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Critique : Yves Saint Laurent

Il est difficile de passer à coté de ce qui nous est annoncé comme « la » grosse sortie française de ce début d’année : Yves Saint Laurent.

Guillaume Galliène, fraichement auréolé du succès de ses Garçons à Table, et le jeune comédien montant Pierre Niney vu dans la série télé Casting(s) ou encore le sympathique J’aime Regarder les Filles sorti en 2011, multiplient les apparitions promos à la télé et à la radio pour vanter les louages de Jalil Lespert mais aussi du personnage au coeur du film, le célèbre Yves Saint Laurent.

Jean-Victor a revêtu son costume le plus à la mode et est allé voir si ce concert de compliments était mérité.

 

Après Coco Chanel et les deux biopics sortis à quelques mois d’écart sur son histoire, c’est Yves Saint Laurent qui a le droit au même traitement cette année. Tout d’abord, il y a le film éponyme qui nous intéresse aujourd’hui, réalisé par Jalil Lespert, et un autre de Bertrand Bonello qui portera simplement le nom de famille du couturier ayant débuté chez Dior, avant de souffler un vent de modernité important dans le monde de la mode féminine avec sa propre maison de couture.
Avant de pouvoir confronter les deux films, la première version débarque donc, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a un goût d’inachevé…

Fortement médiatisée ces jours-ci, cette version est portée par deux acteurs dont vous avez difficilement pu éviter les noms, à savoir Pierre Niney & Guillaume Gallienne. Deux hommes issus de la Comédie Française, et qui portent les rôles d’YSL et de Pierre Bergé, le duo au cœur du film.
Car ce qu’il faut savoir avant toute chose, c’est que contrairement à ce que le titre du film pourrait laisser penser, l’œuvre de Jalil Lespert s’intéresse à Saint Laurent, certes, mais pas forcément à la facette la plus évidente du personnage. Ici, le parti pris est de compter l’histoire d’amour en le créateur et Pierre Bergé, son fidèle bras droit, amant et business man dont la responsabilité dans la réussite de l’entreprise est capitale. Occupé aujourd’hui par leur fondation pour la lutte contre le Sida, il représente l’héritage de l’esprit Saint Laurent, et c’est donc naturellement que le film tourne autour de lui et en fait le narrateur principal par le biais de Gallienne.
Du coup, si on voit évidemment le créateur œuvrer au début de sa carrière et dans divers célèbres défilés, entre la collection Mondrian ou celles des Ballets Russes qui ont fait sa renommée, le sujet du film n’est pas la mode mais bien la relation mouvementée avec Bergé et comment leur amour passionnel a vécu des hauts et des bas autour de leur maison de couture.
En quelque sorte, le film se passionne pour l’homme de l’ombre et son influence sur le génie, qui trouvait là un ange gardien veillant à son bonheur malgré la difficulté à le satisfaire.
Fort d’une reconstitution soigneuse et d’acteurs imprégnés par leurs rôles, en donnant par ailleurs dans le mimétisme un peu trop appliqué en ce qui concerne Pierre Niney et son jeu pas toujours naturel, le film met toutes les armes de son côté pour honorer l’homme sans prendre de risque.
Là où ça devient problématique, c’est qu’il passe aussi à côté de son sujet…

Quand on fait un film qui s’appelle Yves Saint Laurent, on s’attend bien sûr à en apprendre plus sur l’être humain dans son intimité, ce que le film s’évertue à faire, et sur son travail avec l’impact fameux que celui-ci a eu. Hors, lorsqu’il est question de mode, la mise en scène assez plate de Lespert, qui compose 90% de ses plans en 2 tiers/1 tiers parce que ça fait sûrement cinéma, se limite à voir l’artiste dessiner ses modèles, et à montrer les défilés avec les applaudissements qui s’en suivent. Point barre. Pour un film qui termine avec un carton nous expliquant qu’« Yves Saint Laurent a révolutionné la mode pour femmes », on aurait aimé précisément voir l’impact du maitre à l’image, comprendre en quoi ses idées, ses collections et ses muses ont forgé un symbole de féminité, de féminisme pourrait-on dire. Mais il n’en est rien, parce que le film ne cherche pas à montrer le génie d’Yves Saint Laurent par l’impact qu’il a eu dans la société. Un grand biopic transcende son sujet quand il traduit de manière cinématographique sa manière de voir le monde et en quoi cette dernière, et son art, étaient si singuliers. Il faut donc un point de comparaison, confronter l’œuvre au monde qui l’entoure, pour montrer en quoi elle était spéciale, surtout quand on sait qu’une révolution se mesure à l’empreinte qu’elle a laissé derrière elle. Un film comme Cloclo montrait le processus de travail du chanteur, en le voyant s’imprégner d’un concert de soul, ou en traduisant l’impact émotionnel qu’avait sur lui My Way de Sinatra dans une séquence qui tenait de l’ordre du rêve.
Rien de tout ça n’est fait dans Yves Saint Laurent, excepté un passage où l’on comprend simplement d’où est venue l’idée pour les robes Mondrian (on s’en était pas douté tiens) ou lorsqu’une scène un peu clipesque vante l’avant-gardisme d’une collection choc en balançant plein pot une musique house anachronique au possible, donnant à la dite séquence des airs de pub de parfum. Pour un homme ayant modernisé la femme, tout ça est tristement sobre et sans risque.

Illustration sage et appliquée de la biographie intime du couturier, Yves Saint Laurent version Lespert & Niney préfère donner dans la romance plutôt que de prendre à bras le corps son sujet : l’art de la mode. En résulte une production soignée par son budget et la reconstitution méticuleuse de certains grands chapitres de la vie du couturier, mais qui ne traduit jamais l’essence de son génie, ce qui est tout de même dommage quand on en porte le nom aussi ouvertement…

 

Yves Saint Laurent – Sortie le 8 janvier 2014
Réalisé par Jalil Lespert
Avec Pierre Niney, Guillaume Gallienne, Charlotte Le Bon
Paris, 1957. A tout juste 21 ans, Yves Saint Laurent est appelé à prendre en main les destinées de la prestigieuse maison de haute couture fondée par Christian Dior, récemment décédé. Lors de son premier défilé triomphal, il fait la connaissance de Pierre Bergé, rencontre qui va bouleverser sa vie. Amants et partenaires en affaires, les deux hommes s’associent trois ans plus tard pour créer la société Yves Saint Laurent. Malgré ses obsessions et ses démons intérieurs, Yves Saint Laurent s’apprête à révolutionner le monde de la mode avec son approche moderne et iconoclaste.

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