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Critique : Les Sorcières de Zugarramurdi

A presque 50 ans, Alex de la Iglesia a commencé sa carrière avec un petit film intitulé Action Mutante. Depuis, il n’a cessé de réaliser des films plus ou moins sérieux mais tous salués et multi-récompensées, et ce depuis El día de la bestia en passant par Le Crime Farpait. Il a même tenté une incursion dans la production anglo-saxonne avec Crime à Oxford, thriller avec Elijah Wood et John Hurt, pas forcément réussi mais néanmoins chargé en qualité.

L’année dernière, auréolé du succès de Balada Triste, il mettait en scène un film plus modeste mais tout aussi sympathique : la Chispa de la Vida. Aujourd’hui, le réalisateur revient avec « une nouvelle folie » comme le titre justement l’affiche du film mêlant braqueurs et magiciennes : Les Sorcières de Zugarramurdi.

En attendant qu’il trouve les fonds pour enfin mettre en scène Blake et Mortimer face à la Marque Jaune.

 

Parmi les fers de lance d’un cinéma espagnol n’ayant pas froid aux yeux, on compte Alex de la Iglesia, qui œuvre depuis plus de 20 ans désormais. Un cinéaste imprévisible et libre qui, à l’exception peut-être de Crimes à Oxford, a toujours eu le mérite de mettre en scène des films bien frappadingues et caustiques, qu’importe leur niveau de sérieux.
Les Sorcières de Zugarramurdi ne dérogent pas à la règle, et c’est auréolé du statut de plus gros succès de l’année en Espagne que le film va débarquer sur les écrans français.
Une fois n’est pas coutume, vous allez voir que nos amis hispaniques ont une conception du cinéma populaire bien différente de la nôtre…

Avec une scène de braquage bien trempée en guise d’introduction, l’entreprise ne se fait pas prier pour nous rappeler le goût prononcé de son créateur envers les délires perchés qui ne manquent pas de fond.
Difficile en effet de rester de marbre face à des braqueurs gauches grimés en Jésus Christ sur la croix ou en Bob l’Eponge, qui vont se faire poursuivre par des policiers tirant à travers la foule quitte à toucher des innocents. Ce démarrage sur les chapeaux de roues est d’autant plus impressionnant qu’outre sa drôlerie et sa folie douce, il introduit parfaitement les héros à travers leurs gestes, qui en disent long sur leurs conditions sociales. Toujours en accord avec la situation de son pays, son histoire et son actualité, De la Iglesia ne peut s’empêcher de marquer ses films d’un filigrane de réel, avec un regard franc et honnête sur le quotidien de chacun.
Cela reste pourtant un arrière-plan, qui, bien que présent, ne compromet jamais l’objectif premier du film, à savoir un divertissement sous adrénaline, comme en témoigne l’irruption progressive d’un fantastique avec lequel le réalisateur s’éclate comme un gosse.
Plongeant à pieds joints dans un chaudron mélangeant mythes intemporels et folklore espagnol, le film se délecte de la rencontre explosive et inattendue entre ses héros contemporains déjà mal barrés et une tribu de magiciennes aux plans forcément machiavéliques.

Un beau programme qui s’avère être finalement un gigantesque terrain de jeu pour un metteur en scène que rien n’arrête. Pas de chichis chez les Espagnols, comme en témoignent les nombreux dialogues à la langue bien pendue, où comment nos mâles dominants en collent plein la tronche à la gente féminine avant de se faire rhabiller pour l’hiver par cette dernière. Une potion magique bien frappée qui ne recule devant aucun tabou et s’amuse de tous les outils à sa disposition.
Ainsi le film déroule une palette cinématographique riche en teintes, la comédie burlesque croisant le fantastique pur ou l’épouvante faisant face au film social. Dans l’absolu, l’idée de base est très simple : on ne se refuse rien ! Carolina Bang fait fondre la rétine des spectateurs mâles avec un simple balai, un rite transforme la légende en une réalité aussi spectaculaire que saugrenue et au fur et à mesure que braqueurs et sorcières se mêlent les baguettes, l’ombre de Balade Triste plane sur le long-métrage tant le tout a des allures de cirque aussi gothique qu’extravagant.
Avec un appétit glouton et une ambition démesurée, De la Iglesia nous rappelle combien son cinéma est alimenté à la seule générosité de cet homme, pour qui plus n’est jamais assez.
C’est aussi ce qui en vient à lui causer un revers de médaille : aussi luxueuse soit la production de son film, elle n’arrive pas toujours à suivre. Sa mise en scène s’en ressent parfois, tout comme certains effets numériques un peu approximatifs. Surtout, c’est sur le récit que ce chaos inévitable impacte le plus. À force de charger la mule, l’indigestion n’est jamais loin, à l’image d’un final bordélique au possible qui croule sous le trop grand nombre de personnages, et sous une hystérie collective amenant tous les enjeux du scénario à se résoudre comme par magie au milieu de l’orgie générale.
Les meilleures blagues sont les plus courtes et ce cher Alex a toujours eu du mal à le comprendre, ce qui n’empêche pas son film d’être habité par une bonne humeur communicative et une vivacité étourdissante.

Quand les Sorcières de l’espagnol fou ont autant les crocs que des machos faisandés, le résultat ne peut qu’être volcanique. Brassant les genres et les icônes populaires plus vite que la lumière, Alex De La Iglesia livre une fois de plus une œuvre surexcitée et protéiforme, qui éclate tout sur son passage au risque d’en perdre certains par sa décharge incessante d’énergie, qui la rend limite assommante.

Cela n’en reste pas moins une comédie carburant uniquement à des envies de cinéma toutes plus fortes les unes que les autres, légitimant certaines bavures.

 

Les Sorcières de Zugarramurdi – Sortie le 8 janvier 2014
Réalisé par Álex de la Iglesia
Avec Carmen Maura, Carolina Bang, Terele Pavez
Trois braqueurs d’un magasin d’or de la Puerta del Sol à Madrid, en fuite vers la frontière française, vont se réfugier par erreur dans la ville de Zugarramurdi, haut lieu de la sorcellerie, à la veille d’une très importante réunion de milliers de sorcières…

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