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Un Dimanche, Une Critique : Amer Béton

Je ne vous le cache pas : la critique qui suit est une rediffusion. Mais elle a quand même deux ans, et pas sûr que les nouveaux lecteurs habitués du dimanche aient fouillés les archives du site.

Promis, dimanche prochain, on vous parle d’inédit – ou du moins d’inédit sur CloneWeb mais aujourd’hui on revient sur un film d’animation japonais sorti en 2007.

Un Dimanche, Une Critique est consacré à Amer Béton.

 

 

Amer Beton – Sortie le 2 mai 2007
Réalisé par Michael Arias
Avec Kazunari Ninomiya, Yû Aoi, Yusuke Iseya
Blanc et Noir, deux orphelins, sèment la terreur dans les rues de Takara, la ville « trésor ». Rackettant bandits, yakuzas et fanatiques religieux, les deux gamins, surnommés “les chats” pour leur agilité, sont pourtant très différents. Alors que Noir apparaît dur et enragé, Blanc est innocent et lunaire.
Tout bascule le jour où un puissant yakuza décide de les éliminer afin de refaçonner la ville à son image. Mais le pire danger pour les deux frères pourrait venir de leurs démons intérieurs qui menacent de broyer leurs âmes.

 

D’où il sort ce film ?

Au départ, il s’agit d’un manga de Taiyou Matsumoto, un artiste indépendant, connu pour son style déstructuré (il joue souvent avec la perspective et dessine tout avec la même épaisseur de trait, qu’il s’agisse des décors ou des personnages) paru dans les années 90. En dehors de son style graphique, Matsumoto est aussi connu pour mélanger souvent rêve et réalité, de façon surréaliste (série Number 5) ou de façon plus poétique (il est question depuis longtemps qu’il adapte Le Petit Prince en manga).

Et alors, l’adaptation ?

En ce sens, de jouer entre réalité et fiction, le film est très fidèle au manga.
Le style graphique, bien que différent de celui de Matsumoto, joue aussi avec les codes traditionnels de la représentation : grosses têtes, yeux écartés, anatomie déformée. Les personnages sont aussi capables d’exploits physiques étonnants (saut dans le vide, vol) et à cela s’ajoute des visions hallucinées qui, en nous en révélant la psyché des personnages, montrent des images inédites en animation : on se croirait en plein tableau abstrait, au milieu des couleurs, des formes, des mouvements.

Le mouvement justement, est un des mots clé de cette adaptation.

Pour ceux qui ne l’auraient pas noté, ce film a été produit par le studio 4°C, responsables entre autres, du court métrage « L’histoire de Kid » dans le dvd Animatrix (je vous dis ça pour situer les gars, car vous avez peut-être vu ce dvd lors de votre période Wachovskyenne).
Ce studio, donc, est mondialement réputé pour être à la pointe en terme de design d’animation mais surtout en terme de technique d’animation : chez eux, tout peut bouger.
Attention, toutefois, le film est assez statique mais il offre de temps à autres de splendides séquences de poursuites, de bastons ou de parkour dans la ville.
Mais le mouvement s’applique aussi à la caméra : elle semble être portée à l’épaule par un caméraman, alors que, je vous le rappelle on est dans un film d’animation.

L’animation, parlons-en un petit peu, montre de brillantes séquences d’incrustation 2D/3D. Les personnages sont en 2D et ils évoluent dans un décor 3D texturé, c’est-à-dire « recouvert » par les dessins des illustrateurs du studio (des gars qui ont bossé sur Totoro ou Steamboy, tout d’même). Mais la 3D n’est pas tellement utilisée, car de l’aveu même d’un des infographiste du studio : « on aurait pu mettre plus de 3D mais on risquait de créer de la distance avec le spectateur ».
Et là, je pense qu’on touche à une conception toute japonaise de : l’animation ça doit être du DESSIN. À la fois pour voir la patte d’un créateur et parce que le dessin est plus proche du spectateur (n’importe qui est capable de dessiner avec un crayon et une feuille alors que pour faire un dessin à l’ordi, accroche-toi).
D’ailleurs, dans le film, de par le design des personnages, on retrouve cet aspect crayonné, griffonné, comme si les personnages avaient été jetés sur les cellulos d’un coup de stylo, comme ça , vite fait. Mais c’est bien là, une des idées générales du film : aller vite, vivre vite.

Et sinon, ce film, de quoi qu’il parle ?

Alors, les enfants, je ne vais pas vous mentir, ce film ne plaira pas à tout le monde. Déjà, à cause de sa complexité et de certaines scènes violentes, il n’est pas pour les enfants. Ensuite, il entre dans la catégorie des films que l’on adore tout de suite ou que l’on trouve surestimés (voire barbants).Et pourtant.

Ce film mérite qu’on s’y attarde.
Outre les qualités techniques précédemment évoquées, il recèle plusieurs niveaux de lectures et nécessite peut-être plusieurs visionnages.
La relation entre Blanc et Noir, les deux héros du film est à la fois simple et complexe et renvoie inévitablement au yin et au yang : même s’ils sont deux petits voyous, Blanc est pur et innocent, Noir est tourmenté et dangereux et l’un ne peut vivre sans l’autre (ils sont d’ailleurs liés par un étrange lien psychique).

À cette évocation du taoïsme, s’ajoutent d’autres symboles : les personnages ont comme surnoms des noms d’animaux (chat, rat, serpent) qui rappellent le zodiaque chinois et les caractéristiques qui vont avec.
Des animaux qui évoluent dans une véritable jungle urbaine (oui, je sais, ça fait très cliché, mais ici, cela s’y prête pertinemment) foisonnante de formes, de signes et de couleurs : pour une fois que l’on échappe au gris et au noir, saluons vivement ce parti pris, brillamment exécuté ! Ici la ville est lumineuse, chaleureuse, joyeuse mais peut être n’est-ce qu’une apparence….
Justement, à propos d’apparence, ceci est l’autre idée générale du film : que voit-on vraiment ?
Idée qui se retrouve dans le fond (Noir et d’autres personnages cherchent quelle est leur vraie personnalité, quel est leur but dans la vie, au-delà du rôle qu’ils se sont choisi) mais aussi dans la forme (le motif de l’œil apparaît dans de nombreux endroits, ne serait-ce que dans la forme de la ville elle-même et Blanc pose souvent la question : « Qu’est-ce que tu vois là-bas ? »).

En bonus
Le titre original est « Tekkonkinkreet » ce qui constitue un jeu de mot en japonais (en fait, l’auteur du manga quand il était petit inversait les caractères « kin » et « kon », il aurait fallu dire « tekkinkonkreet »). Le titre français (que l’on doit à Tonkam, premier éditeur du manga) essaie aussi de faire un jeu de mot avec « béton armé / amer béton» (oui, je vous le concède, c’est pas tiptop comme jeu de mots).

Voilou, j’espère que cette petite critique aura éveillé votre curiosité ou bien vous aura donné quelques clés pour voir ce film.

Dernier conseil : voyez le film en étant bien éveillé (oui, c’est japonais, donc c’est lent).

(moi je me suis endormi la première fois :P)

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