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Critique : Ant-Man

Le dernier film de la Phase 2 de l’univers Marvel Studios arrive dans les salles ce 14 juillet (un mardi !) et on l’avait presque oublié.

Il faut dire qu’après le départ d’Edgar Wright, l’envie est descendue. Peyton Reed à la réalisation, un scénario retravaillé pour qu’Ant Man puisse pleinement trouver sa place dans la chronologie en place… mais une bible manifestement laissée par Wright.

Ant-Man est-il un petit film ?

 

LA CRITIQUE

Dans le monde merveilleux de Marvel Studios, tout est censé se dérouler comme dans un rêve : les réalisateurs sont heureux, les films marchent, le public les adore… Seulement on sait qu’en coulisses, la peinture n’est pas aussi rose qu’elle en a l’air. L’un des cas les plus représentatifs de la politique tyrannique menée par Kevin Feige s’appelle Ant-Man. Projet prévu depuis la création du studio, l’adaptation des aventures de Scott Lang venait directement d’Edgar Wright, le réalisateur de Scott Pilgrim ou Shaun of the dead, qui était un grand fan du comic book et voulait le porter à l’écran.
Le projet était en marche depuis le début donc et l’an dernier, à quelques semaines seulement du tournage, le réalisateur anglais a claqué la porte du studio après avoir découvert que ce dernier avait réécrit le film sans le concerter pour qu’il s’intègre mieux à l’univers ciné Marvel. Les acteurs étant déjà embarqués même si cela ne les enchantait plus tant que ça, le film se fit avec Peyton Reed, réalisateur de Yes Man, un titre qui ne manque pas d’ironie. Passant de projet très attendu à probable produit marketing tout lisse, Ant-Man sort enfin de sa fourmilière pour montrer ce qu’il a dans le ventre…

Si on insiste autant sur la gestation tourmentée du long-métrage, c’est que celle-ci se fait ressentir devant le résultat final. Entièrement réécrit par Adam McKay et Paul Rudd, l’interprète d’Ant-Man, le script qui baignait initialement dans un humour assez anglais a semble-t-il fait un virage à 180° quand on remarque combien on est face à une comédie bien américaine dans le style.
Comédie est d’ailleurs un grand mot puisque Ant-Man affiche étonnement un sérieux qui n’est pas illusoire, le parcours du héros prenant la forme d’une quête de rédemption pour un ancien voleur tout juste sorti de prison qui souhaite plus que jamais remettre sa vie sur le droit chemin pour renouer les liens avec sa fille. Face à ça, on a la confrontation entre Hank Pym, véritable génie qui a quitté l’industrie scientifique il y a des années pour sauver son invention, et Darren Cross, le protégé qui s’est transformé en ennemi juré souhaitant trouver et vendre la découverte de son ancien mentor. Il est amusant de voir dans cette origin story les parallèles que l’on peut tisser avec le premier Iron Man, où le méchant court après l’invention du génie de la bande.
Là où Ant-Man essai de tirer son épingle du jeu, c’est dans l’équipe qui entoure le personnage de Scott Lang, à savoir ses potes cambrioleurs.
Que ce soit pour lier les deux intrigues, et donner le costume à Scott Lang, ou dans la seconde partie avec l’éternelle confrontation entre les deux camps, Ant-Man joue la carte du film de cambriolage.

On irait pas jusqu’à parler d’Oceans Eleven sauce Marvel, mais on s’y approche assez fortement par moment, avec le schéma habituel de l’élaboration du plan parfait, où chaque personnage a son rôle à jouer à l’instant T pour pouvoir progresser dans les lieux visités illégalement.
Ces parties-là, ainsi que celles où l’on découvre l’origine du plan, détonnent d’un film Marvel habituel, ce qui permet de contrebalancer avec celles centrées sur Ant-Man et ses capacités. Evidemment, on est dans un film qui pose le personnage et ses bases, ce qui veut dire que l’on passe par une phase d’entrainement à la Iron Man, avec un personnage qui s’habitue à sa combinaison non sans difficulté de la même manière qu’un Tony Stark. Cela dit, c’est sans doute l’une des parties les plus amusantes du film, la mécanique ultra huilée de ce segment aidant bien certes, mais la singularité du personnage offrant des scènes atypiques, notamment lorsqu’il rencontre les différentes races de fourmis et leurs capacités respectives qui l’aideront dans ses missions à venir.
Car ce qui permet à Ant-Man de sortir du lot des super héros habituels, c’est bien la nature bizarre de ses pouvoirs. Ne reniant rien là-dessus, Marvel montre bien son personnage en action avec l’aide d’insectes, et joue sur sa petite taille pour le mettre en scène dans des situations communes qui semblent on-ne-peut-plus normal d’un point de vue, et qui prennent des proportions colossales quand on passe à l’échelle inférieure.

On sait qu’une partie des idées d’Edgar Wright a survécu aux réécritures, celui-ci étant crédité au générique comme son coscénariste Joe Cornish. Il n’y a aucun doute quant à savoir lesquels, puisque son influence se sent clairement dans les scènes d’actions et la scénographie de ses dernières. Jouant beaucoup sur le passage d’une taille humaine à une plus petite comme on avait pu le voir dans le teaser qu’avait réalisé Wright, les dites séquences offrent quelques idées assez réjouissantes, par exemple une chambre d’enfant dont les jouets deviennent le décor d’un champ de bataille enragé.
A ce petit jeu, il faut d’ailleurs saluer le travail sur les effets spéciaux, puisque Ant-Man fait partie des rares films dont le spectaculaire est produit quasi intégralement en numérique sans que cela ne nuise à l’immersion. Le travail sur l’image de synthèse est très propre, tout comme les transitions avec les décors réels, et que ce soit dans une baignoire remplie d’eau avec le héros au beau milieu ou dans le gazon d’un jardin prenant soudain la forme d’une forêt à perte de vue, le passage d’une échelle à une autre sait se faire grisant.

Des idées dans l’action, un traitement qui diverge du carcan habituel du genre et des personnages creusés, autant d’éléments positifs qui vous pousseraient à vous dire qu’Ant-Man est une réussite ?
Hélas, non. Si l’influence d’Edgar Wright se sent dans l’action, l’un des premiers problèmes du film réside dans la réalisation à proprement parler. C’est simple : Peyton Reed n’a pas les épaules pour porter un tel film, et l’ensemble est souvent filmé en plan moyen avec des cadres fixes, pour une facture technique complètement anecdotique qui frôle le téléfilm de luxe à plusieurs reprises.
Non content de livrer une mise en scène dénuée d’âme, le film nivelle toutes ses intentions par le bas à cause du sérieux dont il fait preuve mais qui est toujours cassé au mauvais moment.
Si une grande partie des blagues tombent à plat par le manque d’inventivité dans les passages classiques, le tout s’avère en réalité plombant tant le film suit son programme à la lettre sans la moindre ferveur. C’est assez paradoxal, puisque par moment le rythme tente des accélérations soudaines et pourtant ça reste mou et extrêmement long à se mettre en place, et pas seulement parce qu’on est face à des figures, des intrigues et des codes que l’on a déjà vu des centaines de fois. Les passages se voulant émouvants manquent de matière en amont pour prendre réellement, les blagues semblent retenir leurs coups et les scènes d’actions ne sont jamais filmées avec le dynamisme auquel elle aspire. Il y a d’ailleurs un grand écart entre la folie de l’action en soit, et la réalisation qu’on y applique, malgré quelques money shots encore une fois pensés par les équipes des effets spéciaux.

Ce qui ressort d’Ant-Man, c’est que malgré son univers un peu farfelu, sa bande son un peu funky, et son personnage casse-cou, on a constamment l’impression d’être face à une œuvre qui ne demande qu’à exploser et qui reste sage, désespérément sage. C’est d’autant plus rageant que l’ennui ne manque pas à l’appel, et que certaines intrusions grossières de l’univers Marvel, qui semblent là uniquement pour faire plaisir au fan du coin, sonnent comme totalement hors sujet. Quand on sait qu’Edgar Wright est parti à cause de ça, on se dit qu’il faut vraiment être à côté de la plaque, surtout vu la teneur des ajouts Marvelesques, dont le contenu n’apporte rien au récit si ce n’est la possibilité de raccorder tout ça dans l’avenir, qui aurait été tout aussi possible autrement. Mais visiblement chez Marvel, entre sacrifier son film au prix de trois caméos vite fait ou s’offrir les services d’un grand talent, le choix est déjà fait.

Ant-Man avait tout pour être une singularité pop aux excentricités réjouissantes et au tempérament absurde. Vraisemblablement, ce n’était pas au goût de Marvel Studios qui a préféré jouer la carte de la sécurité avec un film beaucoup trop propre et consensuel, qui peine malgré certaines idées excellentes à sortir du rang comme l’ont fait les Gardiens de la Galaxie avant lui.
C’est dommage car l’on perçoit en filigrane le projet un peu taré prévu initialement, qui semble enfermé sous une couche de vernis hollywoodien, nous poussant constamment à nous dire « Ça pourrait être tellement bien. » Et c’est bien ça le pire : ça aurait pu être tellement bien…

 

Ant-Man – Sortie le 14 juillet 2015
Réalisé par Peyton Reed
Avec Paul Rudd, Evangeline Lilly, Corey Stoll
Scott Lang, cambrioleur de haut vol, va devoir apprendre à se comporter en héros et aider son mentor, le Dr Hank Pym, à protéger le secret de son spectaculaire costume d’Ant-Man, afin d’affronter une effroyable menace…

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