807Vues 3commentaires
Critique : Au-delà, de Clint Eastwood
Suite à quelques soucis techniques de dernière minute et malheureusement pas assez de temps pour rattraper, nous sommes contraints et forcés d’annuler l’Emission de ce mois de janvier. Mais ce sera pour mieux revenir en février !
De fait, retour à la bonne vieille critique texte pour vous faire découvrir des films que Jean-Victor a récemment découvert et dont il souhaitait vous parler. On commence aujourd’hui avec quelque chose d’attendu puisqu’il s’agit du dernier né de Clint Eastwood : Au-delà (Hereafter en version originale), avec Matt Damon et Cécile de France.
Au-delà (Hereafter) – Sortie le 19 janvier 2011
Réalisé par Clint Eastwood
Avec Matt Damon, Cécile de France, Thierry Neuvic
Au-delà est l’histoire de trois personnages hantés par la mort et les interrogations qu’elle soulève. George est un Américain d’origine modeste, affecté d’un « don » de voyance qui pèse sur lui comme une malédiction. Marie, journaliste française, est confrontée à une expérience de mort imminente, et en a été durablement bouleversée. Et quand Marcus, un jeune garçon de Londres, perd l’être qui lui était le plus cher et le plus indispensable, il se met désespérément en quête de réponses à ses interrogations. George, Marie et Marcus sont guidés par le même besoin de savoir, la même quête. Leurs destinées vont fi nir par se croiser pour tenter de répondre au mystère de l’Au-delà.
Il y a des cinéastes qui, au lieu de prendre leur retraite, continuent d’exercer dans la fleur de l’âge avec des films qui ne sont finalement que d’énièmes variations ou déclinaisons de leurs œuvres précédentes, avec un schéma éculé jusqu’à la moelle. Et il y a ceux qui se remettent en question tout au long de leur carrière.
Alors qu’il affiche 80 balais au compteur, le légendaire Clint Eastwood est toujours au rendez-vous chaque année pour nous déballer ses talents de metteur en scène et pour la cuvée 2011, le bougre ose carrément pour la première fois de sa carrière faire de la péloche fantastique avec Au-delà ou Hereafter en VO, dans lequel Dirty Harry s’attaque à une réflexion sur la vie après la mort, rien que ça ! La nouvelle l’an dernier nous avait autant surpris qu’enthousiasmé, l’éternel Cow-Boy étant l’un des cinéastes les plus productifs et les plus intéressants encore à l’heure actuelle, d’autant plus que celui-ci a décidé de se consacrer plus que jamais à sa carrière de réalisateur après nous avoir fait un adieu magnifique devant la caméra dans le magistral Gran Torino.
La thématique de son nouveau film est en plus totalement cohérente avec l’exemple précité étant donné que malheureusement, le grand homme est avant tout humain et que les jours lui sont comptés, ce qui semble lui trotter dans la tête de plus en plus.
Ne reculant devant aucun défi, Eastwood s’est donc jeté la tête la première dans ce nouveau projet aux nombreuses difficultés puisque non content d’être un film choral suivant trois destins marqués par la mort chacun à leur façon, le film représente de nouveaux challenges de mise en scène dont l’usage intensif d’effets spéciaux puisqu’ici Clint va même jouer sur les platebandes du film catastrophe avec en ouverture la retranscription du tsunami dévastateur de 2004 en Thaïlande.

L’évènement en question est vécu par une journaliste française interprétée, ça tombe bien, par une Cécile de France qui va s’en sortir de justesse après une mort clinique de quelques minutes, lui ayant permis d’approcher le fameux au-delà, tandis que de l’autre côté, on aura à faire à un jeune garçon anglais en plein deuil de son frère jumeau et enfin à un médium américain pouvant communiquer avec les défunts et connaissant quelques difficultés dans sa reconversion professionnelle…
Un pitch tout aussi étonnant que prometteur et pourtant, la prise de risque a beau être souvent payante, elle s’est révélée à notre plus grand désarroi tout simplement impitoyable.
Le dernier Clint tient de la déception tant le film se révèle bancal de bout en bout et ce pour un bon nombre de raisons. Avant même de se référer à la question du croisement des intrigues et de leurs apports l’une à l’autre, chacun des personnages que l’on suit connaît des galères qui empêche le spectateur de s’identifier pleinement à l’un d’eux.
Le premier à en souffrir le plus fortement est celui interprété par Cécile de France qui porte à elle seule les plus grandes tares du film. Commençant pourtant sur la fameuse scène du tsunami, qui bénéficie d’une approche très brute de décoffrage et assez inédite dans le genre mais malheureusement contrebalancée par des effets numériques qui tentent de cacher en vain le faible budget de 17 millions de dollars, l’intrigue autour de cette journaliste effraie vite lorsque celle-ci rentre pour un court instant dans le fameux au-delà, se traduisant par une vision fantomatique à l’esthétique trop simple et clichée pour susciter un réel intérêt.
C’est d’autant plus dommage qu’on se promène durant un temps à l’intérieur alors qu’il n’y a définitivement pas grand-chose à voir excepté trois silhouettes devant la fameuse lumière blanche, ce qui ne nous rend pas au bout de nos peines concernant ce genre de passage qu’on retrouvera plusieurs fois durant le film…
Mais alors que cette expérience va changer le destin du personnage et sa vision de la vie à jamais, la suite de son parcours va se révéler être un véritable calvaire pour le spectateur.
Subissant les conséquences de son repos forcé sur les différentes facettes de son existence, la journaliste va vivre certaines injustices auxquelles elle va réagir en conséquence, dans des scènes indigestes pour plusieurs raisons.

La première, et la plus douloureuse, c’est que l’on se demande si l’on a bien à faire à un film de Clint Eastwood tant la mise en scène et la photo s’avèrent dégueulasses, avec des champs contre-champs d’une banalité affligeante et une réalisation d’une grande platitude, donnant l’impression d’être devant un téléfilm français.
Le pire dans l’histoire, c’est que justement le scénario est tout autant à la ramasse avec des dialogues eux aussi clichés, écrits à la truelle et joués par une série d’acteurs tous plus mauvais les uns que les autres, ne relevant pas une seule seconde le niveau surtout quand on doit se taper une scène de diner semblant toute droit sorti d’un épisode d’Amour Gloire et Beauté.
Face à une telle débandade, on était en droit de se poser des questions sur l’éventuel pourquoi du comment, et un simulacre de réponse plus que probable nous est apparu, puisque pour la réalisation il semblerait que les passages parisiens du film aient étés les seuls où Maître Eastwood ait bénéficié d’un assistant crédité nulle part ailleurs, tandis qu’une partie de l’équipe était locale.
Cela ne veut peut être rien dire mais paraît suspect, d’autant qu’en plus une bonne partie de cette section se déroule chez France Télévisions qui a éventuellement trouvé bon de prêter quelques techniciens mais il est évident que les responsables ou coupables, appelez ça comme vous voulez, se trouvent ici puisque le reste du film avec les deux autres personnages affiche une tenue visuelle plus propre.
Concernant l’écriture, Cécile de France a eu la liberté d’adapter ses dialogues puisque ceux-ci sont bien dans notre langue mais une fois encore, on est en droit de se demander si cela était une bonne idée tant certains sont dignes de Plus Belle la Vie.
C’est d’autant plus rageant que les deux autres parties affichent donc une tenue visuelle tout autre et sont traversés par des bonnes idées même si dans l’ensemble, le tout a bien du mal à prendre.
D’un côté, le parcours de l’enfant en deuil a tout pour être percutant, surtout quand Eastwood le place en parallèle aux attentats de Londres pour mieux mettre en évidence l’omniprésence de la Grande Faucheuse, mais la section en question ressemble au personnage qui l’habite et se révèle très froide et figée, le caractère inerte du gamin n’aidant absolument pas à se rapprocher de lui.
De l’autre, le parcours de Matt Damon s’avère être le plus intéressant, avec notamment des scènes de flirts en compagnie de Bryce Dallas Howard dont la simplicité et l’humour subtil font des merveilles, même si le tout sonne un peu hors propos à côté d’un destin intriguant pour le personnage mais menant à un cul de sac.
Le souci dans cette partie se situe d’abord dans une répétition des scènes de méditation vite ennuyantes vu que chacune de ces scènes semble avoir été décalquée sur la précédente, tant au niveau de leur déroulement que de leur découpage, sans compter sur l’irruption des visions de l’au-delà assez pauvres. Affrontant là encore un problème de froideur annulant toute identification et donc émotion, ces scènes devront ensuite laisser la place à une conclusion dans laquelle la connexion des différentes intrigues, censée être le sommet émotionnel du genre, n’apporte pour ainsi dire pas grand-chose, si ce n’est une dernière scène explosant des records de sentimentalisme mielleux et ridicules, avec une musique bourrée de violons et achevant un pur moment de guimauve dégoulinante à souhait.

Il est inévitable après visionnage de se demander ce qu’a bien voulu nous dire là le père Clint, tant la morale du film se résumant globalement à « Il y a une vie après le deuil » n’est pas une révélation en soit et sert surtout de prétexte pour ne pas affronter la vraie question laissée en suspens, à savoir qu’il y a-t-il après notre disparition.
Survolant complètement son côté fantastique avec des visions artificielles et inutiles tout en ne questionnant jamais la croyance en cette vie après la mort, Eastwood passe à côté de son sujet et tente de rattraper le coup en voulant tirer des larmes lourdement chez le spectateur avec des personnages soit trop froids, soit mal écrits.
Finalement assez vide de sens, Hereafter est donc un film à la construction bancale et mal foutue, alourdie par une partie française exécrable, cumulant les défauts et par une réflexion toute aussi artificielle que vaine.
Malgré certaines bonnes idées et quelques scènes sympathiques qui traversent le film, le ratage est trop grand et indigeste pour être encaissé, imposant le dernier Eastwood comme le plus mauvais film de sa carrière de réalisateur, et prouvant que même l’homme le plus classe du monde peut se planter, à défaut d’avoir essayé.
On espère donc que tout ça ne restera vite qu’un mauvais souvenir et attendons son prochain film sur la création du FBI avec Leonardo DiCaprio dans le prochain rôle, un sujet qui devrait bien plus lui convenir…
3 commentaire
par hocine
J’ai bien lu votre analyse.
Je ne partage pas votre avis teinté de cynisme.
Dire que ce film est le plus mauvais film de la carrière de réalisateur de Clint Eastwood me laisse perplexe.
On se demande de quoi vous parlez.
Vous devriez revoir le film Hereafter et revoir tous ses autres films d’ailleurs.
Hereafter a bien sa place dans la filmographie de Clint Eastwood.
Simplement, ici comme dans Invictus, il s’éloigne du cinéma de genre auquel il est associé depuis toujours.
Ce n’est pas non plus une peinture de l’Amérique.
Mais cela ne fait pas de Hereafter un film nécessairement mauvais.
Il prouve la liberté que peut se permettre et qu’a acquise Clint Eastwood à Hollywood, ne se souciant ni des modes, ni du box-office.
par cloneweb
Oui, oui, surement. Mais ca n’en fait pas un bon film pour autant. Tu as beau dire qu’il est bien ancré dans sa filmo, ca ne changera rien à l’histoire creuse ou aux mauvais acteurs.