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Critique : Legends of the Condor Heroes, The Gallants

La sortie d’un film de Tsui Hark est toujours un évènement. Le réalisateur de The Blade, Il Etait Une Fois en Chine ou de la saga Detective Dee revient avec Legends of the Condor Heroes, The Gallants, distribué en France par Guang Hua Cultures & Médias, une société d’avantage habituée à promouvoir la culture chinoise en France qu’à sortir des films en salles.
Le long-métrage sort donc officiellement ce mercredi 5 mars, mais aura des séances au compte-gouttes, parfois annoncées à la dernière minute. On vous renvoie donc vers Chine-Info & Allociné pour vous y retrouver. Les hostilités commencent ce 5 mars à Lyon au cinéma Lumières Terreaux. A Paris, le film sera diffusé tous les soirs au Grand Rex et au Pathé Fauvettes à partir du 12 mars ainsi que les 14 et 18 mars au MK2 Bibliothèque.

La dernière fois qu’on voyait un film de Tsui Hark, la joie n’était pas vraiment de mise.
Non pas que le dyptique The Battle at Lake Changjin manquait de spectacle, les moyens colossaux derrière la production ne manquant pas d’offrir quelques séquences démesurées, mais tout le projet sentait le compromis ultime pour le cinéaste chinois, lui qui a bâti sa carrière en profitant de la liberté Hong-Kongaise avant que le gouvernement chinois ne remette l’île sous son emprise.

Après des années à se jouer de la propagande, comme il l’avait malicieusement fait par exemple dans La Bataille de la Montagne du Tigre, le maître du chaos laissait apparaître sa soumission à un système peut-être devenu inévitable pour lui, dans un grand récit hagiographique réécrivant l’histoire en sa faveur jusqu’à l’excès. La croissance du marché chinois ne laissait peut-être aucune autre solution pour un artiste punk qui l’a tant aidé à se hisser ainsi, et le tout laissait un arrière-goût rance.
En cela, l’annonce du projet Legends of the Condor Heroes laissait apparaître un peu d’espoir tant c’est le retour, et l’accomplissement, d’une lubie pour Tsui Hark.
En effet, l’idée d’adapter cette trilogie de romans de l’auteur Jin Yong (Louis Cha) remonte au début des années 90, durant lesquelles un scénario avait déjà été écrit, sans pour autant réussir à obtenir les droits.
Mais 35 ans plus tard, c’est la bonne, et le metteur en scène s’attaque donc enfin à ce qu’il considère comme sa série de Wu Xia Pian préférée, ni plus, ni moins !
Malgré ses 75 ans au compteur, est-ce que cette histoire d’amour contrariée au milieu d’une guerre n’est-pas l’occasion parfaite pour Hark de retrouver du poil de la bête ?

Qui dit Tsui Hark, dit chaos… Ou du moins scénario fouillis.
Ce ne sont pas les 20 premières minutes de Legends of the Condor Heroes : The Gallants (dans son titre intégrale) qui vont convaincre ses détracteurs du contraire tant le film balance un nombre incalculable d’infos à la tronche du spectateur en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, posant à 350km/h le cadre du film : une Chine ravagée par les assauts répétées de la dynastie Jin, qui menace les terres de la dynastie Song avant que l’Empire mongol, mené par Genghis Khan, n’intervienne pour tout plier sur son passage.
Et dans tout ce bazar, un jeune homme appelée Guo Jing va promettre son amour à Huang Rong, avant que les amants ne soient séparés par les évènements, et que l’on retrouve notre héros bien des années plus tard, et dans une toute nouvelle condition puisque celui-ci est devenu maître en arts martiaux ! De grandes batailles, des machinations stratégiques, de l’aventure, de la romance et des combats virevoltants…
Pas de doute, on est bien devant un Wu Xia Pian, et autant vous dire que Tsui Hark semble être le premier à être heureux de revenir à ce genre si important dans le paysage chinois.

Même si le film démarre notamment par une bataille où l’on hallucine déjà en voyant des chevaux mener la charge vaillamment avec les flèches adverses qui ricochent sur leurs armures, le cœur du film reste avant tout l’histoire d’amour entre Guo Jing et Huang Rong, campés par Zhan Xiao et Dafei Zhuang, deux jeunes acteurs qui se sont forgés une carrière à la télévision et qui trouvent ici parfaitement leur place. L’alchimie entre les deux est instantanée, et on peut se réjouir de retrouver le versant romantique du réalisateur, à un degré qu’il n’avait pas cultivé ainsi depuis les années 90.
Cet aspect occupe la majeure partie du film, ce qui l’inscrit dans la continuité de Green Snake, The Lovers ou Dans la nuit des temps. À savoir des grands sentiments traités comme tels, sans la moindre once de cynisme, avec un couple qui s’est juré fidélité et qui sera prêt à braver monts et armées pour se retrouver. La chose ne sera pas évidente, et le scénario tire ardemment sur cette corde pour gagner du temps, à tel point que cela peut être gênant tant les ressorts narratifs qui vont dans ce sens sont parfois peu subtils et visibles, avec des personnages qui se croisent et se recroisent sans jamais se voir. Mais qu’à cela ne tienne, car non seulement on croit à ce couple et à la ferveur qui les anime, et cela permet surtout d’offrir des scènes marquantes, comme une jolie idée autour d’anneaux accrochés aux arbres ou une autre avec des paratonnerres.
Tsui Hark a toujours aimé voir les choses en grand au cinéma, et l’amour en fait partie, ce qu’il rappelle avec force dans ce nouveau film qui offre des images symboliques fortes autour de ce couple dont le destin est lié à la grande histoire.

L’une des plus grosses craintes qu’on pouvait avoir après le dyptique Changjin était de voir Hark se conformer au discours politique, et c’est donc avec un soulagement immense, et un plaisir non moindre, que l’on retrouve sa verve passionnée dans une œuvre clairement antimilitariste et pacifiste, ce qui n’est jamais un mal, et encore moins par les temps qui courent.
Le contraste sur le fond avec sa production précédente en est d’autant plus frappant, et il n’y a ici aucun doute sur la portée d’une telle œuvre, où Hark use du romantisme aussi pour aller sur ses sujets là, questionnant les âges troublés de l’humanité face à ce qu’elle a de meilleur à un niveau intime, pour mieux soulever l’absurdité des conflits.
Et pour les bourrins du fond qui ont oublié leur cœur à l’entrée de la salle, on ne saurait que trop les conseiller d’aller le chercher mais on peut aussi les rassurer en leur confirmant que oui, vous allez en avoir pour votre argent !

Un des grands défis pour Tsui Hark depuis toujours est de réussir à concurrencer le cinéma Hollywoodien sur le terrain du spectacle, en proposant des concepts scéniques et chorégraphiques complètement tarés. Son frein a toujours été le gap technique entre les USA et la Chine sur la question des images de synthèse et des effets spéciaux numériques, d’autant que ses idées n’ont jamais été les plus simples à conceptualiser. De grandes évolutions ont étés faites depuis tout ce temps, et il y a déjà eu des étapes majeures entre Legend of Zu et les Detective Dee, mais Legends of the Condor Heroes semble amener des avancées significatives en la matière, avec des incrustations toujours plus maitrisées à l’écran, et des décors ou éléments modélisés encore plus convaincants que par le passé, ce qui pourra convaincre ceux qui grinçaient des dents sur ce genre d’éléments dans ses précédents films. Si ça n’était franchement pas un souci pour vos rétines, qui étaient largement satisfaites par la souplesse folle de sa caméra, son inventivité et les délires qu’elle capte, préparez-vous à vous régaler d’autant plus car Tsui Hark ne s’est clairement pas calmé dans le domaine.
On pourrait vous parler à ce titre d’un combat où l’un des assaillants utilise son chapeau comme un projectile tranchant autour d’une structure en bois, qui rappelle les grandes heures de Detective Dee, et ce serait déjà pas mal. Où les quelques batailles que l’on voit ça et là, tout comme la façon qu’à Hark de mettre en scène les armées et leur présentation dans des plans d’exposition toujours sidérants de beauté et d’ampleur.

Mais tout ça n’est rien face à un climax absolument CO-LO-SSAL, qui met en scène un combat au beau milieu d’une armée.
Deux hommes s’y affrontent avec kung-fu et pouvoirs dans tous les sens, s’envoyant mandales cosmiques et chars dans la tronche à tout va, traversant ciel et terre sous les coups de leur adversaire, dans une scène qui semble sortie tout droit des pages d’un manga, ou d’un manhua en l’occurrence.
Ce combat hallucinant, qui rivalise de plans percutants, d’idées folles et qui est orchestré dans un crescendo surexcitant, s’inscrit déjà parmi les scènes les plus dingues que vous verrez sur grand écran cette année, et rappelle toute la splendeur de Tsui Hark tant il n’y a que lui pour offrir un tel dynamisme dans le découpage, avec sa patte à chaque image, dans une grande maestria qui nous confirme qu’il n’a pas dit son dernier mot, et qu’il est même loin d’en avoir fini avec le medium dans l’action. Le genre de scène que vous regarderez avec des yeux de gosse, en ne croyant pas voir ce qui se déroule à l’écran, et encore moins que si, ça a bel et bien lieu, et que bon dieu de bonsoir c’est extraordinaire ! Bref, un sommet d’énergie kinétique et d’inventivité formelle qui électrise les sens et fait grimper les enjeux à pleine balle, permettant à son auteur de rappeler qu’il est bel et bien l’un des plus grands en activité, et couchant à plate couture la concurrence sur le terrain du spectacle, quand bien même celle-ci n’est pas en reste en ce moment comme en témoigne Creation of the Gods 2 – Demon Force. Devant un tel showdown, on se prend même à rêver d’un nouvel épisode de Zu, sa grande saga d’expérimentation, qu’il serait désormais en capacité de porter vers de nouveaux cieux !
Mais bon, calmons quelques peu nos ardeurs, et satisfaisons-nous du fait qu’elles soient déjà en transe.

Alors on peut toujours soulever certains choix d’un goût curieux, comme un morceau rock qui vient ponctuer le long-métrage en plein milieu, ce qui n’a rien à voir avec l’esthétique globale du film, et est d’autant plus dommage que le morceau en question sonne un peu cheap.
On peut se plaindre de certains aspects brouillons du scénario et de l’exposition, ou quelques scènes comiques pas toujours utiles, mais le film corrige le tir au fur et à mesure pour devenir parfaitement clair en bout de course, et finit surtout par gagner notre cœur avec son histoire touchante et plus militante qu’il n’y paraît.
Et comme il sait en plus nous accrocher à notre fauteuil en nous offrant paysages majestueux à foison, personnages hauts en couleur et scènes d’action stupéfiantes, difficile de renier son plaisir devant la nouvelle œuvre d’un réalisateur en pleine possession de ses moyens, qui semble toujours aussi motivé pour en coller plein la tronche à tous les niveaux, et qui concilie à merveille grand récit classique et une forme toujours en quête de nouveauté et d’inspiration.
Et c’est censé être le premier volet d’une trilogie, ce qui augure du très bon pour la suite même si le film se suffit déjà en soit…
Décidément, monsieur Tsui Hark, c’est un immense bonheur de vous retrouver.

Legend of the Condor Heroes The Gallants, de Tsui Hark – Sortie en salles à partir du 5 mars 2024

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