482Vues 0commentaires
Downsizing : Rencontre avec Alexander Payne
Nous avons eu la chance d’assister à un questions-réponses avec le réalisateur Alexander Payne lors de son passage à Paris.
Le metteur en scène de Downsizing (voir notre critique), que nous avions déjà croisé lors de la sortie de Nebraska a évoqué travail d’écriture. Il parle aussi de son casting et des effets numériques, habituellement absents de ses oeuvres…
Question : Qu’est-ce qui a suscité l’idée du film ?
Alexander Payne : Mon co-scénariste, Jim Taylor, a un frère complètement dingue qui s’appelle Doug, et Doug Taylor nous a dit « Vous savez, vous devriez faire un film sur des gens qui seraient comme ça, petits, et vous auriez de grandes maisons, pas tellement de dépenses alimentaires, et peut-être même qu’il y aurait un conflit entre les grands et les petits. Alexander, qu’est-ce que t’en penses ? » Je ne savais pas très bien quoi en penser, ça me semblait un peu bête. En 2006, j’étais en avion et subitement j’ai repensé à leur idée, et je me suis dit « qu’est-ce qu’il se passerait vraiment, comment est-ce qu’on pourrait encrer ça dans la réalité ? », et je me suis dit « peut-être que les scientifiques scandinaves en rêveraient », comme une panacée pour la surpopulation, c’est comme ça que l’idée est venue.
Avec Jim Taylor avez-vous travaillé avec des scientifiques ou avez-vous décidé d’être vos propres scientifiques ?
Un peu les deux, plutôt la dernière solution. En fait on a surtout inventé, on a essayé de deviner un peu ce qu’il pouvait se passer. On a un peu discuté avec un biologiste quelles seraient vraiment les lois physiques si on devait être aussi petits et vivre petits comme ça. Plus tard, quand j’ai réalisé le film et quand je travaillais sur les effets visuels, avec le directeur des effets visuels il fallait que je parle un peu plus des lois physiques de cet état. Mais on ne s’est pas tellement concernés… Qui s’en fout de la réalité ?
Le ton du film, le vôtre… C’est vraiment un ton très grave, et en même temps un ton plein d’humour, et drôle. Quelle était vraiment la recherche d’un équilibre très subtil qui fait partie de votre ADN ?
On m’a souvent posé la question « Comment vous faites l’équilibre entre l’humour et le drame ? » Il n’y a pas vraiment une manière de faire, je ne peux pas vraiment le décrire. C’est comme ça vient. Il n’y a pas de méthode.
Mais quand vous travaillez, ce processus de l’écriture, comment vous l’échangez entre vous ? Vous vous dites « tiens, on va aller dans ce sens ou dans cette direction » ?
D’abord ça a été un processus très très long d’écriture. Le scénario de ce film… Il y a eu 6 ans entre Sideways et The descendants, et c’était un peu cette raison, parce que je voulais que ce film soit le film après Sideways, mais le scénario a pris tellement de temps, et après on a eu beaucoup de mal aussi à trouver des financements, c’était presque impossible d’en trouver. Vous pouvez me poser d’autres questions sur le scénario, vous pouvez me dire comment on a fait, et ceux parmi vous, les étudiants qui travaillent là-dessus, vous savez que c’est un travail très instinctif. On ne se dit pas « Tiens, comment va-t-on faire ça ? ». Avec la distance, je peux vous dire « on a fait de telle ou telle manière », mais vraiment c’est comme ça vient. La seule chose que je peux dire, et ce n’est pas une réponse complète à votre question : l’humour pour nous vient du fait de prendre un point de départ tout à fait absurde et on le traite de manière très sérieuse, et plus on est sérieux là-dessus, plus c’est drôle. Mais ce n’est pas une sorte d’humour qui vous fait éclater de rire, c’est un humour très intellectuel.
En fait, le film est assez dingue. Quels étaient les effets techniques et artistiques, vous avez parlé des effets visuels, auxquels vous avez fait face ? Parce que c’est la première fois pour vous que vous êtes face à des effets visuels.
Oui, merci pour l’adjectif brillant, car vraiment je trouve ça brillant. C’est la première fois que je fais un film avec des effets visuels, c’est vraiment la première fois que j’utilise des effets visuels dans mon film. Ce que j’en ai appris, ce n’est pas que ce soit difficile, c’est simplement que ça prend énormément de temps, c’est très chronophage. En tant que réalisateur, vous avez besoin d’un directeur pour les effets visuels, et moi je lui ai dit « Explique-moi, apprends-moi à comprendre et fais-moi croire que je suis en train de faire un vrai film, c’est-à-dire sans effets visuels », parce que la première chose dont on souffre dans ces films, c’est la performance des acteurs et l’histoire, et ça je ne voulais pas du tout que ça arrive pour mon film. Le processus des effets visuels, il y a 750 effets visuels dans le film… un grand nombre a été fait autour de mon désir que les acteurs soient vraiment protégés, et je voulais que les effets soient tellement bien et qu’ils soient crédibles à en devenir banals. Je voulais que le film ait l’air d’avoir été fait en 1978. Une autre chose par rapport aux effets visuels : au contraire des films d’action, ici, le plan séquentiel est assez long, et le public a le temps de détecter les imperfections, donc ça c’était un défi de plus.
Je ne sais pas pour vous, mais une des images qui m’ont vraiment frappée, c’est cet espace où on rétrécissait les gens. Est-ce que vous avez donné des instructions à votre décorateur ?
Oui, j’ai dit qu’il fallait que ça ressemble à un grand four à micro-ondes.
Et là aussi, quand on les rase, on a construit tout ça. Ça c’est ma séquence favorite, merci de me poser la question, mais ce n’est pas une séquence d’effets visuels, c’est vraiment une séquence de décor, tout a été construit. Par la suite, quand on leur a arraché les dents, on a filmé ça dans une école de dentistes, à Toronto, au Canada.
Quand le film a été lancé au festival du film de Venise, on a dit que c’était une satire politique, un film de science-fiction, comment désigneriez-vous votre film ? Qu’avez-vous voulu explorer ?
Pour moi c’est un film… Ça c’est le réalisateur prétentieux. Je ne fais pas de comédie ou de drame, je fais un film. C’est vrai, ce n’est pas à moi de mettre une étiquette sur mon film.
Si vous me posez la question, pour moi tous mes films, même The Descendants qui est un peu déprimant, pour moi ce sont tous des comédies. Je suis à la recherche de l’humour et de l’absurde. D’autres personnes disent « Vous dites que c’est une comédie, mais ce n’est pas tellement drôle, c’est comme un drame un peu drôle », ça m’est égal. Ce que j’essaye de faire, c’est de diriger ce que je fais. J’aime les films qui sont charmants, et j’aime les films qui sont drôles. Souvent, je vois des films contemporains et on me dit « Qu’est-ce que vous en pensez ? C’est quoi pour vous ? », je dis « C’était bien, mais il n’y a pas de blagues. » Je n’aime pas les films où il n’y a pas d’humour.
Vos films en ont, c’est sûr. Au travers du prisme de ce film, qu’avez-vous voulu personnellement explorer ?
Il ne s’agit pas « d’explorer ». Après Sideways, j’avais vraiment le besoin de faire quelque chose de plus ambitieux que ce que j’avais fait jusque-là, avec un peu de conscience politique, comme c’était le cas dans mes deux premiers films, Election (L’Arriviste en France) et Citizen Ruth. Donc c’était ça.
Ça évolue pour devenir une histoire d’amour durant la dernière heure, pour une histoire improbable. Au tout début vous le voyez dans deux relations qui sont fausses, l’une avec sa femme, et l’autre femme avec laquelle il sort. Vous savez, c’est vraiment la relation ridicule après un divorce. Finalement, la troisième fois, il trouve la bonne personne sans la rechercher. Ça c’est l’histoire d’amour qui nous a surpris, même pendant qu’on l’écrivait on n’y a pas pensé, elle s’est imposée, elle est apparue. Dans Sideways il y avait aussi une sorte d’histoire d’amour. C’est vraiment la première fois que j’ai vraiment une histoire d’amour, et j’ai vraiment aimé ça.
Bien sûr, nous avons des acteurs que nous connaissons : Matt Damon, Christoph Waltz, Kristen Wig… Ce sont des acteurs internationaux, mais la Vietnamienne… Qu’est-ce qui vous a décidé à la caster comme étant la personne parfaite ?
Ça c’est dans le scénario. Après, à nous de trouver le bon acteur, et les dieux du casting m’ont envoyé Hong Chau. Qui est Hong Chau ? Elle est vietnamienne, elle est née en Thaïlande de parents vietnamiens réfugiés. Ils ont émigré aux États-Unis quand elle était une petite fille, ils étaient dans l’état de Louisiane. Parce qu’il y a là beaucoup de Vietnamiens, parce qu’il y a là l’industrie des crevettes, donc ils ont été là où il y avait la même sorte d’industrie. Ses parents n’étaient pas pêcheurs de crevettes mais ils tenaient des sortes d’épicerie où on trouvait tout. Elle était la première de sa famille à aller à l’université. Elle a fait des études de cinéma, elle aimait le cinéma plus que d’être actrice. En étant étudiante, elle jouait dans les films de ses amis. On lui as dit « Tu es vraiment très bonne ». Elle se disait « Ah bon ? », elle n’était pas… Et après l’université, elle est allée à New York, elle a pris des cours d’actrice, elle a travaillé un peu et la voici. Je l’avais vue dans un film de Paul Thomas Anderson, Inherent Vice, elle a un petit mais mémorable rôle de prostituée dans ce film ; et puis dans des séries américaines que je n’avais pas vraiment vues, comme Big Little Lies. Est-ce que vous connaissez ? Qu’en pensez-vous ?
Dans une interview que j’ai lue et qu’il a donné, Christoph Waltz a dit qu’il percevait son rôle comme un mentor. C’est comme ça que vous le conceviez aussi ?
Il a eu cette idée parce qu’il est plus âgé que Matt Damon. Avant de le rencontrer, j’avais rencontré des acteurs plus jeunes pour ce rôle, il n’aurait pas eu ce même point de vue. En fait un acteur doit faire un choix une fois qu’il est casté : « Quel va être mon point de vue ». Et Christoph a décidé d’être le mentor de ce personnage. L’acteur fait des choix, il se dit « Je vais faire ça comme ça », et moi ça me va bien pourquoi pas, c’est une belle dynamique. Une fois que vous choisissez un acteur en particulier, vous le voulez pour la manière dont il va apparaître dans ce film.
Je voudrais savoir aussi, pendant l’écriture, est-ce que vous écrivez en ayant en tête un acteur ou une actrice, et vous pensez à eux sans que ce soit ceux que vous allez avoir dans votre film. Comme par exemple, vous aviez dit que pour Monsieur Schmidt, c’était William Holden. Et ici, pour ce film, qui vous aviez en tête quand vous écoutiez les voix de vos personnages ?
Pour Matt Damon, pour son personnage, je pensais à Paul Giamatti et Jack Lemmon. Pour Christoph Waltz à un ami serbe. Pour Ngoc Lan, je pensais à Gong Li, sur le travail qu’elle faisait pendant les années 80. Mais ce n’est pas tout le temps comme ça. Parfois, quand vous écrivez un film, si vous avez du mal quelquefois, ça vous aide de penser à quelqu’un que vous connaissez, ou à un acteur, même s’il n’est plus en vie, parce qu’on se dit « Qu’est-ce que cette personne aurait fait, qu’est-ce qu’elle dirait ? ».
Vous avez aussi dit avoir toujours aspiré à faire un film de Altman. Diriez-vous que ce film est celui qui se rapproche le plus à cause de sa structure ? Ou en tout cas qui vous a inspiré, quelle a été votre inspiration ?
Celui-ci a été inhabituel. Pendant qu’on écrivait ce scénario, nous avions l’impression d’innover. On n’arrivait pas à comparer… Je ne suis pas en train de me complimenter, j’aurais bien voulu penser à un film. En termes de structure, ne pas comparer ce film à d’autres grands films, on en a parlé plus tôt aujourd’hui. Un des réalisateurs qui m’a un peu aidé, parce que le scénario devenait tellement dingue, c’est l’un des premiers de Fellini, Huit et demi, La Dolce Vita, où on suit un seul personnage dans une série d’épisodes qui peuvent être très différents, et le public peut se dire « Pourquoi je me retrouve là, qui sont ces nouveaux personnages que je rencontre et avec qui je dois aussi avoir une certaine relation ? », jusqu’au moment où, à la fin, il y a une sorte de révélation et il y a un focus sur le personnage, et là on a un peu la sensation de toute l’expérience accumulée qui défile devant ses yeux. Il y a une sorte de fil narratif qui devient très clair et très tendu. Là aussi, je ne suis pas en train de comparer mon film à ces films extraordinaires de Fellini, mais j’y puise beaucoup d’inspiration. Vous savez, moi je m’ennuie… je n’ai pas besoin d’une structure avec trois acteurs. Fellini nous apprend, et Scorcese aussi, qu’il ne faut pas réfléchir en tant que trois acteurs, un trio, mais en termes de séquences. C’est ce qu’on appelle la vie.
Quelle est la scène qui vous a demandé le plus intellectuellement, ou celle qui vous a touché le plus, que ce soit pendant le tournage ou pendant le montage ?
Il y a une prise où Ngoc Lan, quand elle dit « Je vais aller en Norvège avec vous ». Ça c’est vrai pour n’importe quel réalisateur : au moment de terminer un film, je l’ai vu des milliers de fois, je n’ai pas besoin de le revoir pour le restant de ma vie. Mais cette prise, où on a capté sa performance quand la caméra se rapproche de son visage, elle l’a fait dès la première prise. Chaque fois que je la vois, je me dis « Dieu merci, on l’a eue celle-ci. » Si le film n’existe que pour soutenir cette prise, ça me va très bien. Mais ça c’est moi, peut-être que vous aimez autre chose dans le film. C’est un moment tellement excitant, tellement génial quand on a une performance extraordinaire.
Ça reflète tout le travail qui a été fait pour le tournage, tout le planning du scénario, le casting, tout a été réfléchi pendant si longtemps, et quand ça arrive ça a l’air d’être tellement spontané, et on a l’impression que ça arrive pour la première fois, et c’est ce qu’on veut faire. J’ai dîné il y a un mois à Londres avec Ken Loach, le grand Ken Loach. Et il parlait de l’excitation du cinéma par opposition au théâtre. C’est de pouvoir… Attraper des acteurs, des êtres humains qui réagissent à quelque chose pour la première fois et qu’on puisse le capter à jamais. C’est plus difficile quand on fait un film de fiction, quand on a répété et planifié les choses. C’est plus facile quand il n’y a pas de répétition, avec des acteurs qui ne sont pas des professionnels, ou avec un acteur qui improvise ses dialogues. Et moi je respecte Monsieur Loach, mais c’est aussi possible dans les films de fiction si vous avez un acteur extraordinaire, et si vous arrivez à capter une des premières prises, et si le réalisateur ne s’en mêle pas trop. Vous savez « le réalisateur doit toujours coacher l’acteur » : non, en fait le réalisateur doit choisir le bon acteur. Le vieux cliché : 95 % du travail de la réalisation c’est le casting. Et dans ce cas-là, moi, les dieux m’ont envoyé la bonne actrice. Dès la première prise, je ne lui avais rien dit avant cette prise, et elle était parfaite. Moi, je n’aurais jamais pu faire ça avec l’éclairage et la caméra, pouvoir livrer quelque chose non pas qui avait l’air, mais qui était authentiquement spontanée, bien que ça avait été très répété. Est-ce que j’en dis trop ?
Est-ce vrai que tous vos personnages sont sur le point de mourir, que ce soit dans Citizen Ruth, dans Monsieur Schmidt, dans The Descendants… Il y a beaucoup de morts physiques ou de morts sociales qui en fait vont lancer l’histoire ou l’intrigue, et là c’est la même chose.
Monsieur Schmidt, The Descendants, Nebraska et celui-ci ont cet élément. C’est une sorte de conscience de la proximité de la mort, cette conscience vous fait réfléchir et cette réflexion lance aussi l’action. Le succès de cette action est une autre paire de manches. C’est un vieux cliché, mais c’est vrai. Si vous savez que vous allez mourir demain, vous comporteriez-vous différemment ? En fait, on va tous mourir demain, mais c’est peut-être demain dans deux ou trois ans.
Est-ce que dans ce film, le plus difficile a été de rendre les humains petits, en tout cas donner l’impression que les humains étaient petits, ou donner l’impression que le monde était plus grand ? Quel a été le plus difficile ?
Excellente question. Je pense que ce que vous essayez de me demander, c’est pourquoi je suis tellement beau, n’est-ce pas ? Comment est-ce que je peux avoir 56 ans et une si belle peau ? Vous savez, j’utilise une crème hydratante et je lave mon visage avant d’aller dormir. Je ne sais pas quoi vous dire, je ne sais pas quelle réponse vous donner ! C’est une question à laquelle je n’arrive pas à répondre. Est-ce que vous êtes en train de parler sur le plan intellectuel ou sur le plan d’effets visuels ?
Le directeur des effets visuels, le directeur de la photo et moi-même avons discuté longuement s’il fallait utiliser des grosses caméras ou des petites. Comment tourner des gens petits. Jusqu’au moment où le personnage de Matt Damon avait rétréci, on a filmé les hommes petits comme s’ils avaient existé, et que nous avions des caméras normales. Et quand on fait un focus, le champ de vision est très superficiel, ou alors vous avez une lentille macro où vous pouvez vous approcher énormément et c’est très large. Le film fait une transition dans une seule prise, là où on voit des nurses jamaïcaines et trinidadiennes qui attendent l’arrivée des petits, vous ne le savez pas au début puis vous voyez les grandes nurses et vous réalisez, avec Matt Damon on se dit « Tiens, on est avec les petits. » Ça aussi c’est une transition optique, où on prétend que les caméras petites existent aujourd’hui dans ce monde petit. Jusqu’à la fin du film, chaque fois qu’on voit le grand monde, les gens qui sont grands sont montrés du point de vue d’une petite caméra. Je n’essaie pas de prendre votre question de manière très littérale, je vous explique un peu le processus et nos discussions techniques.
J’ai une question qui n’est pas aussi sujet de la taille mais au sujet de ce qui se passe au début du film, quand Matt Damon parle avec sa mère. Elle lui dit qu’elle a très mal, il lui dit que les gens souffrent de mille façons différentes. Je voulais savoir si vous essayez d’expliquer cette idée dans le reste du film, de la douleur des gens ?
Merci pour cette question, ça me fait plaisir pour Jim et moi. Je ne peux pas vraiment vous l’expliquer de manière… Mais pour nous ça nous semblait bien d’écrire cette… Mais pour ce personnage, je pense que c’est bien qu’il soit conscient de la douleur des autres, même s’il semble très passif dans ce film, on ne sent pas trop son moteur intérieur qui le porte… C’est peut-être un peu un défaut dans le scénario, normalement le protagoniste a un but, il essaye d’y parvenir et il surmonte ou pas les défis durant l’histoire. Son personnage, lui, il a des visées assez silencieuses et très subtiles, mais nous savons qu’il est conscient de la douleur des autres, et qu’il veut aider les autres. On le voit aider sa mère, puis dans son travail, et par la suite il s’occupe de sa femme. Il est un peu perdu dans ce monde matérialiste, et puis cette femme dingue vietnamienne le prend par la nuque et elle l’oblige à revenir à lui-même. Ce dialogue ce n’est pas vraiment un thème du film, mais ça en dit long sur cette conscience qu’il a, merci d’avoir soulevé la question.
Ie film parle beaucoup d’écologie et le fait que le downsizing soit fait justement pour sauver l’espèce humaine. On voit à la fin que, finalement, c’est un peu plus compliqué que ça. Vouliez-vous que le film soit pessimiste à ce sujet ou alors qu’il y ait malgré tout une lueur d’espoir sur ce sujet, qui nous concerne tous aujourd’hui de manière très urgente ?
Je pense que ce n’est pas le fait d’être optimiste ou pessimiste, c’est simplement le fait d’être réaliste. Ce que les journaux nous disent tous les jours, c’est qu’il y a énormément de problèmes et que c’est peut-être déjà trop tard, et que nous avons déjà peut-être 200 ou 800 ans encore à vivre, mais qui sait. Là, en tout cas, le monde va dans une mauvaise direction.
Puisque ce sont les Hommes qui détruisent la terre, et considérant la fin de votre film, est-ce que vous pensez que sauver l’espèce humaine est important ?
C’est une question tout à fait juste.
Je pense, oui. Asbjørnsen, le scientifique, dit, l’homme est bien trop beau, pas toujours, mais est très improbable, c’est une forme de vie tellement improbable, il n’a pas le droit de disparaître pour toujours. Nous savons que nous ne sommes pas seuls, on ne sait pas qui il y a d’autres, on ne le saura jamais, les choses sont trop lointaines.
Je voulais savoir à quel point vous êtes militant dans le domaine de l’écologie, parce que vous avez dit que votre film est une comédie, mais c’est quand même beaucoup plus que ça. Vous traitez de thèmes très très forts et sérieux. Je voulais savoir à quel point vous êtes militant et engagé sur ces sujets-là ?
Je ne le suis pas. Bien sûr je le ressens et je suis très concerné, mais l’aspect environnemental du film était vraiment une porte d’entrée. On s’est dit « Si les hommes pouvaient être rétrécis, qu’est-ce qu’on ferait de cette idée ? » et je me suis dit « Comment cela se produirait dans la réalité ? ». Mais de manière complètement… C’est certainement un scientifique complètement dingue qui rêverait de ça comme une panacée pour la surpopulation et le changement climatique. Et de toutes les questions qui se posent sur terre, comme les armes nucléaires, il y a vraiment le climat. Peut-être que c’est déjà trop tard. Pour ne pas prendre votre question littéralement, je ne suis pas militant, mais je pense que c’est bien d’ajouter cet aspect dans le bon côté de notre processus. Ce film comporte cette idée de différentes manières. Ce qui est terrible, c’est que la question de ce changement climatique est devenue tellement politisée. Ça c’est la chose la plus idiote que j’aie jamais entendue. Donc je suis désolé. Le film a d’autres éléments politiques aussi. Et ce n’est pas un film militant, nous faisons des comédies, mais au moins le film nous montre une prise de conscience et reconnaît tel et tel problème, et nous dit « Regardez, regardez ! ». C’est une comédie douce, gentille.
Merci aux différents intervenants de la rencontre et à Charline Meriguet de l’Agence Cartel.