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Critique : Une Nouvelle Chance

Clint Eastwood devait arrêter sa carrière d’acteur pour se consacrer à la réalisation.

Pourtant, à l’instar de Mel Gibson qui a filé un coup de main à Adrian Grunberg sur Get the Gringo (Grunberg ayant été assistant réal sur Apocalypto), Clint est sorti de cette semi retraite pour jouer devant la caméra de Robert Lorenz, assistant réal de Sur la Route de Madison et producteur de tous les Eastwood depuis Créance de Sang en 2002. Un coup de pouce à un pote.

Mais est-ce suffisant pour que le film soit de qualité ? A 82 ans, de quoi est encore capable Clint Eastwood devant la caméra d’un autre.

 

 

Après Gran Torino, on pensait que la carrière devant la caméra de l’homme le plus classe du monde était finie. C’était non seulement ce qui avait été annoncé officiellement, et le film qu’il réalisait aussi en portait les symboles, avec un personnage synthèse de tous les grands rôles, et toutes les facettes, de ce monstre de cinéma à 82 balais. Pourtant, Clint est revenu sur ses promesses, et entre deux de ses réalisations, il a accepté pour son producteur de longue date Robert Lorenz de repasser sur le devant de la scène dans Une Nouvelle Chance. Mais Eastwood en avait-il vraiment besoin ?

Pour cette production faite presque en famille, le maître était bien entouré puisque c’est la plupart de ces collaborateurs (monteurs, producteurs, chef opérateur…) qui ont travaillé sur ce « Trouble with the Curve » en VO. Comme c’est dans l’air du temps, le scénario prend en compte le grand âge de l’Inspecteur Harry, qui joue ici un sélectionneur de club de baseball qui approche de la retraite et remplit sa fonction avec ses bonnes vieilles méthodes bien à lui, contre vents et marées, ou informatique et statistiques. Le corps humain étant ce qu’il est, le bougre commence à rouiller et va se retrouver avec sa fille pour un voyage qui n’a finalement pas tant à voir avec le sport, mais plutôt avec un retour aux sources et aux valeurs familiales.
On ne se demande même pas à vrai dire si Clint a bien fait de revenir pour un dernier tour sur péloche puisque la réponse est claire : non, non et mille fois non.
Après la fin déchirante d’un Gran Torino qui officiait comme un passage de flambeau humble, intelligemment référencé et plein d’espoir, ce Trouble with the Curve enchaîne tellement les poncifs du drame bien américain que cela en devient presque gênant.

Même pas besoin d’être un spécialiste du genre ou quoi pour savoir exactement ce qui va nous attendre puisque le long métrage de Robert Lorenz fait preuve d’un soin tout particulier pour ne pas rater le moindre cliché. Véritables célébrations de l’Amérique avec un grand A, Trouble with the Curve montre des Américains fiers de leurs pays et unis par la famille, qui vont tous les week-ends soutenir leurs enfants en train de devenir des stars montantes du baseball avant de se réunir le soir dans des bars tout de bois vêtus autour d’une bonne bière et d’une partie de billard. On roule en mustang ou en pick-up, on reste unis et surtout, surtout, la famille vaincra.

Il suffit de voir le traitement réservé à deux personnages en particulier pour comprendre en quoi le scénario est l’un des plus balisés de l’année : les 2 « méchants » de l’histoire ont toute la panoplie du parfait petit connard. D’un côté, le sélectionneur arrogant et vulgaire, rejetant les bonnes vieilles méthodes de papy pour ne jurer que par les statistiques et passant son temps à croire que la fille d’Eastwood est son esclave sexuel. De l’autre, un jeune joueur arrogant et vulgaire qui monte dans le milieu en étant ultra bourrin et passant son temps à rabaisser ses camarades par rapport à sa célébrité soudaine et aux futures femmes qui seront hypothétiquement à ses pieds pour lui servir d’esclaves sexuels. Oui, les deux méchants sont des gros connards mais ça, on l’a bien compris puisque le film le surligne dans tous les sens dès le début, tout comme on comprend vite qui va faire quoi, quel ressort narratif va être utilisé à la scène d’après, et comment tout ça finira bien.

Un programme bien rôdé dans lequel Clint trimballe sa gueule légendaire sans se fouler et en hésitant pas à surjouer son rôle de Gran Torino, a.k.a le pépère grochon, le côté Bad Mother Fucker en moins excepté lors d’une scène qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Amy Adams joue très bien la fille frustrée qui ne demande qu’à être aimée (rôle qui constitue jusqu’alors 85% de sa carrière) et Justin Timberlake de son côté n’est là que pour séduire la demoiselle en faisant le beau gosse drôle et sympa de service.

Un programme qui pourrait être sympathique si la réalisation relevait un peu le tout, et si le réalisateur réussissait après tout à insuffler subtilement l’émotion. Après tout, le dernier Cameron Crowe, dont le titre français Nouveau Départ a dû inspirer le marketing de Warner Bros France, réussissait à insuffler de la magie au récit par la conviction qu’il y mettait et la douceur candide qui le caractérisait. Hors ici, on ne nous épargne rien : on se cogne des ralentis bien ridicules à la fin lors de l’action décisive qui va tout changer, les violons sont de sorties dès qu’il faut pleurer dans les chaumières, les personnages réussissent par miracle à plier les couillons à leur volonté et en guise de cerise sur le gâteau, ils laissent derrière eux ce monde moderne froid et clinique pour la chaleur des terres profondes américaines. Un Blackberry jeté soudainement dans une poubelle, c’est un signe qui ne trompe pas. Heureusement que la bande son nous ressort de vieux standards rock aux accents country pour donner un chouilla de folklore à la chose, même si là encore ça semble bien forcé.

Une Nouvelle Chance, c’est la démonstration que Clint Eastwood et son entourage connaissent par cœur la formule du drame à l’américaine censé réchauffer les cœurs. On pourrait presque croire que le tout a été fait les yeux fermés et les mains dans le dos tant le résultat est sidérant de mécanisme et de roublardise, le film se reposant sur ses noms pour vendre un scénario qu’on connaît par cœur et qui est déroulé ici sans la moindre envie. Un film qui s’oublie donc en un instant, et dont on espère que l’histoire ne se souviendra pas car si on devait en tirer une conclusion, c’est que Gran Torino était bel et bien une grande porte pour mettre dire au revoir à Clint Eastwood l’acteur.

 

Une Nouvelle Chance – Sortie le 21 novembre
Réalisé par Robert Lorenz
Avec Clint Eastwood, Amy Adams, Justin Timberlake
Un découvreur de talents spécialisé dans le baseball voit sa vie basculer avec la perte progressive de sa vue. Il décide pourtant de faire un dernier voyage à Atlanta, accompagné de sa fille, à la recherche d’un talent prometteur.

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