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Un Dimanche, Une Critique : Horus, Prince du Soleil

Désormais, chaque dimanche, je vous proposerai de (re)découvrir un film déjà sorti il y a plus ou moins longtemps.
Dimanche dernier, Alex vous parlait de Coraline sorti il y a quelques mois. Aujourd’hui, on va faire un bond en arrière puisque Guillaume nous parle d’un film d’animation sorti en 1968 : Horus, Prince du Soleil d’Isao Takahata – qui réalisera des années plus tard Le Tombeau des Lucioles.

Horus, Prince du soleil
Film d’animation japonais de 1968, réalisé par Isao Takahata
Scénario de Kazuo Fukazawa
Musique de Yoshio Mamiya

Dans une Scandinavie de l’âge de fer, Horus est un jeune garçon intrépide qui a vécu en solitaire, seulement élevé par son père. À la mort de ce dernier, il part à la découverte de ses origines en revenant vers la civilisation. Pour seul bagage, il prend avec lui « l’épée du soleil que lui a donné Moog, le géant de roche. En chemin, il croise Grunwald, un démon qui lui propose de travailler pour lui. Horus refuse et s’installe dans le village de pêcheurs de Frep. Là, tout seul, il tue le grand brochet qui affamait le petit bourg en empêchant les poissons de remonter la rivière. Mais le héros n’a pas le temps de profiter de son nouveau statut qu’il doit déjà repousser la horde de loups envoyée par Grunwald, furieux. Le lendemain, en suivant la trace d’un chef de meute, un « loup d’argent », il rencontre une mystérieuse jeune fille égarée dans ses pensées, Hilda. Comme lui, elle a tout perdu, et cherche un sens à sa vie. Une belle amitié naît entre les deux jeunes gens mais le démon guette, fomentant dans l’ombre ses noirs desseins…

Mais pourquoi que je m’intéresserais à ce film ?
Parce que mon ptit gars, ce film est un tournant dans l’histoire de l’animation japonaise.
Mais reprenons les choses depuis le début…

1963, les studios de la Toei [1], Isao Takahata, réalisateur débutant sur la série Ken l’enfant loup, fait la rencontre d’un jeune intervalliste très volontaire et désireux de faire bouger le carcan gentillet des productions du studio, son nom : Hayao Miyazaki.

Le potentiel des deux petits gars suscite l’intérêt de Yasuo Otsuka, animateur immense dont les travaux servent de référence dans les écoles d’animation japonaises (il a d’ailleurs ensuite participé aux réalisations majeures du duo Takahata/Miyazaki : Panda Kopanda, Conan fils du futur, Le château de Cagliostro, Sherlock Holmes).

Autour de ces trois figures viendront se greffer d’autres talents (tels Yoichi Kotabe ou Yasuji Mori) qui ont tous en commun le désir de se démarquer des productions Toei ou Disney « destinées uniquement à un public enfantin […] elles avaient comme conséquence d’empêcher tout approche intelligente des problèmes réels ».

L’ambition de l’équipe est de « donner naissance à une œuvre capable de nous plaire à nous, des adultes âgés d’une trentaine d’années.[…] cela ne signifiait pas que le film ne s’adressait pas également à des spectateurs plus jeunes, bien au contraire. » Et pour cela, l’équipe travaille d’arrache pied pendant cinq ans. La production a été interrompue plusieurs fois mais Horus a quand même pu être achevé grâce à l’enthousiasme de tous les techniciens participant au projet (« C’est en travaillant sur Horus que j’ai appris le b.a.-ba du cinéma. » confesse Hayao Miyazaki et il poursuit : « Nous avions beaucoup de sources d’inspiration (Paul Grimault, Lev Atamanov) et nous pensions vraiment Horus en terme de film, pas d’animation. Nous étions sûrs de pouvoir exprimer des tas de choses à travers nos créations »)

Bon, l’historique c’est bien joli mais ce film, il vaut quoi ?
Disons-le tout de suite, Horus n’est pas super beau comme pourrait l’être un Disney de la même époque : le design est assez simpliste et il n’y a pas de style uniforme (surtout concernant les personnages).
Mais ceci est compensé par une animation des plus dynamiques et par une mise en scène magistrale.

L’animation
La plupart du temps, l’animation est de la « full animation » (entre 20 et 24 images par secondes) mais lors de deux scènes clés (des scènes de foule), sûrement à cause d’un manque de temps et de moyens, l’animation devient plus saccadée et passe à du 10 – 12 images par seconde.
Alors là, on se dit que ça va être tout moche mais au contraire, c’est une brillante démonstration du talent des animateurs : on ne voit que les scènes-clés ! celles qui servent d’ordinaire à la fabrication d’un mouvement animé et grâce à des jeux de caméra et à un montage efficace, elles sont parfaitement lisibles, voire amplifiées de par leur incongruité dans le déroulement du film.

La mise en scène
Takahata qui vient de la télévision et de ses petits moyens veut tout de suite faire éclater les codes qu’il est obligé d’utiliser quotidiennement. Pour se faire, il va faire bouger sa caméra, agencer ses décors, ses fonds comme jamais auparavant et ainsi faire apparaître la profondeur de champ en animation (bien avant l’usage de l’ordinateur !) Autre exemple, jouant sur l’économie, les couleurs vont jouer un rôle important puisqu’elles permettent de dessiner des scènes de foules assez facilement (les personnages seront monochromes ou bichromes, facilitant l’animation par rapport à leur nombre).

La profondeur, il en est aussi question concernant la psychologie des personnages et surtout Hilda, personnage tiraillé entre le bien et le mal, elle symbolise à elle seule le devenir de l’animation japonaise et de l’animation en général : jamais auparavant on n’avait vu un personnage aussi complexe ou aussi ambigu. Pas de manichéisme, pas de dimension unique, Hilda est en proie au doute, tour à tour victime et bourreau, elle est insaisissable. Grâce à elle Takahata atteint son but : « obtenir du réalisme au niveau des expressions et des interactions entre les personnages. »

Les thèmes
Les thématique d’Horus sont nombreuses : l’appartenance à un groupe (une famille, un village) ; le combat entre le bien, le mal et la vertu ; la rédemption ; la lutte pour la vie… on sent bien qu’il y a là, plusieurs niveaux de lecture.

Autre remarque, de l’aveu même de Takahata, il y très peu d’humour dans le film, on sent bien que ces petits gars de la Toei avaient des choses à prouver et qu’ils n’étaient pas là pour rigoler.

Allez, j’abrège en vous zappant le contexte historique des personnages (oui parce qu’au départ, ça devait se passer avec les aïnous, un peuple qui vit sur… euh, pardon) et l’utilisation de la musique (qui est remarquable et très pertinente, elle joue un rôle majeur dans le film !)

Conclusion
D’une manière générale, Horus est un film matrice qui préfigure quasiment tous les futurs films de Takahata et Miyazaki et aussi les productions japonaises dans leur ensemble (voire même les films Pixar). Même s’il a été un échec commercial retentissant à sa sortie (sûrement trop en avance et mal vendu) c’est une œuvre majeure dans l’histoire de l’animation mondiale et puis c’est un excellent film, voilà tout.

– Guillaume

[1] Studio d’animation mythique, fondé en 1956, il est à l’origine de nombreux longs métrages et séries télévisées populaires telles que Heidi ou Dragon Ball.

Bande annonce VF

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