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Critique : La Vénus à la Fourrure
La Vénus à la Fourrure. Derrière ce titre énigmatique se cache un film dont vous ne savez pas grand chose (il n’a même pas encore d’affiche pour illustrer cet article) si ce n’est qu’il a été tourné par Roman Polanski et a été présenté à Cannes, là où Jean-Victor a pu le voir.
De Shakespeare au polar en passant par le fantastique, les vampires ou Chales Dickens, on pourrait croire que le réalisateur de Pirates a tout tourné. Mais c’est pour mieux nous surprendre encore avec cette fois un huis clos dans un théâtre.
Le film sort le 13 novembre prochain.
Quand il adaptait Yasmina Reza dans Carnage, Polanski nous impressionnait par sa direction d’acteurs appliquée à un casting 4 étoiles mais nous laissait sur notre faim avec cette illustration assez plan-plan de la pièce de théâtre, surtout après la claque The Ghost Writer. La Vénus à la Fourrure arrive donc pour corriger cela, couvert d’un voile de mystère impénétrable jusqu’à sa présentation cannoise lors du dernier jour de compétition du festival. Nouvelle adaptation d’une pièce originellement inspirée du roman éponyme de Sacher-Masoch, cette vénus prend place sous forme de huit-clos, dans un théâtre. De quoi craindre un nouveau film pépère, et pourtant, avec Polanski, on ne sait jamais à quoi s’attendre…

La mise en place de cette Vénus impose d’emblée de nouveaux défis de mise en scène inédits dans la carrière de Polanski et qui ont à eux seuls motivés le cinéaste pour porter cette pièce sur écran. Dans les faits, c’est assez simple : comment maintenir l’intérêt à l’écran durant une heure et demie avec deux personnages dans un théâtre et ce de manière cinématographique ? Un bien beau défi, éminemment casse gueule pour le premier venu qui ne pense pas en terme d’images ou de rythme. Polanski répond à ce défi avec des éléments finalement assez simples quand on les remets en perspective, mais qui additionnés donne un cocktail assez irrésistible il faut bien le dire.
D’abord, pour que le spectateur ait un minimum envie de s’impliquer dans cette histoire, il faut des personnages hauts en couleur, un réalisateur un rien perturbé et une actrice du dimanche qui cache bien son jeu. Le scénario étant d’une ruse terrible dans ses dialogues, il fallait du charisme et du talent à l’image, deux conditions auxquels répondent les doigts dans le nez Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner.
Ca peut paraître évident pour le premier, qui nous a déjà montré à maintes reprises ses qualités d’acteur mais un peu moins pour la seconde, qui s’éclate comme jamais à l’écran. Il faut dire que son personnage d’actrice paumée qui va vite se métamorphoser lui offre l’opportunité d’alterner les tempéraments, les humeurs et le langage parfois de manière effrénée. Et Madame Polanski dans la vie, rappelons-le, fait ça avec un naturel absolument déconcertant, passant par moment de Wanda l’actrice ratée à Wanda la Vénus d’une réplique à l’autre en troublant autant Amalric que le spectateur par sa versatilité démoniaque et étrangement délicate.
Il n’en fallait pas moins pour rendre justice à un scénario qui se joue de cette dualité de situation pour perdre le spectateur entre l’audition et la réalité. Car même si on s’attend à ce que la frontière entre les diverses répétitions de La Vénus à la Fourrure la pièce (le film raconte une audition à la base) et les relations entre les « vrais » personnages s’estompe petit à petit pour donner à fond dans la mise en abîme, les deux comédiens se régalent de ce mélange subtil et s’en donnent à cœur joie dans cette montagne de répliques aux différents strates de lecture. Ca joue la comédie dans tous les sens du terme, l’évolution du duo dans la pièce et sur la scène devenant de plus en plus perverse, chaque protagoniste se renvoyant la balle en espérant mettre l’autre à nu sans savoir que celui a un coup d’avance. Passionnant film sur la notion de muse et de maître (l’auteur original est juste le père du sadomasochisme !), la Vénus à la Fourrure peut aussi se voir au niveau de son réalisateur que l’on retrouve dans Mathieu Amalric. Il en découle une superbe déclaration d’amour à sa femme, que l’on n’a probablement jamais vue aussi électrique et incandescente. C’est bien simple : que l’on aime ou pas Emmanuelle Seigner, elle finit par bouffer littéralement l’écran et nous avec par son charme et le malin plaisir qu’elle prend à brouiller les pistes. Mise en valeur sans jamais se reposer sur ses lauriers ou ceux de son mari, elle aurait bien mérité une reconnaissance à Cannes, mais ça c’est une autre histoire.
A propos de lauriers, Polanski termine son exercice de style en ne se contentant pas de l’illustrer aussi platement que pour son précédent film. Jouant sur les lumières et l’atmosphère du lieu pour donner un caractère presque irréel par moment au film, ce génie de la caméra sait toujours où placer son regard pour mettre en avant tel personnage, titiller la curiosité du spectateur ou créer la surprise. Jamais redondant visuellement, cette Vénus à la Fourrure peut compter sur la photographie ultra solide de Pawel Edelman tout comme sur la composition légère et judicieuse d’Alexandre Desplat pour mettre en avant deux acteurs fabuleux qui se font chacun un festin de l’autre sans laisser le spectateur de côté.

Jeu du chat et de la souris qui monte crescendo pour mieux exploser lors d’un bouquet final de toute beauté, la Vénus à la Fourrure repose sur deux interprètes au sommet de leur art qui donnent tout autant qu’ils s’amusent avec un plaisir communicatif indéniable. Roman Polanski en fait tout autant, et déclare son amour à Emmanuelle Seigner tout en se questionnant constamment sur son découpage afin de rendre la chose éminemment cinématographique. Il en résulte un véritable délice de comédie, aussi légère que croquante.
La Vénus à la Fourrure – Sortie le 13 novembre 2013
Réalisé par Roman Polanski
Avec Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric
Seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procuré des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Alors que l’« audition » se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession…
2 Comments
par tedsifflera3fois
J’ai pas vraiment trouvé ça délicieux. Certes, par petites touches, on retrouve l’univers inquiet, menaçant, paranoïaque du réalisateur de Rosemary’s Baby. Malheureusement, l’aspect subversif de l’œuvre est noyé dans un duel un peu plat et, c’est un comble, pas très excitant. Ma critique : http://tedsifflera3fois.com/2013/06/17/la-venus-a-la-fourrure-critique-cannoise/