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Critique : Le Mans 66
Deux ans seulement après nous avoir permis de faire nos adieux à Wolverine, James Mangold revient derrière la caméra dans un genre totalement différent : le film de courses de voitures, avec Matt Damon et Christian Bale mais aussi Jon Bernthal, Josh Lucas et Caitriona Balfe.
LA CRITIQUE
Biopic de chanteur country, polar urbain ou western fait de cowboys à l’ancienne ou de super-héros… La carrière de James Mangold est résolument tournée vers l’Amérique et sa courte histoire, le cinéaste semblant mettre à point d’orgue à revisiter les genres qui ont fait les grandes années d’Hollywood, avec un goût prononcé pour le classicisme et son efficacité redoutable.
C’est donc sans grande surprise qu’il s’attaque aujourd’hui à un mythe encore une fois résolument américain : celui de l’automobile, et plus particulièrement de la voiture de course, en retraçant le duel féroce opposant les marques Ford et Ferrari autour des 24 heures du Mans en 1966. Et si on pourrait soupçonner un énième américanisme triomphant, ce serait mal connaître Mangold, qui met toujours de l’eau dans son vin, pour le plus grand plaisir du spectateur.
Le Mans 66 est le genre du film qui semble un peu tout tracé et sans surprise avant même de rentrer dans la salle, revenant sagement sur un évènement réel en alignant les bonnes dates, les étapes clés et le fin mot de l’histoire. Évidemment, votre connaissance des faits réels va influencer plus ou moins votre rapport au film, mais si vous êtes fin amateur de cette épreuve mythique, le suspense en prend un coup. Pourtant, Mangold réussit d’entrée de jeu à s’approprier le sujet puisque son film dépasse la simple dualité sur le circuit, et met en avant les esprits fous et passionnés qui se sont lancés dans un tel défi pour l’honneur de leurs employeurs.
Il est d’abord question d’une guerre d’égos entre hommes surpuissants, facilement blessés autour d’un deal quelconque, et qui décident en conséquence de tout miser sur une date pour régler leurs différends. Et cette chamaillerie un peu puérile, en tout cas assez proche de celles de gamins dans une cour de récré, conditionne toute l’histoire du film, qui n’hésite pas à montrer combien cette course à l’armement part d’un rien, d’une broutille assez ridicule, dont les conséquences affectent des tonnes de gens au service de quelques puissants. Donc oui, Le Mans 66 retrace un monde d’hommes, où les femmes sont reléguées au second plan, mais il met l’emphase sur l’absurdité de son fonctionnement, et évite par la même occasion d’être une simple publicité pour les marques concernées.
Le contrepoint de tout ça, c’est justement les vrais héros du film, Ken Miles et Carroll Shelby, joués respectivement par Christian Bale et Matt Damon. Deux hommes passionnés, qui approchent certes leur discipline différemment, mais qui ont tous les deux ce désir de se surpasser et de repousser les limites pour faire avancer ce qu’il considère comme un art.
C’est dans ce portrait affectueux et touchant que Le Mans 66 tient sa réussite, tant on est vite de tout cœur avec ce duo improbable et aussi dysfonctionnel qu’inséparable tant leur alliance délicate est primordiale au projet de leurs supérieurs, qui n’y comprennent jamais rien.
L’histoire du film réside dans cette bataille entre deux passionnés avec leur équipe face à une armée de bureaucrates qui n’auront de cesse de miner le projet, de le tirer vers le bas, de le ramener à des considérations financières et matérialistes, passant totalement outre la beauté du sport et le travail faramineux pour accomplir une telle course. D’ailleurs, si vous venez pour être accroché à votre siège, sachez qu’en bon faiseur, James Mangold n’a pas perdu la main, et offre une nouvelle fois un film carré, à la mise en scène élégante et fluide, qui emballe ses scènes de course avec panache.
Aucune révolution à l’horizon, puisqu’il marche dans les traces du Grand Prix de John Frankenheimer, qui fut d’ailleurs réalisé en 66 ! S’il vise le réalisme en collant au plus près des chauffeurs pour immerger le spectateur dans les courses, et essayer de retranscrire l’endurance colossale requise et le mental d’acier des coureurs, Mangold n’hésite cependant pas à multiplier les plans à l’extérieur des véhicules et à emballer deux trois duels très nerveux, tout comme il offre une sensation de vitesse palpable, ce qui rend chacune des joutes sur le circuit assez intense.
A l’exception d’un money shot entièrement numérique pas des plus discrets, il garde un souci de réalisme et d’authenticité, le film sentant la tôle froissée et la gomme cramée à chaque virage, tout en ayant l’honnêteté de montrer les dérives de ses personnages, et de combien leur affect pour la discipline peut les pousser à bout. Ce qu’il en ressort au final, c’est que James Mangold n’a pas perdu la main : si Le Mans 66 affiche 2h33 au compteur, celles-ci défilent à toute allure tant le film aborde les différentes strates sociales et humaines d’un tel évènement, et parvient à donner du cœur à une histoire de grosses cylindrées, sans oublier le frisson de la course et l’ivresse de la vitesse.
Casting impliqué et attachant, rythme soutenu et scénario dense qui n’oublie rien en chemin, Le Mans 66 a fière allure et déroule son programme sans ambages. On pourra sûrement reprocher à une telle entreprise de ne jamais prendre de risques et de rester quelque peu dans les clous, il est vrai, mais difficile de ne pas saluer une mécanique aussi bien huilée.
Le Mans 66, de James Mangold – Sortie le 13 novembre 2019