous étonnants dans le film, à l’image d’une Marion Cotillard totalement magnifiée (c’est simple, elle n’a jamais été aussi belle) par le réalisateur et qui livrera une danse torride là encore très cabaret dans Take It All.
Le film étonne aussi lors d’une séquence en décalage complet avec le ton global et qui se révèle presque jouissive, lorsque la journaliste de Vogue jouée par Kate Hudson va à son tour pousser la chansonnette dans un Cinema Italiano rythmé et à l’imagerie toute droit sortie d’une publicité de parfum ou d’un défilé de haute couture. Une séquence qui prise seule pourrait se révélée vaine mais qui ici se révèle jouissive tant elle tranche visuellement avec le reste par ce parti pris très mode et qui montre combien le réalisateur arrive à cerner l’univers de chaque personnage dans leur chanson. Il est d’ailleurs étonnant de voir que cette séquence est la plus montrée dans la bande annonce du film tant elle trompe sur le long métrage et devient tronquée sortie de son contexte.
Au milieu de ces différents passages chaleureux et bourrés de folies, Nine n’oublie pas de livrer des chansons plus classiques et posées, que certains jugeront peut être ultra clichés mais dont la beauté fait bien effet, surtout lors du passage avec Sophia Loren ou dans une moindre mesure avec Nicole Kidman. Pourtant, ces passages plus doux sont aussi l’un des points noirs de l’ensemble puisque ces exercices ont beau être formellement réussis, ils se révèlent assez vains et échouent totalement sur le plan de l’émotion, totalement absente dans le film même lorsque les enjeux sentimentaux sont présents, Marion Cotillard en étant par ailleurs victime lors de My Husband Makes Movies, passage quelque peu ennuyant. Car malgré une galerie d’acteurs qui s’en donnent à cœur joie, une histoire sympathique s’imposant comme une déclaration d’amour et surtout une véritable mise en abîme sur le cinéma (ce que le générique de fin appuie d’autant plus) ou encore une bande son particulièrement bonne, le film montre ses limites sur sa durée et subit quelques longueurs dans sa dernière partie dont la conclusion se révèle paradoxalement très rapide.
Nine constitue donc une bonne comédie musicale, aux envolées totalement folles et endiablées, servie par un casting féminin 4 étoiles et par un acteur une fois de plus parfait même si on lui reprochera d’être parfois creux et un peu long. Ceci dit, cela ne fait aucun doute que les amateurs et amatrices du genre seront enthousiasmés face à cet exercice de style rondement bien mené et galvanisant.
– Victor
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