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Critique : Le Magnifique

A l’heure où tous les cinéphiles se pâment devant un conducteur autiste et hyperviolent ou un reporter belge à peine pubère, il est grand temps de parler d’un héros, d’un vrai, interprété par un acteur « plus viril tu meurs », vous l’avez compris, il est temps de parler du MAGNIFIQUE !

Synopsis : Un mod… NON ! Pas de synopsis au début ! Vous allez d’abord, gentiment lire ma critique et APRÈS, vous aurez le synopsis du film, merci.
La critique d’aujourd’hui est née d’une association d’idées, suivez-moi bien : en ce moment on ne parle que de the Artist (à juste titre) donc de Jean Dujardin, qui dit Dujardin dit Belmondo et qui dit Belmondo dit LE MAGNIFIQUE.
Car mes enfants, vous avez là, la quintessence, la substantifique moelle du mythe Bébellien.

Je vous campe le décor : on est en 1973 (année remarquable entre toutes), Belmondo a quarante ans et il est au top de sa forme. Il a prouvé tout au long de la décennie précédente qu’il pouvait tout interpréter : du drame à la comédie, du film d’auteur au film commercial (cascades incluses). Il débute celle-ci en jouant avec son plus grand rival, Alain Delon (mais si tu sais, le vieux monsieur qui râle tout le temps chez Drucker) dans Borsalino et il remplit les salles à tous les coups, bref, il n’a plus rien à prouver.
Alors, il va faire quelque chose de drôlement culotté, que peu, très peu auraient accepté à sa place (surtout à cette époque-là) : il va se moquer. Se moquer un peu de ses collègues, certes, mais surtout, il va se moquer de lui-même, de son image et de tout un cinéma auquel il est associé

Le film démarre en effet comme un film d’action typique : dans un pays exotique et dangereux, le Mexique, un homme détenteur d’information est poursuivi puis capturé par une organisation secrète mal intentionnée.
Évidemment, le pauvre bougre sera exécuté (non sans avoir pu prévenir les forces du bien auparavant) mais c’est la façon dont il sera exécuté qui mettra la puce à l’oreille du spectateur et qui le fera s’écrier : « Non mais, ils sont sérieux, là ? » (je ne vous dis rien pour ne pas gâcher votre surprise) On en rajoute une couche lors de l’apparition du héros, Bob Saint-Clar, qui à lui seul, alors qu’il est au téléphone, arrive à venir à bout d’une dizaine de soldats irakiens (et sans transpirer). S’en suivent alors moult péripéties qui suivent toujours le schéma du film d’espionnage, ce cher Bob étant membre de l’OSS (tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?)

On oscille entre l’aventure et le burlesque, se disant que l’on assiste à une comédie musclée qui joue avec les codes du genre, mais au bout de 20 minutes, tout bascule : alors que Bob et Tatiana (son contact à Acapulco) affrontent les sbires de l’infâme Karpof (le méchant albanais) sur une plage de sable blanc, on voit passer entre les tirs de balle, une femme de ménage, aspirateur à la main. Elle aspire le sable donc, puis se retrouve devant une porte d’appartement parisien, là, sur la plage, et elle l’ouvre. Et alors, là, on se dit « ah ouiii, l’avant-garde, la nouvelle vague, Godard, Belmondo, les retrouvailles, formidââble… » Mais en fait, pas du tout.

Le contre-champs de la porte donne véritablement dans un appartement parisien (assez miteux) et on retrouve Jean Paul, vêtu d’un pyjama et d’une robe de chambre, assis à une table devant une machine à écrire. Et là, ça fait tilt : non seulement ce film jouait avec les codes du genre mais en plus, ça n’était même pas un vrai film ! Ce n’est que la version filmée de ce qu’est en train d’écrire ce romancier (de gare, on s’en est bien rendu compte).
Dès lors, la convention avec le spectateur est passée : on accepte de voir les choses les plus abracadabrantesques réalisées par Bob Saint-Clar puisque tout n’est qu’imagination. Et à partir de ce moment du film, les interventions de l’espion invincible vont être de plus en plus énoOormes : non seulement, on se rend compte que le romancier, François Merlin, donne à ses personnages les visages de ses proches (son éditeur, sa voisine, lui-même) mais il enchaîne les scènes les plus improbables, suivant son humeur du moment : il est énervé contre son plombier ? il l’inclut dans le roman et le pauvre artisan se fait défourailler à la mitraillette, son éditeur veut plus de violence, il se lâche et le sang coule à flot, etc.

Bref, la comédie parodique du début fait place à un film vraiment jubilatoire et démesuré qui égratigne au passage les rapports entre éditeur/producteur et auteur. Et Bébel dans tout ça ? il est magistral. Jouant le premier et le second degré à la perfection, il est sur la ligne rouge du cabotinage mais il ne la franchit jamais (au contraire de certains films suivants). On sait à quel point c’est un acteur du corps, du mouvement, mais là, il met ses prouesses au service de la comédie.
La réalisation de Philippe de Broca est assez pauvre, reconnaissons-le mais peu importe, elle est dévouée à l’acteur, ou aux acteurs devrais-je dire car outre Belmondo, Jacqueline Bisset est sublime et Vittorio Caprioli est impeccable.
Tous jouent de leur image et des archétypes du cinéma de genre avec un plaisir non feint et on est embarqués dans ce tourbillon de délire et de potacherie.

Le Magnifique est donc un film référence, le premier qui remette en cause le statut du Héros avec un grand H mais aussi celle de la star, grâce à un acteur qui a eu l’audace et l’intelligence de se moquer de lui-même (bieeeen avant Sean Connery dans Jamais plus jamais, Schwarzenegger et son Last action hero ou Stallone et ses Expendables). Il paraît aussi évident que si ce film n’avait pas existé, les OSS 117 de Michel Hazanavicius n’auraient jamais vu le jour. Bien sûr, le film n’est pas exempt de défauts (mise en scène maladroite, générique simpliste, quelques faux raccords,…) mais ça reste quand même une chouette comédie des années 70 avec quelques scènes savoureuses (et lorsqu’on voit le film enfant, on ne l’oublie jamais !).

Le Magnifique, de Philippe de Broca – Sortie le 23 novembre 1973

Synopsis : Un modeste écrivain de romans de gare tente d’achever le dernier épisode des extraordinaires aventures du héros qu’il a créé, celui d’un agent secret invincible, en prêtant à ses personnages les traits de ceux qu’il côtoie dans la réalité.

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2 commentaire

  • par ludsidious
    Posté dimanche 16 octobre 2011 21 h 53 min 0Likes

    « On va p’end’e l’hélicopte’  »

    « Un petit cachou, Monsieur Saint Clar ?
    – Vous savez c’que vous pouvez en foutre de vos cachous, Karpov ? »

    L’immonde Karpov me rappelle le méchant caricatural de Commando.

  • par Monsieur G.
    Posté dimanche 16 octobre 2011 22 h 18 min 0Likes

    Merci pour ce commentaire qui me permet d’évoquer la saveur de certaines répliques et c’est aussi à ça qu’on reconnaît un film culte !

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