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Critique : Spider-Man New Generation

C’est l’une des très grosses sorties de cette fin d’année. Si, comme nous, vous avez été motivé par toutes les images de Spider-Man Into the SpiderVerse (ou New Generation en « français »), vous n’en pouvez surement plus d’attendre.

Le film de Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman sortira dans les salles le 12 décembre prochain et bénéficiera d’avant-premières dans les salles le mardi 4 en soirée.

 

LA CRITIQUE

Alors que Sony a finalement cédé une partie du contrôle créatif sur le personnage de Spider-Man pour laisser Marvel Studios s’en servir dans son univers, le studio garde tout de même les droits d’exploitation et a bien besoin de faire fructifier la licence afin de remplir les caisses.
Du coup, si Peter Parker est officiellement chez lui, avec les Avengers, il fallait trouver comment utiliser le tisseur autrement, sans concurrencer le Marvel Cinematic Universe directement.
Qui de mieux alors que Miles Morales, jeune américain métisse devenu lui aussi Spider-Man dès 2011 dans les pages de comics, pour reprendre le flambeau ? Surtout que le personnage possède une solide réputation auprès des fans, répondant à un besoin de diversité grandissant dans l’univers des super-héros, et tombant on-ne-peut-mieux l’année du succès de Black Panther.
Voici donc Spider-Man New Generation (ou Into the Spider-Verse en VO), qui cherche à se différencier jusqu’au bout puisque c’est un film d’animation, produit par Phil Lord & Chris Miller, déjà responsables de The Lego Movie ou Tempête de Boulettes Géantes. Et le justicier en devenir s’y retrouve face à d’autres versions de lui-même, issues de dimensions différentes…
Un programme qui s’annonce dense, et sur lequel plane l’ombre menaçante d’un fan service servile et totalement gratuit…

Ce qu’il y a d’intéressant avec Miles Morales, c’est que ses origines répondent avant tout à une requête de la communauté de lecteurs de comics, qui se demandaient pourquoi après avoir eu plein de variantes, l’homme araignée ne pouvait pas avoir son penchant afro-américain.
Du coup, Miles Morales a beau être une création, il n’aurait jamais pu voir le jour sans Peter Parker, et les auteurs du film l’ont parfaitement compris. Dans l’univers de celui-ci, le Spider-Man original existe et est connu de tous, en étant passé par les étapes de la trilogie initiale de Sam Raimi, auquel ce nouveau film fait référence avec humour.
Morales va acquérir ses pouvoirs sans être capable de les contrôler, et c’est grâce à sa rencontre avec le monte-en-l’air qu’il va envisager la grandeur de la tâche qui l’attend, la charge qu’impute un tel costume et les implications morales et éthiques qui en découlent.
Si ce New Generation fait mouche, c’est parce qu’il a tout à fait compris la genèse de son héros et décide d’en faire un arc narratif total, certes fidèle à certaines BDs, mais qui reste accessible à tous du moment que le spectateur connaît le Spider-Man original.
Car cette nouvelle origin story, bel et bien centrée sur Miles Morales, est avant tout une histoire de transmission, d’héritage et de passage de flambeau.

On pourrait pester contre une formule qu’on a eu à répétition dans le genre, et pourtant les responsables de cet opus ont vraiment mis au cœur de l’histoire cette notion de passation, avec quelques rebondissements surprenants. Compte tenu les origines du personnage, toute l’identité du film est façonnée à sa façon, et nous avons donc le droit à un récit plus street, avec graffitis, hip-hop et problèmes d’intégration dans un nouvel établissement scolaire pour donner une tonalité différente à l’ensemble.
Certains ressorts narratifs déjà vus ailleurs, y compris dans les autres films Spider-Man, sont présents et peuvent sembler nuisibles au déroulé, sauf que cette répétition fait partie intégrante du parcours d’un tel personnage, et le film en est parfaitement conscient, s’en servant d’ailleurs comme un lien émotionnel et amical entre les différents tisseurs du film.
Phil Lord, qui a signé le scénario, réussit un véritable numéro d’équilibriste, puisqu’il est constamment sur un schéma que l’on connaît par cœur, en l’investissant pleinement, mais en prenant en compte la dimension mythologique d’un tel parcours, et les échos qu’il a avec les autres versions du personnage, pour mieux justifier certains passages, qui sonnent authentiques et toujours aussi nécessaires. La seule fausse note scénaristique vient sans doute d’un élément symbolique du début, fondamental dans le parcours du jeune homme, mais dont l’impact se trouve fortement affecté par le principe des multiples dimensions, même si elles rattraperont le coup par la suite…

Non content de pouvoir être Spider-Man après avoir été entrainé par l’original, Miles Morales est aussi issu d’une autre génération et permet justement d’instaurer un dialogue entre différents styles de personnages, tout accompagné qu’il est par Spider-Man Noir, Spider-Cochon et les autres itérations présentes dans le film. Les fans se régaleront évidemment à voir toute la mythologie du personnage remaniée ici, avec des noms bien connus au look différent, et parfois des modifications plus poussées qu’une simple retouche cosmétique. L’inter-dimensionnalité du film permet à ce titre d’inverser certains rôles, d’en ré-imaginer d’autres et de rejouer sous un nouvel angle certaines scènes cultes de la longue histoire de l’homme araignée.
Mais surtout pour la première fois depuis les films de Sam Raimi, Spider-Man semble avoir retrouvé de sa superbe, car ses motivations sont tout à fait nobles. Loin d’un Andrew Garfield hyperactif qui se mettait dans la misère bêtement, ou d’un Tom Holland qui souhaitait juste décrocher son stage chez les Avengers, Miles Morales veut juste aider son prochain, aussi simplement que ça.
L’existence lui rajoutera des galères comme tout bon Spider-Man, et l’âge ingrat y est aussi pour quelque chose, mais cela fait un bien fou de retrouver un tempérament altruiste et humaniste, prêt à se démener juste pour sauver la première âme en perdition, sans aucun motif supplémentaire.
On aurait pu craindre que la présence des autres Spider-Men/Women écartent cet aspect fondamental du personnage, et c’est tout l’inverse, chacun d’eux ayant aussi un bagage fort et un dessein bien établi.
Cela étant, leur rencontre promettait aussi des étincelles, et le film pousse le délire plus loin encore via son visuel, qui reste sans doute son attraction première, et la plus ébouriffante. Car si son scénario permet de revisiter toute la saga du perso avec ferveur et dévotion, l’animation portée dans cet opus l’élève encore plus haut.

C’est bien simple : on n’avait pas vu aussi expérimental visuellement dans un blockbuster US depuis Speed Racer ! Partant d’un style graphique assez proche d’une BD américaine, Spider-Man New Generation dégueule d’idées et de détails graphiques pour incarner chaque trouvaille à l’image. Ça part d’une texture papier, avec des ronds d’impressions parfois en guise d’ombres sur les personnages pour garder une patte comics, mais ça dépasse vite le simple exercice de style et c’est là où le film devient grisant, tant la forme suit le fond. Dès qu’il commence à avoir des pouvoirs et peine à comprendre ce qu’il se passe, Miles Morales voit ses pensées se matérialiser à l’image en énormes bulles de BD, alors même qu’il s’apprête à devenir littéralement un personnage de comics (les comics Spider-Man existent dans son univers). Ainsi, les onomatopées fleurissent à l’image pour décupler la dynamique de l’action et du mouvement, tout comme l’animation est assez saccadée sur Morales durant le film puisqu’il peine à maitriser ses capacités, là où Peter Parker et sa grâce légendaire sont d’une fluidité absolue, pour mieux contraster l’expérience qu’il y a entre les personnages. Des petites idées comme ça, il en fourmille à chaque scène, pour une œuvre qui tente comme rarement de transposer le style de son support d’origine sur grand écran. Et puisqu’on parle de médiums, il va encore plus loin puisque chaque version du personnage possède sa propre patte graphique, Spider-Cochon ayant un trait plus cartoon par exemple, tout comme l’itération japonaise est un véritable manga. La rencontre de ses différents styles est forcément galvanisante, et d’autant plus impressionnante quand ils se combinent dans l’action, comme une sorte de Roger Rabbit qui ne serait pas arrêté à 2 genres seulement. On aurait souhaité que cet échange entre différentes écoles aille encore plus loin et que les styles se contaminent mutuellement encore plus, mais l’ensemble préserve une lisibilité totale malgré la grande quantité d’information à l’écran et offre des moments grisants, aussi spectaculaires que drôles tant l’humour qui sied bien au format reste présent tout du long sans être lourdingue.

Il faut voir l’énergie comique déployée lorsque Miles Morales s’accroche à un Peter Parker trainé par un métro de nuit sous la neige, et la splendeur qui se meut à chaque plan, pour comprendre le travail  colossal orchestré par les animateurs, culminant dans un final psychédélique qui ferait pâlir de honte et d’envie Doctor Strange. Cette vivacité se retrouve jusque dans la musique, composée de plusieurs titres bien connus de l’univers hip-hop mais aussi d’une bande son une nouvelle fois inspirée de la part du compositeur Daniel Pemberton, qui parvient à s’émanciper de l’ombre écrasante du score de Danny Elfman, et propose une bande originale à l’image du film : intrépide, joyeuse, trépidante et entraînante. Ce qui caractérise d’ailleurs toute l’entreprise, c’est ce sentiment d’amour et d’entrain pour l’histoire racontée et l’univers revisité. Comme si à tous les postes, de l’écriture à l’animation en passant le montage, la musique ou le doublage, tout le monde s’était éclaté en se donnant à fond. A ce petit jeu, Nicolas Cage est absolument hilarant en Spider-Man Noir, tant il semble jubiler à chaque réplique avec cette silhouette de détective des années 30 qui colle parfaitement à sa voix. Il justifie à lui seul le visionnage en version originale, surtout quand on voit le peu de considération pour le métier dans le casting VF, composé notamment des footballeurs Olivier Giroud et Presnel Kimpembe… On pourrait s’énerver une nouvelle fois sur l’absence de professionnalisme et la volonté de faire du beurre sur le nom de stars totalement hors sujet, mais c’est loin d’être la première ou dernière fois, et que ça ne ternisse pas pour autant votre envie de découvrir une œuvre qui ne correspond à rien d’autre dans le genre.
Et quand on sait combien on croule sous les films de super héros, c’est dire combien ça tient du petit miracle…

Un peu à la manière d’un Logan, Spider-Man New Generation tire son épingle du colossal lot des adaptations de super héros pour la simple et bonne raison qu’il cherche à raconter son histoire, à sa manière, sans vouloir coller à une quelconque formule existante. Cela ne lui enlève en rien la familiarité qui va avec son nom tant on retrouve enfin le sel du personnage, et donc logiquement sa beauté, dans une formule certes plus légère en apparence, mais diablement fun tout en étant extrêmement déférente, progressiste et d’une cohérence inébranlable dans son projet protéiforme.
Une véritable anomalie dans l’industrie et une réunion de talents explosive, pour un feu d’artifice ébouriffant et ultra stimulant, alliant parfaitement les deux médiums qui le composent.

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » disait l’oncle Ben. Un grand héritage aussi, et après des années à avoir été géré de manière futile, le voilà de nouveau traité avec le sérieux et l’humanité qu’il mérite.

Spider-Man New Generation (Spider-Man Into the Spider Verse), de Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman – Sortie le 12 décembre 2018

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