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NIFFF ’23 : Piove, Bhediya, Piggy, UFO Sweden, The Wrath of Becky

Piove (2022) de Paolo Strippoli

Dans une Rome souvent pluvieuse et sombre, une fumée épaisse sort aléatoirement des égouts et fait péter un câble à tous ceux qui la respirent, les mettant face à leurs fantasmes à grands coups d’hallucinations, et les poussant dans de grands élans de violence.

Cette toile de fond n’est à vrai dire qu’un prétexte très peu utilisé par Piove, qui met surtout en scène un adolescent dépressif face à son père colérique, suite à un accident de voiture ayant causé la mort de la mère, et le handicap de la petite sœur. Vivant en banlieue, cette famille va vivre une descente aux enfers au court du film très, très sombre de Paolo Strippoli, qui voit notamment l’ado en plein décrochage scolaire, passant ses journées à rôder en vain, enchaînant les conneries, s’amourachant d’une prostituée de 3 fois son âge, etc.

Photo soignée tout en contrastes, mise en scène dynamique pour mieux embrasser les ténèbres et récit jusqu’au boutiste qui n’épargne rien, ni personne, Piove pourrait presque passer pour une crise d’ado un peu gratuite et vaine s’il n’avait pas un encrage social fort, portant en lui la colère d’une nation en pleine déliquescence. On sait combien l’Italie n’est pas au beau fort, et le film s’en fait l’étendard sans détour, montrant le bas peuple un peu plus laissé pour compte chaque jour, à mesure que la frustration enfle et chauffe les esprits jusqu’à l’explosion. Noir c’est noir, reste-t-il un peu d’espoir, c’est ce qu’essaie de déchiffrer Piove, dont le concept fantastique ponctue çà et là le film pour donner de l’écho à son récit resserré, et il est difficile de rester impassible devant un tel cri du cœur, qui plus est aussi maîtrisé formellement, même si le récit se fait un peu plus trop explicite par moment sur le passé pourtant évident de ses personnages.

Qu’à cela ne tienne, Piove était sûrement le grand moment nihiliste de ce festival, et sa grande violence n’était pourtant jamais gratuite, lui donnant une force spectaculaire et percutante, comme en témoigne certains festivaliers déboussolés à la sortie.

Bhediya (2022) de Amar Kaushik

Bollywood, nous voilà ! Sorti en Inde pour Noël, Bhediya est un nouveau blockbuster fantastique populaire là-bas, qui ré-imagine la figure du loup-garou à la sauce locale.

Ici un entrepreneur ambitieux et quelque peu cynique, qui part dans une région reculée du pays avec pour mission de convaincre les locaux de céder leurs terres à un grand projet d’autoroute, leur promettant monts et merveilles, ou plutôt Netflix et infrastructures modernes plutôt que la jungle à perte de vue. C’était sans compter sur un petit détour en forêt où le bonhomme va se faire mordre par un loup, et ses plans vont vite partir à vau-l’eau alors qu’il se transforme la nuit pour bouffer les acteurs importants de son projet… Gros spectacle à connotation expressément écologique, Bhediya ne se démarque pas par sa subtilité, avec ses personnages caractérisés au burin, son propos explicité du début à la fin et son ton comique poussé, qui s’amuse notamment en laissant au héros son caleçon même après transformation en bête poilue !

Les élans horrifiques sont pour autant assez poussés, le tout étant produit avec des moyens conséquents, en témoigne la présence de MPC pour les images de synthèse, ceux-là même qui étaient en charge du remake récent du Roi Lion pour Disney ! Sans atteindre ce niveau de qualité visuelle, l’ensemble reste globalement très propre, et même si comme souvent à Bollywood le tout est beaucoup trop long avec une grosse demi-heure à sabrer allégrement sans vraiment affecter le récit, le cocktail habituel fait toujours mouche, avec quelques chansons amusantes, une galerie de personnages plutôt crétins et rigolos, et des scènes d’action assez réussies, même si il n’y a rien ici de fondamentalement marquant ou fou, loin de l’ambition délirante d’un S.S Rajamouli.

Bref, Bhediya remplit son cahier des charges, et s’avère assez plaisant.

Piggy, de Carlota Pereda – Disponible en VOD

Cette année, le NIFFF proposait le programme Female Trouble, mettant en avant une série de films allant du début du 20ème siècle à maintenant avec des héroïnes fortes, pour questionner l’apport du cinéma de genre dans les représentations féminines sur grand écran et dans l’inconscient collectif, pour le meilleur et pour le pire.

Le plus récent de ce vaste programme (accompagné aussi d’une conférence sur place) s’appelle Piggy et nous vient d’Espagne. Piggy, c’est le surnom pas très sympa donné à une adolescente obèse par ses camarades du même âge dans un petit village paumé.
Subissant insultes et humiliations poussées, pour ne pas dire sévères et dangereuses, l’héroïne va se retrouver face à un sacré dilemme quand un psychopathe va kidnapper 2 de ses harceleuses quasiment sous ses yeux, alors que toute la communauté locale va se mettre à leur recherche.

Que faire alors que celles qui vous ont fait du mal toute votre vie sont en danger ?

A mesure que le secret s’installe, et la pression avec, Piggy questionne pleinement la moralité du spectateur, évidemment attachée à cette pauvre femme à la vie horrible, dont on comprend pleinement le ressenti contradictoire, quand le seul taré du coin est peut-être l’unique personne qui la considère avec « respect ». Une fable acerbe et poignante, qui donne à ressentir la pression opérée par l’entourage de cette jeune femme en temps normal, et qui ne recule devant rien à l’écran, tout le récit montant crescendo vers un final cauchemardesque qui ne cesse de mettre nos nerfs à rude épreuve, et notre compas moral en toupie, flattant nos bas instincts et notre sens de la justice dans tous les sens.

Le tout, s’il vous plaît, avec une utilisation du décor intelligente, et un parallèle animalier utilisé juste ce qu’il faut (tout est dans le titre, pas besoin de vous faire un dessin…), pour ne pas tomber dans les évidences trop vite, d’autant que le portrait de cette jeune femme est fait avec intelligence, la dépeignant finalement comme une ado aux aspirations banales.

Bref, Piggy vise juste, questionne intelligemment et tape fort. Une réussite.

UFO Sweden, de Crazy Pictures – Disponible en VOD

Fin 2018, on s’était pris en pleine poire The Unthinkable, projet d’une ambition délirante venu du collectif suédois Crazy Pictures, qui pliait avec presque 2 millions d’euros un blockbuster catastrophe non seulement spectaculaire visuellement, mais assez radical dans le traitement.

L’envie de voir la suite du travail de ce groupe de passionnés était forte, et il est difficile de ne pas être déçu par le 2ème long-métrage UFO Sweden, qui tente de s’approprier le style Amblin avec un récit de recherche d’OVNIs dans les années 80. Avec son héroïne adolescente un peu rebelle qui renoue avec l’ancien collègue de son père disparu et une équipe de bras cassés, l’ensemble part pourtant sur de bonnes bases, évitant de tomber dans les citations trop faciles à la Stranger Things, tout en amenant du drama d’entrée de jeu et évitant les sempiternelles romances. Mais à mesure que UFO Sweden avance, il faut voir comment le scénario part dans tous les sens sans le moindre soucis de cohérence, avec des péripéties sans queue, ni tête, un timing comique aux fraises et des personnages qui font absolument n’importe quoi, étant par exemple soudainement convaincus d’arrêter leurs recherches quand le vieux bougon du groupe dément une des preuves principales, alors même qu’ils ont tous été témoins d’un phénomène éminemment fantastique 10 minutes plus tôt dans le film !

Plus le film avance, et plus les aberrations s’additionnent, parfois au sein d’une seule et même scène, le tout étant à des années lumières de la rigueur de leur précédent, même en matière de spectacle, aucune scène ici ne proposant quoi que ce soit marquant, le film étant à vrai dire chiche en la matière, malgré une fabrication globale solide.
Bref, UFO Sweden est le contre-coup total de leur coup d’essai ultra prometteur, et une déception en bonne et due forme.

The Wrath of Becky (2023) de Matt Angel & Suzanne Coote

Après avoir déjà mis en scène des gamins couverts de sang dans le film de zombies enfantin Cooties, le réalisateur Jonathan Milott et son comparse Cary Murnion avait remis le couvert en 2020 avec Becky, l’histoire d’un père et de sa fils en vacances au bord d’un lac, soudain agressés par des prisonniers en fuite. Le long-métrage s’était fait une petite réputation en festival grâce à son ado de 14 ans qui défonçait du bonhomme joyeusement.

Si les réalisateurs n’ont pas daigné donné suite à cette histoire, un autre duo a pris le relai avec la même actrice et c’est ainsi qu’arrive The Wrath of Becky, où l’orpheline enchaîne les familles d’accueil jusqu’à être recueillie par une vieille dame vivant seule avec qui tout se passe bien, jusqu’au jour où un groupe de néo-nazis passe par là…
Bon. Comment faire plus alléchant comme programme que de voir une ado buter du raciste débile à la pelle ? Un programme apriori facile à exécuter, pour peu que vous n’ayez pas peur d’y aller franco et d’être un peu généreux en la matière.

Et bien devinez quoi… Ce n’est pas le cas ici.

Passant un temps fou à mettre en place son histoire avec des conversations de mascus un peu débiles mais pas assez détestables (même s’ils font partie des « Noble Men », toute ressemblance avec les « Proud Boys » pro-Trump n’est pas fortuite), The Wrath of Becky compte en tout et pour tout CINQ morts dans le film. Sur 1h24. A ce petit jeu, le récent Sisu voyait son héros tuer autant de nazis dès la première scène de confrontation !

Et c’est gênant parce que le film vend tout l’inverse, en teasant des pièges en tout genre (Becky s’équipe pour partir en guerre façon Maman j’ai raté l’avion), une véritable armée de dégénérés derrière (elle met la main sur le fichier contenant les adresses de tous les membres du groupuscule) et carrément une autre suite à l’avenir, parce qu’on est plus à une franchise près.

Alors les cinq morts en soit sont plutôt rigolotes mais toute expédiées, sans faire durer le plaisir, et l’écriture des dialogues peine à élever le niveau, surtout vu le casting général pas franchement fou, avec en tête de gondole Sean William Scott, le fameux stiffler d’American Pie, ici grand gourou des nazillons.

Se présentant comme un gros délire rock’n roll et gore, The Wrath of Becky s’avère donc trop lent, trop sage et trop radin pour vraiment satisfaire sa promesse, et même en festival avec une salle blindée et prête à en découdre, le tout s’est fini dans un calme relatif, devant cette petite série B bien trop satisfaite d’elle-même, et qui est loin de remplir sa promesse.

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