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Journal de Cannes : Jours #4 & #5, par Jean-Victor

Le week-end de Jean-Victor, deuxième envoyé spécial de CloneWeb sur la Croisette, est désormais en ligne après celui d’Alexandre.

L’évènement a bien entendu été le film des frères Coen dont il a vous a parlé ici. Le reste du week-end a été un peu plus sage, histoire de prendre des forces pour une semaine qui s’annonce monstrueuse.
Néanmoins, Jean-Victor vous parle aussi bien de Rooney Mara, que d’Alexander Jodorowski en passant par Serge Bozon et Arnaud Desplechin.

Et on terminera sur le numéro de samedi d’Après la Séance, que Jean-Victor monte d’arrache-pied chaque soir…

 


Ce week-end à Cannes, il fallait être courageux pour braver la pluie, surtout en étant dessous durant 2 heures afin d’espérer rentrer dans la projection presse du nouveau film des frères Coen. Ca s’est joué à peu de choses, mais on est rentrés, on a vu le film en étant assis sur les marches et disons les choses comme elles sont : les choses sérieuses ont commencées. A tel point qu’on ne pouvait pas traiter Inside Llewyn Davis autrement que par une critique en bonne et due forme. Pour le reste du week-end, voilà ce qu’il fallait retenir…

Mathieu Amalric et Benicio Del Toro en séance en de psychiatrie durant 2 heures, c’est le genre de truc qui ne pardonne pas à 8H30. Et c’est pourtant l’horaire auquel on a eu le droit de découvrir Jimmy P, le nouveau film de Arnaud Desplechin, et son premier aux Etats-Unis. Adaptation d’un livre qui passionne le réalisateur depuis plus de 20 ans, Jimmy P narre la rencontre entre un indien ancien combattant pour les USA durant la seconde guerre mondiale et un psychiatre. Il faut dire que le patient ne souffre d’aucun problème physique dépistable par les médecins et pourtant, il subit régulièrement des crises d’angoisse violentes le rendant à moitié aveugle et sourd. C’est sur le terrain de la psychiatrie pure que la guérison peut exister, grâce à la rencontre avec un psychiatre pas comme les autres. Alors oui, le film constitue bien 2 heures de dialogues quasi ininterrompus, et l’omniprésence de voix-off et de paroles peut avoir un effet réellement assommant pour le spectateur non averti ou pas dans son assiette lors du visionnage. Ce serait pourtant faire fi du formidable travail fourni sur un film qui tourne autour d’une rencontre plus humaniste que prise de tête, une amitié reposant étrangement plus sur la confiance que sur la psychanalyse. D’une grande élégance dans sa mise en scène, Desplechin ne cesse de jouer sur les flash-backs, ellipses ou rêves pour structurer intelligemment l’évolution de son personnage, et présente un duo de comédiens en grande forme, Amalric étant aussi impressionnant qu’un Del Toro comme on ne l’avait pas vu depuis des lustres. On ne l’attendait pas au tournant, et pourtant Desplechin montre que le cinéma français peut être d’une grande ambition dans des terrains peu évidents.


Jimmy. P

Après une autre file d’attente sous la pluie, c’était l’heure de découvrir dans la Quinzaine des Réalisateurs la nouvelle œuvre d’un cinéaste iconoclaste et hors des sentiers battus : Alejandro Jodorowsky. Et sa « Danza de la Realidad » (ou Danse de la Réalité) est un film bien singulier, où comment le réalisateur exorcise les démons de son enfance au Chili en racontant cette dernière et plus particulièrement l’éducation reçue par un père stricte et dont le modèle dans la vie n’était autre que… Staline.
Satire sociale qui ne recule devant rien, délire carnavalesque sans complexe dans lequel les femmes soignent les plaies en pissant dessus tandis qu’un gang d’amputés se confronte à un paternel collant des baignes à tout ce qui bouge ou encore chemin religieux dans lequel le père revit le parcours du christ pour mieux échapper aux nazis, ce Jodorowsky nouveau cru fait preuve d’une liberté aussi salutaire qu’impressionnante.
Reste la capacité du spectateur à encaisser cette hystérie démentielle, la charrue étant quelque peu surchargée par moment, mais dans un festival parfois très morose, c’est toujours bon de voir un tel appel à la liberté qui ne manque pas une occasion de faire un grand bras d’honneur aux idées préconçues.


La Danza de la Realidad

Ce dimanche à 8H30, l’ambiance était bien différente de la veille, puisque les journalistes découvraient Borgman, annoncé comme le film scandale de cette édition.
Le pitch est simple : on découvre un homme sortant brusquement d’une cabane sous terre dans les bois suite à l’arrivée de prêtres armés jusqu’aux dents, qui va s’échapper et s’incruster petit à petit dans une famille aisée vivant pas loin pour étrangement mais sûrement mettre cette dernière sans dessus dessous. Captivant par le mystère qui entoure son personnage et la découverte de son sombre dessein durant la première heure de film, Borgman dilue ensuite très vite son récit et une fois la structure proche d’un Funny Games fantastique très ténu proprement posée, le récit sans surprise meuble sa deuxième heure sans vraiment réussir à provoquer le même intérêt qu’au début.
N’en reste pas moins quelques moments d’humour noir très sympathiques, mais c’est dommageable de voir un tel récit se prendre tellement au sérieux pour lancer son public dans des interprétations diverses et variées (le fameux bonhomme serait en fait le diable, comprenez…) pour alimenter vainement son récit.


Borgman

Comme on en avait pas assez eu jusque là dans cette « grande vitrine mondiale » qu’est le festival de Cannes, Tip Top nous a redonné une bonne tranche de cinéma français.
Nouvelle réalisation de Serge Bozon, réalisateur décalé s’il en est, Tip Top suit une histoire farfelue dans laquelle un indic pour la police se fait assassiner, lançant une enquête remontant dans les sphères des forces de l’ordre. Ca, c’est sur le papier, car sur l’écran le tout paraît bien moins simple, le film tentant de construire une grosse intrigue pour ne jamais vraiment y donner du sens parce que nous avons à faire à une comédie loufoque avant tout, avec des personnages un rien tarés, dont une Isabelle Huppert adepte des rapports amoureux tendus, l’un de ses outils préférés avec son mari n’étant autre qu’un marteau. Sur le papier, ça a encore l’air drôle, mais le résultat est une véritable catastrophe : ça joue faux à quasiment tous les étages, le script est un bordel sans nom et le tout possède la facture visuelle d’un travail d’étudiant en école de cinéma première année. Embarrassant, indigeste et foireux du début à la fin, Tip Top est une grosse tâche dans un tel festival, et on se demanderait presque si le foutage de gueule n’est pas intentionnel. Allez savoir.

Pour se remettre de nos émotions boiteuses, nous avons terminés la journée avec certains collègues d’Après la Séance en allant voir le controversé Ain’t Them Bodies Saints, où les Amants du Texas en français. Et on a bien fait, car cette romance criminelle portée par Rooney Mara & Casey Affleck est un petit film honnête qui certes ne fait pas des étincelles mais a le mérite de se tenir. Débutant là où ce genre de film s’arrête habituellement, ce premier film suit donc un couple de criminels séparé par la mise derrière les barreaux du mari juste avant la naissance de leur premier enfant. Les retrouvant 4 ans plus tard sans qu’ils n’aient pu communiquer autrement que par des lettres, on va voir alors la lutte qu’ils vont mener pour se retrouver après que le personnage de Casey Affleck se soit échappé de prison alors que toutes les attentions se retrouvent sur Rooney Mara. Très largement inspiré par Terrence Malick dans la photographie, l’œuvre de David Lowery dégage un charme accrocheur et son ventre mou est contrebalancé par une durée de 1h30, ce qui tient quasiment du miracle cette année. Avec son casting huppé, on ne doute pas trop de son arrivée sur les écrans français dans les mois à venir.


Ain’t Them Bodies Saints

Comme d’habitude, je vous conseille de passer faire un tour par la quotidienne d’Après la Séance (ci-dessous) et surtout, on se retrouve très vite pour une semaine qui s’annonce d’ores et déjà palpitante, avec les nouveaux Winding Refn, Polanski, Alexander Payne, James Gray, Steven Soderbergh, Takashi Miike, Jim Jarmusch ou J.C Chandor. Ca va faire mal.

 

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