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Critique : Veneciafrenia

Le PIFFF édition 2021 a retrouvé ses quartiers au Max Linder à Paris pour une semaine de cinéma de genre. Le festival s’est ouvert sur rien de moins que le nouveau film d’Alex de la Iglesia. S’il n’est pas encore daté en France, il a été produit avec Amazon Prime, ce qui laisse penser à une sortie sur la plate-forme vidéo quelque part en 2022.

Le hasard est parfois bien malicieux.

Alex de la Iglesia en a fait lui-même les frais lors de la production de Veneciafrenia, son dernier film d’horreur, qui voit une bande de touristes espagnols délurés en voyage à Venise pour s’éclater comme des petits fous, avant de se faire éclater par des cinglés locaux qui en ont ras-le-bol du tourisme. Manque de pot pour De la Iglesia, une petite pandémie mondiale est passée par là et a transformé Venise en ville fantôme pendant le tournage, obligeant la production à dépenser des frais supplémentaires en figuration histoire de repeupler les rues !

Un paradoxe assez drôle vu que le film met en exergue la surexploitation touristique de certains lieux par cette économie, face à des habitants qui aimeraient un peu plus de calme et de respect pour leur cadre de vie. Un phénomène que le film dénonce évidemment, la pratique dénaturant le caractère typique de bien des endroits pour attirer du monde et de l’argent, mais qu’il ne condamne pas complètement heureusement, vu que c’est une économie à part entière qui permet à beaucoup de vivre, et que le film exploite le filon à 300% vu qu’on vient avant tout pour voir des meurtres précisément à Venise !
Car Veneciafrenia est avant tout présenté comme un film d’horreur qui va profiter du folklore local avec son tueur inquiétant déguisé en bouffon, chapeauté par un homme sombre en tenue de docteur de la peste avec le fameux masque au bec imposant.

Au travers d’un impressionnant générique très stylisé, qui renvoie à l’esthétique du giallo tout en y placardant des caricatures de touristes, la note d’intention est clairement posée avec un concept alléchant, à savoir des meurtres sanglants dans une ville aussi iconique, en profitant de son architecture et de son style si spécial pour immerger les victimes et le public dans un monde souterrain sanglant. Quoi de mieux que les déguisements locaux et les masques traditionnels vénitiens pour brouiller les pistes et faire peser la menace dans toute la ville, en jouant sur son histoire et ses mystères pour construire sa menace ?
D’autant que ce bon vieux Alex a souvent eu la main lourde et généreuse en terme d’univers, et l’arrivée de notre troupe dans une soirée très privée et folle furieuse sur fond de Die Antwoord laisse penser qu’on a mis les pieds dans un trip littéral qui va nous faire perdre la raison et exploiter à l’extrême le baroque de cette cité sur l’eau pour mener à bien son programme.

Hélas, mille fois hélas, Veneciafrenia n’est jamais à la hauteur de ses promesses si alléchantes, à commencer par sa troupe de personnages principaux, des espagnols en rut un peu débiles, que le film va caractériser sans encombre de telle manière afin de les rendre insupportables.
En soit, pourquoi pas, ça donne bien envie de les voir s’en prendre une ou deux, pour bien appuyer le plaisir coupable. Sauf que cette chair à canon toute désignée reste au cœur du film tout du long, malgré quelques pertes en chemin évidemment, et qu’il est difficile de s’attacher à qui que ce soit dans ce groupe même après une heure de film, encore plus quand le récit s’alourdit d’une intrigue secondaire sur le mari de l’héroïne resté à Londres pendant que sa future femme cherche son frère disparu dans Venise. La menace du film, qu’on pouvait fantasmer de plus en plus vaste et tentaculaire telle une secte historique mettant enfin en marche son plan, se révèle ultra décevante rapidement tant le script tue toute ampleur dans l’œuf en explicitant très vite les tenants et les aboutissants, ramenant perpétuellement tout à un programme de slasher assez basique.

C’est assez malheureux à vrai dire de voir la justification globale, toute petite et insignifiante, qui va à l’encontre du fantasme dégagé par tant d’histoire.
Et à la mise en scène, c’est du même tonneau malgré la première partie plutôt tenue : jamais De la Iglesia ne tente de plier ses cadres et son découpage à l’atmosphère locale, ayant au final un œil assez touristique et large qui n’exploite que très peu le décor.
A tel point que finalement, Veneciafrenia pourrait se dérouler dans une autre ville sans trop de problème.

Alors le résultat n’est pas catastrophique pour autant, possède çà et là quelques idées amusantes. Mais pour honorer le fameux adage du « Voir Venise et mourir », on repassera.

Veneciafrenia, d’Alex de la Iglesia – Sortie prochaine sur Prime Video

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